« La Corse cette nation » par Nicolas Berti
« La nation corse, je ne sais pas ce que ça veut dire » Manuel Valls.
La Corse est-elle une nation ? Au vu des déclarations du premier ministre il apparaît qu’elle n’en est pas une. Pourtant…
Il existe deux grandes théories sociologiques qui tentent de définir ce qu’est une nation, l’une d’origine allemande, la seconde d’inspiration française.
Le « discours à la nation allemande » est prononcé en 1808 par le philosophe Fichte. Il s’y engageait alors contre le courant de pensée développé par un Napoléon Bonaparte sorti victorieux des batailles d’Iéna et d’Auerstedt. Selon Fichte, la nation s’articule autour de la langue, de caractères ethniques, géographiques, religieux et culturels.
Sur le plateau du Grand Journal de Canal +, le 13 janvier, le Président de l’exécutif de la région Corse, Gilles Simeoni, allait dans ce sens en insistant sur le fait que « la Corse a toujours fabriqué des Corses, quelle que soit leur couleur de peau, quelle que soit leur religion ». Dans un contexte d’internationalisation des mœurs, de sociétés cosmopolites et pluri-religieuses, cette conception de la nation ne semble pourtant pas adéquate dans l’optique de démontrer l’existence d’une nation corse.
D’où l’intérêt d’analyser la seconde théorie, française, émise par Ernest Renan. Dans sa conférence « Qu’est-ce qu’une nation ? », il démontrait que la langue, le sol et la religion ne s’avéraient pas des conditions suffisantes dans la construction d’une nation. Évidemment, l’insularité de la Corse, sa langue ou encore sa culture se révèlent être des éléments importants et potentiellement constitutifs d’une identité nationale. Sauf que la langue corse, bien qu’âprement promue et protégée dans l’île, ne constitue pas un élément fondamental dans le but de construire une nation corse.
Pour Renan, les conditions indispensables résident dans la notion d’âme et de principe spirituel. A ses yeux, l’âme est ce « riche legs de souvenir ». La fierté des sacrifices de nos ancêtres qui font ce que nous sommes. Il faut ajouter à cette dimension passée celle, présente, « du principe spirituel ». Celui-ci se symbolise par la volonté de vivre ensemble, de continuer à faire valoir les héritages du passé.
La Corse a connu ses héros : D’Ugo Colonna à Vincetello D’Istria, en passant par Sampieru Corsu, Pasquale Paoli, Napoléon Ier, Danielle Casanova, les combattants anonymes de la liberté, les goumiers marocains de Teghjime et bien d’autres. N’oublions surtout pas nos ancêtres, ces héros ayant lutté pour la liberté, tombant à Ponte Novu et ailleurs en Corse, se sacrifiant loin de leur ile comme aux chemins des dames où à Verdun… Observons l’héritage qu’ils ont laissé. La constitution de 1755 en est le plus bel exemple, elle qui a inspiré celle des États-Unis d’Amérique ou de la France, qui a octroyé le droit de vote aux femmes, instauré un gouvernement moderne, offert son indépendance à la Corse et qui, indéniablement, a démontré l’existence du peuple corse. Deux éléments prouvant, si besoin était, que la nation corse existe bel et bien.
Donc oui, monsieur le premier ministre, le peuple corse – et à travers lui la nation corse – existe, et tant que les Corses continueront de l’entretenir, elle perdurera dans le temps. Ne pas admettre, aujourd’hui, l’existence de la nation corse n’est qu’un pur exercice de mauvaise foi, niant cette réalité : la Corse possède une âme qui, indéniablement, pousse ses enfants à vivre ensemble, à entretenir une identité propre symbole de ce qu’est une nation. Alors vive le peuple corse, et vive la nation !