Séance historique d’installation à la Collectivité territoriale de Corse
13 décembre 2015 : A vittoria naziunalista
Silence radio à Matignon : Contrairement à la liesse en Corse, la large victoire des nationalistes, a été loin d’être saluée à Paris : « On a parlé toute la soirée de douze régions, oubliant la Corse : aucun appel, aucune réaction, ni de François Hollande ni de Manuel Valls », relève Gilles Simeoni, grand gagnant des élections territoriales. Le 1er ministre a téléphoné à chacune des têtes de listes socialistes, aux trois candidats de droite ayant fait échec au Front national, aidé du PS, mais négligé le maire de Bastia, qui, en 2014, avait pourtant emporté sa ville avec l’appui du PS (Emmanuelle de Gentile). Le 1er ministre aurait même en privé (source le Monde) nié l’existence de prisonniers politiques corses, alors que les nationalistes mettent leur libération et l’amnistie pour eux et les recherchés pour faits politiques au coeur de leur campagne et de leurs revendications
17 décembre : Séance d’intronisation historique à la CTC
Les nationalistes aux commandes de la Collectivité térritoriale de Corse : Jean-Guy Talamoni a été élu à la Présidence de l’Assemblée et Gilles Simeoni à la tête du Conseil exécutif. Les huit membres de ce Conseil : six élus Femu a Corsica et deux Corsica Libera.
Grande première, renouant avec les cunsulte historiques de l’avant et pendant l’époque paoliste, ils ont, comme promis par leur président durant la campagne électorale, prêté serment (tiré de a « Giustificazione », 1758, livre relatant la pensée paolienne ) de servir l’intérêt collectif du peuple corse. La séance s’est close sur un moment d’intense émotion avec le Dio Vi Salvi Regina entonnée par le public et repris par toute l’assemblée debout.
Il y avait foule des grands jours pour l’installation de cette 1ère assemblée gouvernée par les Nationalistes en présence de la presse française et internationale en nombre qui, pourtant, avait dans un premier temps zappé le cataclysme électoral dans l’île. Si les élus nationalistes ont envahi les couloirs et l’hémicycle dès 14 heures, alors qu’une foule de sympathisants affluait vers les jardins du grand hôtel, siège de la CTC, les élus de l’opposition, encore sonnés par l’ampleur du vote en faveur de la liste nationaliste, ont attendu dans leurs bureaux le dernier moment, pour rejondre leurs palces au sein de l‘Hémycicle.
L’entrée du futur Président de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, a déchaîné les applaudissements. Après une brève et banale allocution d’ouverture de René Cordoliani,(FN) éphémère président de séance au bénéfice de l’âge, l’élection du Président de l’Assemblée de Corse s’est jouée, comme attendu ( les nationalistes disposant de 24 élus ne pouvant avoir la majorité absolue de 26 élus nécessaire au 1er tour pour être directement élus), en trois tours avec trois listes en lice : Gilles Simeoni, a présenté la candidature de Jean Guy Talamoni, José Rossi, pour le camp libéral, celle de Camille de Rocca Serra et Pierre Chaubon, pour le camp Giacobbiste, celle de Paul Marie Bartoli. Aux deux premiers tours de scrutin, aucun des trois candidats n’a obtenu la majorité absolue requise : 24 pour le candidat nationaliste, 12 pour le candidat giacobbiste et 11 pour le candidat libéral. Le Front national a, chaque fois, voté blanc. C’est, donc, à la majorité relative qu’au 3ème tour de scrutin, Jean Guy Talamoni a été élu.
Un locu di démucrazia : Un lieu de démocratie
Cette arrivée historique d’un nationaliste au perchoir de l’Assemblée a été ovationnée sur les bancs de l’hémicycle et dans les tribunes où s’entassaient les militants nationalsites de tous horizons et de tous äges, au-delà de ceux de de Corsica Libera et de Femu a Corsica. C’est, comme annoncé, entièrement in langue corse (lingua nustrale), que Jean Guy Talamoni a prononcé son discours d’investiture, rappelant la l’histoire de la revendication nationaliste depuis l’époque paoliste et se projetant dans l’avenir par les objectifs poursuivis désormais.
« Oghje, più chè mai, ci tocca à fà di st’Assemblea un locu di demucrazia induve ognunu puderà dì ciò ch’ellu criderà esse u megliu per u bè cumunu. È u nostru duvere serà di permette à ognunu d’esse ascultatu, circandu, ogni volta ch’ella serà pussibule, di fà parlà a Corsica d’una voce sola. U rispettu di l’altru, a brama di cunvince è di serve l’interessi suprani di a Corsica guideranu, ne sò cunvintu, i nostri passi à tutti ». (« Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faudra faire de cette Assemblée un lieu de démocratie où chacun pourra dire ce qu’il estimera être le plus favorable au bien commun. Et notre devoir sera de permettre à chacun d’être écouté, en cherchant, chaque fois que ce sera possible, à faire parler la Corse d’une seule voix. Le respect de l’autre, la volonté de convaincre et de servir les intérêts supérieurs de la Corse guideront nos pas à tous, j’en suis convaincu »).
A mane tesa : La main tendue
Il a ensuite rappelé la mémoire et les sacrfices de toutes celles et ceux qui ont permis ces moments :
« tous ceux qui ont toujours combattu les autorités françaises sur la terre de Corse… les fusiliers de Paoli, tombés à u Borgu et à Pontenovu… les militants du Front morts pour la Corse,… Marcu Maria Albertini et Ghjuvan Battista Acquaviva…la foule immense et muette de tous ceux qui ont donné leur vie pour que vive le peuple corse…nos prisonniers, nos recherchés… le souvenir de nos souffrances, de nos erreurs aussi, mais avec notre foi, avec notre sincérité, les larmes des mères désespérées, des épouses affligées… le rire de nos enfants, l’espoir immense qui nous transporte, l’amour de notre terre et de notre peuple. Nous sommes arrivés ici avec tous les nôtres, et nous sommes venus pour tendre la main ».
Une main tendue à tous ceux qui ne sont pas nationalistes, ceux qui « ont appris notre victoire avec tristesse et inquiétude. Nous leur disons : vous n’avez rien à craindre. Abandonnez donc cette peur, vous qui entrez, avec nous, sur la voie de l’avenir. L’heure est venue de la réconciliation de notre communauté avec elle-même. La Corse appartient à tous les Corses, et le gouvernement national, le premier depuis le XVIIIe siècle, sera celui de tous ».
Appra e porte di e prighjò : Ouvrir les portes des prisons
Il évoque, enfin, les grandes lignes du projet de société que les Nationalistes entendent mettre en œuvre, insistant sur langue, la culture, la terre, la justice sociale.
« Nous irons à Paris et à Bruxelles, avec la force que nous ont donné les Corses dimanche, et nous négocierons les moyens de droit nécessaires pour faire que le peuple corse vive bien et qu’il soit maître sur sa terre. Nous obtiendrons l’amnistie des prisonniers et des recherchés. Les portes des prisons s’ouvriront car les Corses le veulent et que personne ne pourra s’opposer à cette volonté populaire. En votant pour les nationalistes, le peuple corse a dit que la Corse n’était pas un morceau d’un autre pays mais une nation, avec sa langue, sa culture, sa tradition politique, sa manière d’être au monde ».
Après une heure de suspension de séance, une seule liste paritaire de 11 élus, étant constituée pour la Commission permanente, (représentation proportionnelle des groupes politiques) est adoptée, sans vote.
L’élection des deux vice-présidents, une seule liste en lice, est élue ( majorité relative de 24 voix) : Deux conseillers Femu a Corsica, Vanina Borromeï et Hyacinthe Vanni ont été élus vice-présidents, toujours sous les acclamations du public.
U votu di l’Esécutivu : Le vote de l’Exécutif
Nouvelle longue suspension de séance avant le vote des neuf membres du Conseil exécutif. Gilles Simeoni présente sa liste comportant six élus de Femu a Corsica et deux de Corsica Libera : Nanette Maupertuis, Jean-Christophe Angelini, Agnès Simonpietri, Fabienne Giovannini, Jean-Félix Acquaviva, Saveriu Luciani (Femu) Josepha Giacometti et François Sargentini (CL).
Seule liste d’opposition,,celled e Paul Giacobbi, liste conduite par Maria Gudicelli : Paul-Marie Bartoli, Marie-Thérèse Olivesi, Antoine Ottavi, Josette Risterrucci, François Tatti, Delphine Orsoni, Pierre Chaubon et Marie-France Bartoli. Après les trois tours de scrutin nécessaires suite à un vote à la majorité relative au 1er et dsecond tour, Gilles Simeoni est élu président de l’Exécutif. La droite s’est abstenue aux trois tours et le FN, a toujours voté blanc. C’est sous un tonnerre d’applaudissements et d’acclamations de la foule massée aux tribunes, mais aussi dans les jardins : bandere en mains, aux cris de « Simeoni. Simeoni » et « Liberta. Liberta », que le nouveau président de l’Exécutif et son Conseil, après avoir parcouru l’hémycicle et maintes embrassades, rejoindront leurs places sur les bancs de l’Assemblée.
Un’altra strada : Une autre route
Avec une émotion difficilement contenue, la voix enrouée de fatigue, alternant langue française et corse, que le nouveau président de la CTC débute un long discours politique solennel et fort. Sur le scrutin du 13 décembre, les Corses ont choisi, « de rompre avec le système politique ancien, d’ouvrir un chemin nouveau : celui de la démocratie et de l’espoir, celui de la paix et du développement, celui d’un peuple corse reconnu dans ses droits et maître de ses choix essentiels, celui d’une société corse émancipée, ouverte et généreuse ».
Il martèle que « la victoire ne peut pas être celle d’un camp sur un autre. Elle est et doit devenir la victoire de la Corse et de l’ensemble des Corses.. Nous combattons, de façon démocratique mais sans faiblesse, un système archaïque, ses travers, ses dérives, ses excès, parce que nous pensons qu’il a fait et continue de faire beaucoup de mal à la Corse ». Réaffirmant sa volonté d’ouverture et de travailler avec l’opposition pour « refuser les logiques d’assistance, de clientélisme, de collusions, et nous engager ensemble pour la démocratie, la transparence, et la construction d’une société corse développée, juste, et solidaire. C’est à cette condition que nous serons, les uns et les autres, Prima a Pace (D’abord la Paix)
Estimant que cette élection marque un moment charnière, à la fois, « l’aboutissement d’une longue route » et « le point de départ d’une nouvelle ère », il avoue en toute franchise : « Nous savons désormais que ce combat, dont tout laissait penser qu’il ne pouvait être que perdu, est gagné… Qu’il sera gagné dans la démocratie, dans l’allégresse, dans la joie… grâce à l’expérience des anciens, grâce aux sacrifices des militants, grâce à l’enthousiasme et la créativité de la jeunesse, grâce à l’implication des forces vives ». Revenant, lui aussi, sur le souvenir des souffrances et des épreuves endurées depuis les années 60 (revendication moderne) pour instaurer le temps de la paix : « pierre fondatrice » de l’émancipation politique, économique, sociale, et culturelle. « C’est le premier engagement que nous avons pris devant notre peuple, la première mission que nous nous sommes fixés ».
Un scopu maiò (Enjeu majeur)
Conscient de la brièveté de la mandature, il s’engage à tenir rapidement ses promesses ( démocratie, transparence, équité), dans tous les actes de la vie publique : accès à l’emploi public, marchés publics, subventions… « Il s’agit d’un enjeu majeur, non seulement pour redonner confiance aux citoyens en la politique et écarter tout risque de dérive ou de collusion, notamment en matière d’argent public ».
S’engageant également à respecter les prérogatives de chacun et à impliquer l’ensemble des forces vives dans la définition et la mise en œuvre du projet collectif, il entend utiliser ce mandat écourté pour « traiter et régler des problèmes pendants depuis des décennies : transports, déchets, désertification de l’intérieur, sous-développement économique et social » et construire la collectivité unique, dans le respect des personnels, des équilibres territoriaux et historiques de l’île « aujourd’hui menacés, comme l’Alta Rocca, par une réforme de l’intercommunalité inadaptée ».
Dialogu e cuncertazione pà custruì : Dialogue et concertation pour construire
L’autre enjeu majeur, une « nécessité vitale et absolue », est la concrétisation des délibérations de l’Assemblée de Corse, « restées à ce jour sans suite, ni effets » : coofficialité de la langue corse, transfert de la compétence fiscale et arrêté Miot, politique foncière et statut de résident, pouvoir législatif, inscription de la Corse dans la Constitution. Il en profite pour s’adresser solennellement au Gouvernement et à l’Etat afin qu’il prenne la mesure du bouleversement en cours : « Un Etat qui ne peut plus être le seul à vouloir échapper à l’évidence : le peuple corse existe et il sera reconnu, parce que cela est conforme à l’Histoire et au Droit. La Corse, territoire insulaire, bénéficiera d’un statut lui conférant pouvoir législatif, parce que cela s’imposera de façon naturelle comme une évolution politique et institutionnelle inéluctable, y compris au plan européen ». Fustigeant un silence de l’Etat, compris comme « la prolongation d’un rapport de force conflictuel », qui « tourne le dos à l’Histoire, tant sur le terrain des idées que sur celui des faits » il plaide pour l’ouverture d’un nouveau dialogue serein et constructif. « Cinquant’anni fà, avemu fattu un sonniu. A rombu di lotte, di strapazzi, di sacrifizii, avemu suminatu speranza è fiaccula di vita. A causgiula di a cuscenza naziunale, sguasi spinta, hà infiaratu pieve è paesi. Simu un populu. Simu vivi. E simu arritti…. Nous allons, avec tous les Corses, faire que le rêve devienne réalité ».
U juramentu a i Corsi : Le serment aux Corses
Dans le public, les travées, et les jardins de la CTC, l’émotion est à son comble, nombreux ne pouvant retenir leurs larmes. La salle est en liesse et quand une voix féminine entonne, d’un des balcons, le Dio vi Salvi Regina, l’Assemblée entière, tous groupes politiques confondus, se lève pour chanter à l’unisson.
Symbolique, cette séance historique veut l’être à plus titre.
Non seulement au niveau des mots et des engagements, mais aussi des actes. Pour bien marquer la rupture avec des pratiques tant dénoncées, Jean-Guy Talamoni lit la charte de l’élu local, précisant toutefois: « La seule difficulté, qui n’est pas prévue par ce texte, est que nous ne sommes pas des élus locaux, mais des élus nationaux ».
Enfin grande première, renouant avec les cunsulte historiques de l’avant et pendant l’époque paoliste, Le Conseil exécutif se regroupe en arc de cercle, a sollennellement, comme promis durant la campagne électorale, prêté serment (tiré de a « Giustificazione », 1758, livre mythique relatant la pensée paolienne ) d’intégrité, d’équité, de transparence et de respect des droits démocratiques, de servir l’intérêt collectif du peuple corse. Un serment, lu en corse par Petru Anto Tomasi benjamin des élus. La séance s’est close sur un moment d’intense émotion avec le Dio Vi Salvi Regina entonnée par le public et repris par toute l’Assemblée debout.