Le résultat des élections territoriales de Corse n’a surpris que ceux qui ne regardaient plus la réalité corse depuis longtemps, singulièrement la presse parisienne dont les réactions démontrent l’ignorance crasse et le parti pris.
Le gouvernement de Manuel Valls a choisi une attitude plus sage en prônant avec les nouveaux dirigeants un dialogue serein et apaisé. La Corse, pas plus que la France dans son ensemble, n’a rien à gagner à un affrontement : dans ce genre de situation, il n’y a jamais que des perdants, tout le monde le sait, à Paris comme à Ajaccio.
Je considère pour ma part que la secousse engendrée par l’accession au pouvoir territorial des deux composantes de la famille nationaliste corse créée les conditions d’un règlement politique en profondeur de la question corse.
Le principe de réalité commande en effet de prendre conscience de la réalité révélée, du moins à ceux qui ne voulaient rien voir, par cette élection:
La Corse, la démonstration, s’il en fallait une, vient d’en être faite de manière éclatante, n’est pas une région métropolitaine comme les autres. Inutile donc d’essayer de l’enfermer dans des schémas hexagonaux qui n’ont jusqu’à présent engendré que des crispations quand ce n’est pas des drames.
Les corses ont un attachement viscéral à leur langue et à leur culture qu’ils entendent préserver et cultiver. ils ne sont en cela pas très différents de ceux qui, en France s’émeuvent des menaces qui pèsent sur la langue et la culture française face à la domination anglo-saxonne. Comment donc le leur reprocher ?
Faiblement peuplée l’Île est la proie de la convoitise des spéculateurs : elles se traduisent pour les insulaires par un vif sentiment de dépossession qui engendre colère et frustrations. Plutôt que d’attendre que se reproduisent les drames engendrés par l’irruption massive des rapatriés d’Afrique du nord dans les années soixante est il possible que l’Etat anticipe pour une fois les situations à venir et admette que les insulaires ont besoin de se prémunir, sans pour autant s’enfermer, des conséquences de cette situation ?
Prendre acte de ces éléments , et les reconnaître comme objectifs, constitue le préalable d’un règlement en profondeur de la question corse qui empoisonne depuis cinquante ans les relations entre les corses et la communauté nationale: le président de la République et le gouvernement doivent y réfléchir sereinement, c’est leur rôle, c’est leur responsabilité.
A partir de là tout est possible, ce qui ne veut pas dire facile bien sûr. Dans l’histoire agitée des relations entre les corses et la république un certain nombre de pas ont été accomplis dans le bon sens qui, même si ils n’ont pas été suivi d’effet sont comme autant de petits cailloux sur un chemin dont il faudra bien voir un jour le bout.
Gilles Siméoni affirme sur une chaîne d’informations continue que le peuple corse existe: et alors ? faut il rappeler à ces parlementaires de gauche qui ont l’excommunication facile qu’à deux reprises l’assemblée nationale, du moins pour ce qui concerne chaque fois la majorité socialiste de l’époque, a voté un texte dans lequel est rappelée l’existence du peuple corse ? La première fois à l’occasion du statut particulier de Gaston Defferre, la deuxième à l’occasion du statut de Pierre Joxe.
Un jour que je demandais à Michel Rocard pourquoi il avait réglé dans de bonnes conditions la situation de la Nouvelle Calédonie et pourquoi il n’avait pas réussi avec la Corse , il m’a répondu: parce que là bas j’ai eu la chance de trouver un Tchibaou et un Lafleur…