Pour bien des Occidentaux, le Tibet évoque un pays lointain, presque mythique. Surnommé « le Toit du Monde », sa situation géographique l’a longtemps tenu à l’écart des affaires internationales. Mais l’invasion de 1950, puis l’occupation du pays par la Chine populaire, ont enclenché le processus d’assimilation forcée de cette ancienne nation. L’ONU a adopté trois résolutions sur la question tibétaine (1959, 1961 et 1965 [1]), dénonçant « la privation des droits fondamentaux et des libertés fondamentales du peuple tibétain », et notamment, de son « droit à l’autodétermination ».
Les manifestations de mars 2008, suivies par les répressions des autorités chinoises, ont mis le Tibet à la Une de l’actualité. Aujourd’hui, la situation semble empirer et les tensions sont montées d’un cran ces derniers mois avec l’immolation par le feu de 11 Tibétains (dont 1 nonne) dans la région orientale du Tibet [2]. Nous avons chacun le droit de nous interroger sur le devenir de ce peuple qui, sous la direction de son leader charismatique le Dalaï Lama, lutte avec acharnement par la non-violence afin de retrouver sa dignité et sa liberté.
Une question revient souvent : la non-violence est-elle efficace pour résoudre le problème tibétain ? Quels sont les résultats d’une politique de non-violence et son influence sur la diplomatie et les relations internationales avec, comme exemple, la politique du Dalaï Lama ?
Dès son arrivée en Inde en avril 1959, le Dalaï Lama a reconstitué une administration qui fonctionne selon les principes modernes de la démocratie. En 1960, une Charte constitutionnelle fut promulguée par le Parlement en exil dont la dimension démocratique a été élargie en 1991, puis en 2001. Conformément à son message du 10 mars dernier [3], le Dalaï Lama a effectivement transféré tous ses pouvoirs politiques et administratifs aux représentants élus [4]. La nouvelle Constitution est entrée en vigueur depuis août 2011 avec la prise de fonctions de M. Lobsang Sangay, Premier ministre élu au suffrage direct [5]. L’administration prend en charge les réfugiés et concentre ses efforts sur l’éducation et la sauvegarde de l’identité tibétaine. Porte-parole dans le monde libre, l’administration œuvre inlassablement pour recouvrer la liberté de son peuple et ce par la voie non-violente.
Tout particulièrement, dès la réouverture du Tibet par Deng Xiaoping en 1979, l’administration en exil a cherché à résoudre le problème tibétain par des négociations directes avec Pékin [6]. Le peuple tibétain n’accepte pas le statut actuel du Tibet sous l’autorité de la République populaire de Chine. En même temps, il ne recherche pas l’indépendance, et encore moins la séparation d’avec la Chine. Il propose une solution intermédiaire entre ces deux alternatives pour créer les conditions d’une réelle autonomie pour tous les Tibétains vivant dans les trois provinces du Tibet historique et ce, dans le strict respect de la Constitution et de la Loi sur l’autonomie ethnique régionale de la Chine. Cet objectif porte le nom de politique de la « Voie médiane » [7].
Convaincu de l’interdépendance du monde, le Dalaï Lama situe le combat de son peuple dans la perspective de la défense des valeurs humaines. Philosophe et homme politique avisé, il propose la voie de la réconciliation pour que règne une vraie paix. Elle permettrait de relever les défis du monde de demain qui concernent tous les humains, quelles que soient leurs nationalités et croyances.
Pour le peuple tibétain, son problème n’a rien à voir avec des débats idéologiques obscurs, ni avec une lutte pour le pouvoir. Contrairement à ce que disent les dirigeants chinois, le Dalaï Lama n’a pas l’ambition douteuse de restaurer un régime dépassé et ancien. La question du Tibet ne se résume pas à celle de la personne du Dalaï Lama : il s’agit du sort de six millions de Tibétains dont les droits ont été confisqués par la force.
Le combat du peuple tibétain est celui de la vérité contre le mensonge, de la non-violence contre la violence, de la démocratie contre un régime autoritaire, de la justice contre l’injustice et de la liberté contre la privation de liberté.
Malgré l’immense légitimité conférée par l’histoire et le destin de son peuple, le Dalaï Lama a déclaré publiquement qu’il n’assumerait aucune position officielle dans un Tibet libre afin de faciliter l’instauration et le développement d’une démocratie saine. Le leader tibétain appelle de ses vœux pour un Tibet libre, moderne, laïque, démocratique et respectueux de la Constitution de la Chine.
Le bien-fondé de la position du Dalaï Lama est reconnu internationalement et lui a valu le Prix Nobel de la Paix en 1989. [8]
Au travers du destin tragique du peuple tibétain, la politique de la Voie Médiane que prône le Dalaï Lama peut servir de modèle original pour régler d’autres problèmes dans le monde. Pour le peuple tibétain, la paix est non seulement un devoir moral et éthique, mais aussi une réponse aux grands problèmes du monde. La paix doit d’abord jaillir de l’intérieur de soi-même, comme le dit le Dalaï Lama, « le désarmement extérieur passe d’abord par le désarmement intérieur ». Il est certes important qu’il y ait des forces d’auto-défense, mais à un moment donné, si les hommes ne savent pas raisonner sur le plan moral et éthique, et continuent à recourir à la force ou à s’investir sur le plan militaire, il n’y aura plus de limites et la paix à laquelle nous aspirons tant ne sera jamais établie de façon durable.
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