De récentes occasions, particulièrement la commémoration annuelle de l’assassinat du Préfet Erignac, ont montré que l’exercice des responsabilités à la tête de la Collectivité Territoriale de Corse par les nationalistes interroge leur façon d’approcher les relations avec l’Etat et ses représentants.
Gilles Simeoni a choisi de se rendre à cette commémoration au nom de l’Exécutif car cela « entre dans les devoirs de (sa) charge, qui implique notamment la représentation de la Corse dans tous les actes de la vie civile ». Jean Guy Talamoni, de son côté, a annoncé son refus d’aller à une cérémonie où « sa présence serait déplacée et sans doute même pas souhaitée ».
Ce choix renvoie au symbolique autant qu’au politique car la mort du Préfet Erignac est la blessure la plus à vif de cinquante années de conflit. La décision de participation ne pouvait être différée, elle était à prendre d’emblée, dès la première année de l’élection. L’Exécutif, en décidant d’y aller, a agi dans la logique du mandat qui est le sien.
Quand les Corses ont voté en décembre dernier, ils l’ont fait pour engager, par des voies démocratiques, une solution politique. Ce choix s’est exprimé concrètement à travers le dépôt des armes du FLNC qui a été approuvé par l’électorat Corsica Libera. Il s’est exprimé aussi par le rapport de forces qui place le courant des « modérés » largement en tête du premier tour avec plus des deux tiers des voix nationalistes. Sans l’union des deux, la victoire n’était pas possible et cette union s’est faite sur un mandat politique qui, en plaçant l’Unione pè a Corsica à la tête des institutions, lui demande d’aller vers un dialogue avec l’Etat.
Or la participation à la cérémonie Erignac est une condition pour favoriser ce dialogue.
Cela ne signifie pas par avance qu’il sera fructueux, on peut même légitimement en douter. Outre son « inclinaison naturelle » peu favorable, le gouvernement actuel est sous la pression d’une montée au créneau de toute une nomenklatura jacobine qui essaie de dresser l’opinion publique hexagonale contre tout dialogue avec la Corse. Un summum a été atteint l’autre soir sur France Télévisions lors d’un « reportage » à sensation sur les nouveaux dirigeants de l’île. Côté CTC le reporter a tendu un micro exclusif à Jean Guy Talamoni, à qui il a donné le rôle d’épouvantail en mettant en exergue certaines de ses déclarations, et a même été jusqu’à ignorer totalement Gilles Simeoni à qui il ne donne pas une fois la parole. Côté opposants aux nationalistes, pour symboliser une prétendue « majorité silencieuse », le cap a été mis sur Verdese, 30 ou 40 habitants au fin fond de la Castagniccia, dont Francis Pomponi, dernier chantre en activité de la défunte CFR, a été récemment élu maire. Et, pour tirer les conclusions du reportage, c’est Jean Pierre Chevènement en personne qui était l’invité de l’émission !
A n’en pas douter, cette offensive médiatique va aller crescendo et profiter de toutes les maladresses pour enfoncer le clou. Ne pas participer à la cérémonie d’hommage à Erignac en aurait certainement été une des plus reprochées par nos adversaires, et une des moins acceptables pour une opinion publique hexagonale qu’il faut réussir à éclairer sur la réalité du dossier corse. « Je ne veux pas que mon absence puisse être perçue comme un signe d’indifférence ou d’hostilité à l’égard du souvenir de ces faits tragiques » a notamment déclaré Gilles Simeoni, parfaitement conscient des enjeux et de ses responsabilités.
La participation à la cérémonie du 6 février est venue acter un choix politique que les élections de décembre dernier ont validé. La symbolique d’une volonté de dialogue devait être exprimée de façon nette, en direction des représentants de l’Etat certes, mais aussi, et surtout, en direction du peuple corse dont la confiance acquise en décembre dernier sera encore et toujours à consolider.