Avec 37 % des voix, la liste nationaliste « Pe a Corsica » a concentré le vote contestataire, rejetant le FN à moins de 9 %.
La Corse a vécu une soirée historique. Même sur le plan national, le résultat va faire sensation et poser un problème au gouvernement. Pour la première fois, les nationalistes ont remporté les élections territoriales et vont donc prendre les rênes du pouvoir de l’île pour une mandature de deux ans, avant la création de la collectivité unique le 1er janvier 2018. Malgré la prime majoritaire de 9 sièges (sur un total de 51), ils n’ont pas la majorité absolue et devront donc chercher des alliés dossier après dossier.
Gilles Simeoni, qui conduisait la tête Per a Corsica, est donc arrivé en tête avec 35,6% des suffrages. Il devance Paul Giacobbi, le député radical de la Haute-Corse et président sortant du Conseil exécutif qui ne rassemble que 28,6% des votes alors qu’il était donné favori à la tête d’une liste d’ouverture qui comptait de nombreux maires de poids. En troisième position, l’ancien ministre José Rossi (26,8%) pour lequel Nicolas sarkozy, le président Les Républicains, avait effectué le déplacement d’Ajaccio. Enfin, bon dernier, Christophe Canioni, candidat du Front National qui a réalisé le score modeste de 9%, presque deux point de moins que lors du premier tour.
Alliance inédite
Gilles Simeoni, qui est également maire de Bastia (il devrait d’ailleurs quitter cette fonction pour celle de président du Conseil exécutif de l’assemblée territoriale), était visiblement élu par l’ampleur de la victoire : « Mes premières pensées vont à tous les militants de la première heure qui ont lutté pour notre cause depuis un demi-siècle et des plus jeunes dont certains sont encore aujourd’hui en prison. C’est la victoire d’une politique différente de la politique de l’échec que les Corses ont subie depuis des décennies. Si nous avons remporté cette élection, je réitère ma volonté d’ouverture pour que nous puissions travailler de la manière la plus consensuelle possible et dans un climat de paix et d’espoir ».
Entre les deux tours, Gilles Simeoni, chef de file du courant modéré des nationalistes, qui a toujours refusé de cautionner la violence clandestine, s’était allié aux nationalistes radicaux de Jean-Guy Talamoni qui prônent l’indépendance de la Corse. A l’évidence, cette alliance inédite n’a pas effrayé les électeurs, ce que pensaient nombre d’observateurs. D’ailleurs, dès l’annonce des résultats, ce dernier a voulu d’emblée tenir un discours rassurant : « Nous ne sommes animés d’aucun esprit de revanche, nous voulons nous mettre dès demain au travail pour être à la hauteur des enjeux. Notre démarche, qui va bien au-delà des nationalistes, est de montrer que ce pays est bien davantage qu’une simple circonscription administrative mais une nation. Personne ne doit ressentir un sentiment d’inquiétude. Nous serons les élus de l’ensemble de notre peuple ».
Pendant la campagne électorale, les nationalistes avaient annoncé la couleur. Ils veulent poser les bases juridiques de l’autonomie de la Corse au sein de l’Europe et défendre auprès de l’Etat l’inscription de la Corse dans la Constitution pour pouvoir adapter les lois aux spécificités de l’île et obtenir un statut fiscal dérogatoire. Leur projet économique consiste à s’affranchir des aides du gouvernement pour se recentrer sur les atouts de la Corse. Ils veulent mettre rapidement en place un plan de sauvegarde pour aider les entreprises en difficulté et combattre toutes les formes de précarité. Le pivot de leur programme, ce qu’ils appellent le « riacquistu econominu », la renaissance économique, consiste à fonder « une nouvelle trajectoire de croissance », maîtriser les transports, donner la priorité à l’agriculture, à la pêche et au tourisme de qualité, tendre vers l’autonomie énergétique et investir dans la recherche et l’innovation. Sur un plan plus dogmatique, ils revendiquent la « corsisation des emplois », la préférence corse aux emplois à compétences égales. Rappelons enfin qu’avec près de 67 % de participation, la Corse est la région où le devoir civique a été le plus respecté.