“Sans destruction pas de construction ; sans barrière pas de courant ; sans arrêt pas d’avance.” Mao Tsé Toung.
Lucides propos tenus il y a peu dans les colonnes de « Corse Matin ». Propos engendrés par le double constat de la victoire du Mouvement Patriotique aux dernières élections territoriales, et de la situation de la droite dite traditionnelle dans cette conjoncture. L’objectif – si il est maintenu – est, pour le maire de Portivechju, de s’atteler à la construction d’une Droite « corsiste » en s’affranchissant du carcan d’un appareil libéral français qui n’a vraiment que faire de la Corse…
Il faudrait un jour s’atteler à analyser l’histoire et l’évolution de cette droite « traditionnelle » qui a toujours oscillé entre un clanisme – courroie de transmission – et une dépendance structurelle à la France… Une histoire et une évolution portées par des figures telle feu Jean Paul de Rocca Serra qui, paradoxalement à leur statut, défendaient certaines valeurs et comportements culturels de notre société… Pour autant cette Droite comme ces hommes n’ont jamais su ou pu s’affranchir de cette calamiteuse tutelle où l’avenir de la Corse était et demeure hypothéqué sur l’autel de la vassalité.
Georges Mela met donc les pieds dans le plat. En reconnaissant qu’à l’occasion des élections territoriales, la Droite – divisée faut-il le rappeler – « n’avait rien à proposer »; en appelant à s’affranchir de » certains discours nationaux » ; en se projetant enfin pour la construction d’une » droite corsiste », celui qui fut jadis mis à l’étrier pour la gestion de la commune de la Cité du sel par Camille de Rocca Serra, transcende certaines frontières du « politiquement français » pour d’autres pistes axées avant tout sur nos racines.
Il est vrai qu’à l’occasion des dernières élections, cette Droite – désunie – n’avait que peu de propositions stratégiques pour la Corse, fractionnée qu’elle était entre un José Rossi, suranné dans ses discours, et un Camille de Rocca Serra timoré pour l’occasion. Le tout sous l’oeil ravageur d’un Nicolas Sarkozy qui a su – statutairement – légitimer le premier et – malgré des coups bas – entretenir le second …
Toutefois Georges Mela n’a pas la primeur de l’initiative dans ses propos. Le « corsisme » à droite s’est toujours exprimé. Plus ou moins considérablement. On remarquera ainsi que récemment les deux franges libérales opposées au premier tour avaient en leur sein des candidat-e-s « corsistes » (au moins selon certaines de leurs positions) comme Jean Martin Mondoloni pour la liste « Rassembler pour la Corse – Uniti per a Corsica » et Marie Antoinette Santoni Brunelli et Laurent Marcangeli pour la liste « d’union Les Republicains – UDI -CCB ». Dans un récent passé politique, certains libéraux comme feu Robert Feliciaggi, à l’occasion des élections législatives dans la deuxième circonscription de la Corse du Sud en 2002, n’hésitent pas à clairement afficher ce choix prioritairement corsiste : Dans son programme Robert Feliciaggi n’hésite pas à défendre la corsisation des emplois et la notion de « communauté de destin », s’élève contre le racisme anti – corse tout en dénonçant la spéculation immobilière dans l’extrême sud. Il délivrera également une analyse qui reste – entièrement – d’actualité pour la droite dite traditionnelle : » La Corse n’est qu’un enjeu pour les partis nationaux qui règlent à son détriment leurs conflits politiciens, sans se soucier de son avenir ». Un peu plus loin dans ce passé politique qui reste d’actualité, Philippe Ceccaldi (Renaissance Corse) dans le cadre de l’activité de « l’inter groupe des non – alignés » ( avec D. Alfonsi pour le PPC, J. Colonna et P. Patriarche pour le DIC, L. Felli et J.F. Ferrandi pour Sud Diaspora, C. Santoni pour le MCS) participe à la rédaction d’une motion à l’assemblée de Corse en 1983 et qui stipule clairement que « le Peuple Corse constitue une communauté sociale, culturelle et historique spécifique ». Cette motion obtiendra 23 voix contre 37 sur 60 votants.
Toutefois ces exemples aussi importants soient ils n’altèrent que peu la réalité limitée du courant de cette Droite libérale « corsiste ». Le poids des appareils traditionnels français étant nettement plus important et confinant – les exemples ne manquent pas – jusqu’à l’assujettissement… En restant pour l’exemple en 1983, toujours à l’assemblée de Corse, et face à la notion de « Peuple Corse », le conseiller M. F. Piazza Alessandrini (Rassemblement Corse dans l’unité Française ) donnait tout le ton – cela n’a pas changé – de cette sujétion : » Ainsi, si le Peuple Corse était juridiquement reconnu. Il serait – comme tous les peuples de la terre – souverain sans que quiconque puisse imposer une limite à sa souveraineté et il disposerait du droit à l’autodétermination sans aucune restriction. (…).Nous nous opposons à toute atteinte portée à l’unité. »…
Il subsiste aujourd’hui cette interrogation : Une Droite « corsiste » peut-elle réellement s’émanciper des pesanteurs structurelles qui la confinent pour prendre dès lors toute sa place dans l’espace politique Corse ? Les exemples cités ci-dessus d’une manière assez rapide démontre que l’expression et le champ existent. Mais que des obstacles restent encore à franchir. Sous cet angle les propos de Mr Mela prennent toute leur pertinence et, soit ils s’inscrivent avec prolongement dans un schéma d’avenir, soit ils ne traduiront avec tournure que le contexte politique du moment, sans stratégie précise… Les mois à venir seront riches d’enseignements en la matière.
Pour le moment, ces mêmes propos ont été acté par U Riacquistu di Portivechju. La démarche Patriotique communale lui suggérant de s’atteler des lors à mettre en place un espace extra – municipal autour de commissions thématiques propres au territoire . Il est tout aussi vrai que les intérêts – collectifs – de la Corse y sont naturellement concernés.