(Libération) Retour à Ajaccio, sur le lieu des «manifs punitives» de décembre, où les Arabes vivent dans la peur.
Jusqu’à l’opération punitive subie pendant deux jours par son quartier à Noël, Rqia, infirmière, 49 ans, était prête à parier qu’il n’y avait «pas mieux» que son appartement des Jardins de l’empereur, une copropriété sur les hauteurs d’Ajaccio : si tranquille que «des fois, on ne fermait même pas la voiture ou les portes du domicile». Mais depuis que, le 25 décembre, des centaines de manifestants sont venues crier sous ses fenêtres «Arabes dehors, on va vous tuer !», cassant la porte vitrée de l’immeuble, Rqia se demande s’il faut partir. Sa sœur et voisine Fatima, 51 ans, pense pareil, et leur traumatisme interroge toute la Corse sur son mode de vie et d’intégration.
Les deux femmes en sont pourtant des modèles : arrivées à 6 et 8 ans de leur Maroc natal sans connaître la langue, elles ont appris le français, fait des études supérieures, se sont installées. Et maintenant, elles vivent la peur au ventre. «Tout ce qu’on a construit s’est envolé, explique Fatima. Et ils peuvent très bien recommencer. Suffit qu’il y ait un attentat à Paris ou qu’un petit con ici fasse une bêtise.» En ville, elle ne regarde plus les passants dans les yeux : «Je ne sais pas s’ils n’étaient pas dans la manif.»