Après la victoire nationaliste, la #Corse entretient le flou sur son avenir en France

Réclamer l’indépendance d’avec la France, exiger une plus grande autonomie? Après la victoire des nationalistes en Corse, les insulaires transigent sur leurs réelles aspirations, sous l’oeil inquiet de Paris voulant à tout prix préserver l’unité nationale.

« Evidemment je suis content, c’est l’aboutissement de quarante ans de lutte. Je prône l’indépendance depuis toujours mais après 200 ans de colonialisme (français) et un développement par l’assistanat, il faut d’abord faire un état des lieux avant de lancer la réflexion », juge Jean-Pierre Susini, vieille figure d’un mouvement armé.

« La Corse, en travaillant, peut arriver à l’autosuffisance mais les nationalistes ont énormément de boulot. Il faut repenser l’agriculture, les transports… », énumère cet homme de 67 ans chez lui, à Luri, village perdu dans le maquis du Cap corse dans le nord de l’île, là où il trouva trois fois refuge pour échapper à la prison après ses « nuits bleues » d’attentats.

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Cet exploitant agricole a milité au sein du Front de libération national de la Corse (FLNC). Ce mouvement radical créé en 1976 et responsable d’assassinats politiques et de plastiquages contre des bâtiments publics, a déposé les armes en juin 2014, contribuant à une victoire historique des nationalistes lors d’un scrutin régional le 13 décembre.

Après la Catalogne en Espagne et l’Ecosse au Royaume-Uni, l’île méditerranéenne rattachée à la France depuis 1768 est le troisième territoire en Europe à avoir porté au pouvoir des dirigeants nationalistes. L’autonomiste Gilles Simeoni et l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni ont été élus à la tête d’une sorte de mini gouvernement local.

Jean-Pierre Susini, compagnon de lutte du père de Gilles Simeoni, Edmond, appelle les nationalistes à agir vite: « On n’a que deux ans devant nous. Il ne faut pas décevoir, sinon les valets du colonialisme (les partis classiques) vont reprendre le dessus ».

De nouvelles élections doivent être organisées en 2018 avec l’instauration d’une collectivité unique en Corse.

La spécificité de la Corse dans la république française s’est traduite par plusieurs statuts successifs avec des réformes administratives en 1982, 1991 et 2002 dotant l’île de compétences élargies.

– ‘La Corse n’est pas l’Ecosse’ –

Dans ses premières déclarations, le nouveau tandem a savamment entretenu le flou sur ses intentions, donnant des sueurs froides à l’exécutif socialiste français, déjà à la peine pour contrer le repli identitaire prôné par le parti d’extrême droite Front national.

« Ce dont il est question c’est d’installer le premier gouvernement national corse depuis le 18e siècle (…) et de négocier une réforme audacieuse avec Paris », a affirmé Guy Talamoni dans une tribune au quotidien Le Monde.

Pour Gilles Simeoni, cité dans le journal Corse-matin: « Ce sont les Corses qui trancheront. S’ils veulent l’indépendance, personne ne les empêchera de la prendre. Inversement, s’ils n’en veulent pas, personne ne pourra avoir la prétention de la leur imposer ».

Selon le quotidien Le Parisien, une majorité de Corses serait en faveur d’un référendum.

Située au cœur de la Méditerranée occidentale, à 170 kilomètres de Nice (sud de la France), une dizaine de kilomètres de la Sardaigne, 50 kilomètres de l’île d’Elbe, 80 kilomètres des côtes toscanes, la Corse occupe une position stratégique au sein de l’espace géopolitique méditerranéen mais son secteur productif est anémié.

« La Corse n’est pas l’Écosse avec son pétrole ni la Catalogne avec son PIB », relève à cet égard un éditorial de l’hebdomadaire L’Express. « Indépendante, elle ne pourra devenir qu’un paradis fiscal inondé d’argent sale et doublé d’un vaste écomusée pour hordes de touristes », met en garde le magazine.

Le gouvernement français a appelé cette semaine à ne pas « faire monter les débats » en Corse, en référence notamment à un discours prononcé en corse par Jean-Guy Talamoni, tout en demandant que les règles de la République soient respectées.

De nombreux habitants interrogés disent aujourd’hui ne pas souhaiter l’indépendance, en reconnaissant que l’île n’est pas assez structurée. Et qu’elle dépend aussi en grande partie des subsides de l’Etat, notamment via les emplois dans la fonction publique.

« L’indépendance, non. Mais une belle autonomie, oui, avec des pouvoirs législatifs qui permettent à la Corse de promulguer des lois par exemple en matière d’impôts », avance un insulaire sous le couvert de l’anonymat.

AFP

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