L’actualité des blogs politiques,Pierre Poggioli « L’identité au coeur de tout projet pour la #Corse demain.. »
Une langue, une culture, une identité, une terre, des droits collectifs.. pour le peuple corse, comprenant les Corses d’origine et toutes celles et ceux qui veulent sincèrment s’intégrer en participant tous ensemble à la construction d’un avenir commun sur la terre de Corse…
Depuis les évènements d’Aléria en 1975, la Corse a occupé la une des médias, évoluant dans le fracas des bombes et les drames à répétition. Depuis la revendication corse s’est imposée aux différents gouvernements et l’île a connu trois statuts particuliers. La droite revenue au pouvoir en 2003, a tenté d’inclure son évolution institutionnelle dans un Projet de loi sur la « décentralisation en France », demandant à la population de se prononcer par référendum sur « ses propositions pour la Corse », mais celles-ci ont été repoussées en juillet 2003.
Depuis, l’île oscille entre périodes de tension et de calme apparent, sur fond de violence clandestine et de répression. En ce début de 3ème millénaire, la « question corse » demeure toujours posée, sur fond d’incompréhension, de lassitude ou de rejet de la part de l’opinion française.
Pourtant le mouvement « nationaliste », marginal dans les années 1970, est devenu incontournable dans l’île, comme l’ont confirmé les diverses élections.
Comment peut-on comprendre aujourd’hui le pourquoi de la révolte des Corses, au-delà des habituels questions sur l’économie ou les Institutions ? La problématique de l’identité de la Corse et des Corses nous semble essentielle si l’on veut -alors que la mondialisation exerce ses ravages partout- tenter une approche vers une meilleure compréhension de la situation politique et des évènements qui en découlent.
L’identité corse, clé essentielle du « problème corse »
Les Corses : Un Peuple nié
Sur l’île de Corse, il y a, depuis la nuit des temps, un peuple, formé par les apports successifs de ceux qui, venus en envahisseurs au cours de l’histoire, s’y sont enracinés. (Phéniciens, Vandales, Sarrasins, Aragonais, Génois et Français…)
Ce peuple est très ancien, ce qui ne lui confère aucune supériorité. Petit par sa démographie et son territoire, cela ne l’afflige d’aucune infériorité… car l’existence d’un peuple ne se mesure ni à son ancienneté, ni à sa taille, tout au plus à ses efforts pour rester lui-même et, sur ce point, l’histoire de l’île est éloquente.
Le peuple corse, même numériquement faible, est une entité historique, produit d’une culture enrichie d’apports multiples au fil des siècles. Il est enraciné sur sa terre, son territoire, l’île de Corse, et chaque Corse y est viscéralement attaché.
Ce peuple a des droits comme tout être collectif ou individuel. Ces droits sont essentiellement, pour chacun de ses enfants, la liberté absolue de vivre sur sa terre, d’y parler sa langue, d’y pratiquer ses traditions, d’y exprimer ses convictions, d’y bénéficier des progrès de l’humanité et de combattre ceux qui, par quelque moyen, mesure ou prétexte que ce soit, voudraient restreindre ses libertés et nuire ainsi à son existence. Il est une réalité incontournable, en Corse et hors de Corse, soudée par un passé et une aspiration à un avenir collectif.
C’est aussi des milliers d’hommes et de femmes arrivés au fil des siècles sur nos rivages et jamais repartis, se fondant et s’intégrant à lui au cours de l’histoire, car ce peuple est une communauté ouverte qui unifie, dans une volonté commune un vouloir être et un vouloir vivre collectifs, Corses d’origine et Corses d’adoption. Le peuple corse actuel, fruit de neuf mille ans d’histoire, s’inscrit naturellement dans l’aire culturelle gréco-latine de la Méditerranée dont il est issu, point de jonction et passerelle entre l’Europe occidentale et l’Afrique, entre le Nord et le Sud…
En 1987, le FLNC, organisation clandestine armée, suivi en cela par toutes les organisations politiques légales nationalistes, adoptait la définition d’un « peuple corse communauté de destin ». Cette définition a été reprise lors d’un vote historique de l’Assemblée de Corse en octobre 1988. En 1982, le projet Defferre, quant à lui avait adopté une définition alambiquée du point de vue juridique, en faisant du peuple corse une « composante du peuple français ». En 1991, le Projet Joxe, (deuxième mouture du statut particulier de l’île octroyé en 1981 par le gouvernement de gauche à l’île) demandait la reconnaissance du Peuple Corse dans son article 1er, mais était censuré par le Conseil Constitutionnel.
Aujourd’hui, les mouvements corses de contestation peuvent se reconnaître dans une définition qu’ils portent au-delà de leurs différences partisanes: Le peuple corse, communauté de droit et de culture ouverte à celles et à ceux qui veulent sincèrement s’intégrer et participer à la construction de notre avenir commun sur cette terre de Corse.
Au sein de cette communauté de destin, chacun, Corse d’origine ou d’adoption ressent le besoin conscient ou inconscient de rester ou de devenir Corse. Cette intégration doit se faire dans une dynamique volontariste que les Corses ne refusent à personne, quelle que soit son origine, sa religion ou la couleur de sa peau. Seule importe la volonté de vivre avec et de vouloir produire à leurs côtés une histoire commune en partageant un projet et un avenir communs. Pour les Corses, tous ceux qui partagent leur culture, leur manière d’être, de vivre, de penser le monde et qui veulent sincèrement participer à leur projet collectif pour l’île demain, sont Corses et participent à l’émergence et au renforcement d’une conscience collective spécifique.
La Corse : un peuple, une terre, une histoire, une langue, une culture, une identité. La définition du jurisconsulte Mancini s’applique point par point à l’île : « une société naturelle d’hommes et de femmes amenés, par l’unité de territoire, d’origines, de coutumes et de langue à une communauté de vie et de conscience sociale. . »
Une Identité à reconstruire
Les Corses possèdent une langue, moyen de communication naturel et symbole d’identité collective. La langue ne constitue pas un simple véhicule de communication interne ou externe. Elle exprime des valeurs de civilisation, une manière de vivre, de penser, de souffrir, d’aimer, ou de haïr… Constitutive de l’identité, elle en est le fondement et l’expression.
Aujourd’hui, elle aspire à un certain renouveau malgré tous les obstacles. Le combat de ces trente années, depuis la promulgation de la loi Deixonne – qui l’avait oubliée comme langue « régionale »- pour qu’elle soit reconnue, n’est rien d’autre que le combat des Corses pour leur propre existence, car la culture des Corses n’est rien d’autre que leur identité et la raison qui fait qu’ils sont un peuple.
L’identité est le fondement même de l’être, de l’individu et de sa communauté. L’identité, des Corses est leur dignité. Entrer dans la modernité sans une affirmation de son identité, c’est perdre son âme. C’est cette identité culturelle qui forge l’unité. C’est pour les Corses, la source essentielle et vitale de leur Patrimoine qu’ils aspirent à transmettre aux générations futures. Cette identité se retrouve dans tous les actes de la vie quotidienne, dans la manière de penser, de s’exprimer dans ses propres valeurs, dans la création, et même dans les refus…
C’est pourquoi, aujourd’hui, les Corses veulent réhabiliter leur langue et leur culture pour redonner vigueur à leur identité, pour eux menacée par mille périls.
La langue, la culture, l’identité forment un triptyque indissociable. Sans sa langue, ses traditions, ses croyances, sa façon d’appréhender et de traduire la vie et la mort, la nécessité constante de se référer et de se situer dans son propre espace qui est l’île, sa pieve (canton naturel), son village, sa maison, ses proches, la Corse, les Corses n’existent plus.
La culture d’un peuple est le fondement même de cette identité et en est le rempart contre la disparition et l’assimilation. En quelque sorte, c’est « la peau différente ». C’est ce qui unit, les « autochtones », les « indigènes corses » et les différentie des autres, les « allogènes ».
La culture corse a toujours existé et cela depuis que les Corses existent. Manière de vivre et ciment des habitants de l’île, depuis des siècles, surtout parmi les couches populaires, -les familles aisées s’identifiant souvent à la culture des différents envahisseurs-, elle a résisté à toutes les agressions et tentatives de dilution.
Pour autant l’affirmation d’une culture ne saurait se réduire ou accepter de la laisser ravaler au rang d’une simple revendication folklorique. La culture n’est pas une simple addition de la langue, des arts et des différentes formes d’expression. Elle est certes tout cela mais elle est bien plus. Elle constitue le socle qui détermine et définit un Peuple. Elle représente l’art et la manière de vivre, d’appréhender le quotidien d’une communauté dont elle exprime le rapport à l’espace et au temps.
Le problème culturel ne se pose pas en termes de politique culturelle ou de crédits. Il est simplement le droit d’un peuple à l’existence, à préserver son identité. Non pas le droit pour les Corses d’exister et s’épanouir individuellement, cela peut-être toléré et même encouragé, mais collectivement dans leur patrimoine commun, leur culture. C’est ce qui fait que les Corses se sont collectivement constitués dans des siècles de lutte pour défendre leur Terre qui leur appartient et la raison pour laquelle ils sont différents, ni supérieurs, ni inférieurs à d’autres peuples.
Dès lors, toute approche, pour tenter une amorce de solution politique en Corse ne pourrait être que vouée à l’échec, si l’on n’admet pas le préalable incontournable qu’est la prise en compte de la revendication culturelle, donc des problèmes posés par la crainte de la dilution voire de la disparition de l’identité des Corses. La « Question Corse » ne peut être appréhendée de façon raisonnable si d’emblée, il n’est pas tenu compte de cette réalité culturelle qui demeure le fondement même de l’identité des Corses et explique leur attachement à l’île. Au-delà des problèmes économiques ou institutionnels, la question culturelle porteuse d’identité, mise à mal jusqu’alors par une politique d’uniformisation française, amplifiée désormais par la mondialisation culturelle est une des clés, sinon la clé essentielle pour tenter une approche de compréhension de la revendication corse.