Voici les réponses de FEMU A CORSICA au questionnaire de la Coordination de lutte contre l’exclusion:
LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ, LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION : PRIORITÉ POLITIQUE ET PISTES D’ACTIONS CONCRETES
La pauvreté ne cesse de croître en dépit des différentes mesures adoptées aux plans national et régional pour la faire diminuer. Elle s’avère structurelle et nous oblige à nous interroger sur les causes de cette évolution et sur les politiques actuellement conduites.
1/ Dans votre programme, vous souhaitez apporter des réponses aux principaux problèmes auxquels la Corse est confrontée. A quelle place situez-vous la pauvreté dans vos priorités ?
Avec un Corse sur cinq vivant en dessous de ce que l’INSEE qualifie de seuil de pauvreté (INSEE, 2011), la question de la pauvreté mais aussi celles de ses corollaires que sont la précarité et l’exclusion sont au centre des préoccupations politiques de FEMU A CORSICA. L’avenir de la Corse ne peut se penser et se construire en laissant de côté 20 % d’ hommes, de femmes mais aussi d’enfants, qui faute d’une situation économique convenable sont trop souvent exclus du débat citoyen – alors que paradoxalement ils en sont de manière récurrente un des sujets principaux.
La pauvreté en général – et en Corse en particulier – est à la fois le résultat d’un processus tout autant économique que politique qui produit aujourd’hui des mécanismes d’exclusion sociale et économique menaçant la cohésion sociale, au-delà de situations individuelles inacceptables, et le symptôme des limites d’un système économique pervers fondé sur la rente et d’un système social à bout de souffle qui n’arrive plus à gérer les situations difficiles qu’il génère.
Une première voie consisterait à identifier les causes de ce mal social et de proposer des remèdes à la source. Ainsi dans le cadre du Riacquistu ecunomicu è suciale, nous mettons l’accent sur la nécessité de construire un nouveau modèle de développement de la Corse, associant, en sus bien sûr de l’indispensable solidarité, économie productive, investissement et innovation dans un contexte d’ouverture internationale visant à l’émancipation de la société corse, l’accession aux responsabilités et la création d’activités et d’emploi. Créer les conditions favorables au déploiement d’une activité économique durable est en effet susceptible de limiter le développement de la pauvreté en termes macroéconomiques mais n’exclut cependant en rien le spectre d’un accroissement des disparités, également générateur de pauvreté.
Aussi, ce cadre de réflexion et d’actions novateur pour la Corse qui se fonde sur la mobilisation et la valorisation des capacités de chacun au sein du corps social selon des principes d’autonomie, de responsabilité et de solidarité, nous conduit à envisager une deuxième voie pour laquelle la pauvreté est appréhendée comme un problème multidimensionnel exigeant une perspective tout autant systémique que temporelle. Systémique car la pauvreté a trait à la situation économique (absolue et relative) des personnes qu’à l’offre de formation et d’éducation, à l’accès aux soins, à la qualité du lien social, à l’accès à des services culturels et sportifs, aux respects des droits fondamentaux du citoyen trop souvent bafoués lorsqu’on est en situation de précarité, à la vulnérabilité des dispositifs d’aides et de transfert dans le contexte de raréfaction de l’argent public, à une offre bancaire et de crédit adaptée. Temporelle parce que le traitement de la pauvreté doit dépasser un diagnostic à l’instant t d’un seuil de ressources et prendre en compte l’évaluation du risque de basculement dans la précarité et/ou la pauvreté tout autant que la dynamique d’une possible sortie de la pauvreté.
Enfin, nous n’oublions surtout pas qu’il s’agit aussi là de personnes, donc de citoyens, avec leurs sensibilités, leurs parcours, leurs souhaits, et qu’il y a donc aussi cette approche humaine à considérer.
Le problème est donc complexe, la méthode pour le traiter doit être NOVATRICE.
La création des conditions de l’autonomie politique indispensable à la prise en compte de nos réalités économiques, sociales et culturelles et la mise en place des conditions du Riacquistu ecunomicu è suciale parce que, comme nous venons de l’expliquer, la pauvreté est avant tout le résultat d’une mécanique perverse, sont les meilleurs moyens pour lutter contre ce fléau. C’est effectivement une priorité car nous mettons au cœur de nos préoccupations l’intérêt du peuple corse, et donc le droit au « bien être » de toutes ses composantes.
2/ Quelles sont, selon vous, les principales causes régionales de la pauvreté ; sur lesquelles souhaitez-vous agir?
Cela revient à s’inscrire dans la première voie de notre action : le traitement à la source.
Les causes principales de la pauvreté en Corse sont :
le chômage et notamment le chômage de longue durée (les chômeurs de longue durée de sont de plus en plus nombreux en Corse : au 31/12/2014, 26,6% des demandeurs d’emploi sont inscrits au chômage depuis plus d’un an, les seniors étant les plus touchés. Ainsi, la part des chômeurs longue durée parmi les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus s’élève à 42,3% et leur nombre a augmenté de 20% entre 2013 et 2014) avec en amont le manque de création d‘activités qui ne permet pas d’améliorer l’offre d’emplois ;
le poids des loyers dans le revenu disponible ; et donc plus généralement la difficulté d’accéder à un logement décent, voire d’accéder à la propriété ;
le niveau moyen des salaires plus faible en Corse que sur le continent, malgré un coût de la vie plus élevé. Nous avons de plus en plus d’emplois précaires et donc de petits salaires qui ne permettent pas d’accéder à un niveau de vie décent ;
la cherté de la vie et notamment des biens de première nécessité dans certaines zones notamment les zones très touristiques ;
la faiblesse du niveau de qualification qui empêche souvent aux personnes touchées par le chômage de rebondir; la formation n’est pas suffisamment adaptée aux besoins de la société corse. C’est un réel problème. Les entrepreneurs vont chercher ailleurs la main d’œuvre qualifiée qui leur est nécessaire.
le coût de l’énergie notamment dans les villages pour les personnes âgées, le coût des carburants pour les travailleurs à temps partiel.
Les moyens de transports insuffisamment développés, notamment dans le rural (mauvaise accessibilité routière, offre de transports collectifs souvent inexistante). Améliorer la mobilité des personnes, c’est garantir leur autonomie et donc faciliter leur insertion sociale et leur accès au travail, aux infrastructures sanitaires, sociales et culturelles etc.
De sorte que même en bénéficiant d’un SMIC on peut être précaires et basculer en cas d’accident de la vie (divorce, maladie, perte de son domicile ou de son moyen de locomotion…) dans la pauvreté. Même dans l’hypothèse de transferts sociaux importants et d’une politique de redistribution acceptable qui ne traite que la pauvreté monétaire, si des coûts plus ou moins explicites continuent à grever le « reste à vivre », une couche de la population corse restera réellement pauvre de manière structurelle.
Enfin, la précarité n’existe pas seulement au niveau matériel, l’accès à la culture est un moyen de lutter contre l’enfermement qui aggrave la situation d’exclusion sociale dans laquelle un événement de la vie peut nous plonger.
Pour Femu a Corsica, l’accès à la culture, au savoir, la promotion de la langue corse et la garantie d’une pratique de la langue et de la culture d’origine des travailleurs, les activités de loisirs, le sport, sont des moyens d’insertion ou de réinsertion sociale et donc de lutte contre la précarité. Là encore, seront plus ciblés les territoires ruraux, les quartiers défavorisés, les zones excentrées etc.
3/ Quelles solutions innovantes préconisez-vous pour faire régresser la pauvreté ?
Nous nous inscrivons donc dans la 2ème voie proposée.
Le principe de notre solution est systémique et centrée sur l’humain – l’individu comme membre du corps social et sa famille. Même si cela n’est pas politiquement correct le réalisme nous conduit à considérer qu’il faut absolument enrayer la mécanique du cercle vicieux de la pauvreté par une nouvelle méthode d’appréhension du problème, ce qui n’empêche pas bien sûr de faire perdurer (tout en cherchant à les optimiser), dans une phase de transition à déterminer, les dispositifs d’aides actuellement du ressort des Conseils départementaux et ce, dans une logique de sortie de la trappe à pauvreté.
Penser la multidimensionnalité du problème dans le cadre d’une économie politique de la pauvreté (qui est différente de la politique économique de la pauvreté qui sera abordée ci-après)
Mobiliser au sein d’une plateforme dédiée portée par la CTC, l’ensemble des parties prenantes y compris des personnes fragilisées économiquement et socialement ou l’ayant été, leur donner la parole. Lorsqu’on parle de déchets on mobilise des écologues, lorsqu’on parle d’agriculture on convie des agriculteurs, lorsqu’on parle de pauvreté, il faut écouter des personnes qui ont connu ou qui connaissent cette situation.
Comprendre avant de définir des politiques publiques comment une personne à faible revenus ou en situation de précarité consomme, gère son budget, hiérarchise ses priorités.
Produire un nouveau modèle dont l’application concrète ne pourra se faire qu’à moyen terme, et dont les premiers effets seront donc forcément ressentis lors de la prochaine mandature
Eviter ainsi que cette personne ne devienne un assisté voire une personne encore plus vulnérable qui alimente une « économie de la misère » sur laquelle se développent des systèmes clientélaires de nature politique, voire quelquefois délinquanciels.
4/ Dans cette optique, quelles actions envisagez-vous pour rendre opérationnelle la Charte de lutte contre la précarité du PADDUC et quelle politique proposez-vous aux élus de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) qui ont récemment approuvé ce plan ?
En préambule rappelons que cette mandature aura à construire la Collectivité unique intégrant les compétences des conseils départementaux notamment en matière d’aide sociale.
Donc, là encore, la raison nous conduit à proposer un processus étapiste dans la construction d’une politique de sortie de la pauvreté efficace en lieu et place d’une politique de la pauvreté vouée à l’échec :
Sans perdre de temps : mise en place des préconisations de cette Charte à l’élaboration de laquelle notre groupe, mais surtout les acteurs sociaux, ont participé. Concertation avec la CLE pour viser les urgences sociales.
À l’horizon de deux ans :
Evaluation des dispositifs d’aides actuels et analyse de leurs performances en termes économiques, d’équité et d’inclusion.
Redéfinition des contours de la pauvreté et des objectifs à atteindre en matière de « reste à vivre », de qualité de vie, de risque de pauvreté et de sortie de la pauvreté.
Meilleure connaissance économique et sociologique des pauvres (les pauvres recouvrent diverses réalités qui appellent non pas uniquement un traitement par seuil mais par trajectoires de vie).
Recours aux outils d’observatoires dont disposent la CTC pour parfaire notre connaissance et comprendre les mécanismes de régression sociale, mais aussi pour améliorer les conditions qui mènent à la précarité (développement des transports en commun avec un travail sur les coûts, meilleur maillage territorial des services publics ou de l’offre de santé etc)
Proposition de nouveaux dispositifs « d’aide » ciblant les plus nécessiteux et en collaboration avec la CLE et les acteurs sociaux.
→ Construction d’un nouveau modèle de lutte contre la pauvreté et la précarité : Modèle Corsica Senza Poveri
Au-delà de cette mandature :
La mise en œuvre du modèle CSP qui dans le cadre de la collectivité unique et de l’application du PADDUC, pourrait :
· Produire un système de CARE corse alliant valeurs traditionnelles de solidarité et de partage et innovations sociales
· Définir et mettre en œuvre des dispositifs « formation – insertion – inclusion » en partenariat avec la CLE, l’Université, les acteurs de l’ESS, les banques, les chambres consulaires, les représentations syndicales et patronales, les fondations ;
· Parfaire l’offre de formation en vue de la réinsertion professionnelle, mais aussi de l’amélioration des qualifications des travailleurs (orthographe, comptabilité, langues… mais aussi permis de conduire par exemple).
· Systématiser le mécénat de compétences : opération de tutorat professionnel « Ogni corsu cura un povaru » en tout anonymat (opération OCCUP)
· Créer des emplois de tuteurs (gestion d’un budget, éducation des enfants, etc.)
· Développer des activités productives inclusives c’est-à-dire créatrices d’emplois directs et indirects
Intégrer dans les attributions des aides publiques le principe de socio-conditionnalité des aides
· Optimiser les réseaux de solidarités dans les quartiers jugés prioritaires, au sein desquels des professionnels référents seraient là pour accueillir, écouter, orienter et si nécessaire accompagner dans leurs démarches les personnes en difficulté et avoir une approche différenciée selon les types de territoires (ville, rural, montagne, zones touristiques) où il faudra adapter ces démarches afin de lutter contre l’isolement social.
· Mobiliser les partenariats publics privés pour financer le modèle.
· Développer à long terme une capacité de résilience aux chocs provoquant de la pauvreté (crise économique, grève, …)
5/ Les personnes en situation de pauvreté aux prises, dans leur quotidien, avec quatre types de difficulté, toutes urgentes. Quelles sont vos propositions pour :
• Apporter des réponses urgentes au déficit de logement social ?
Le logement est un des points par lequel la précarité s’aggrave. Avoir un toit à soi est la base d’une bonne insertion sociale. La construction de logements sociaux pour les besoins des familles mais aussi des jeunes, des familles monoparentales dont la proportion ne cesse d’augmenter est une nécessité absolue. La compétence communale ou intercommunale en la matière est loin d’être pleinement utilisée.
Le PADDUC a donné des pistes intéressantes, mit en place une politique du logement avec tout un dispositif d’aides et l’Office Foncier est désormais doté de moyens conséquents (restant à renforcer) qui vont permettre à la CTC d’agir plus efficacement sur la construction de logements sociaux.
Il faudra agir vite pour apporter des réponses, immédiates et à un bon rythme annuel, aux carences créées en la matière. Mais il faudra le faire de manière planifiée afin de faire profiter l’ensemble du territoire et les catégories les plus défavorisées sans préférence partisane.
Ensuite, il faut impérativement redonner confiance aux Corses quant à l’attribution de ces logements sociaux. Et pour cela mettre en place un système d’attribution transparent, équitable et efficace envers les plus pauvres, ce qui suppose un règlement d’attribution des plus rigoureux, avec un contrôle annuel et indépendant. La CTC doit conditionner ses aides à l’établissement de ce règlement d’attribution.
Enfin le logement locatif n’est pas la seule réponse à mettre en place : la politique de logement doit permettre un parcours résidentiel garantissant au plus grand nombre l’accès à la propriété de sa résidence principale.
La CTC doit impulser et soutenir les politiques menées par les communes et les intercommunalités en faveur des programmes d’accession à la propriété des primo-accédants résidents et encourager le secteur bancaire à s’impliquer dans les dispositifs mis en œuvre.
En matière d’accueil d’urgence (de jour ou de nuit), nous nous impliquerons dans l’aide aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale, résidences sociales, qui sont une partie de la réponse à la question du logement des personnes les plus défavorisées.
La question du logement, c’est aussi celle du « logement décent ».
Le PADDUC préconise une politique de rénovation, notamment au niveau énergétique, qu’il faudra engager au plus vite et planifier de manière efficace pour rattraper les retards en la matière, rénover le parc actuel de logement social, mais aussi soutenir l’aide aux logements privés des précaires. C’est un grand chantier à mettre en œuvre et nous l’engagerons.
Être mal chauffé c’est aussi un signe de précarité, qui aggrave bien souvent la situation sanitaire des personnes concernées. La mise en place de dispositifs comme les « chèques énergie » sont à développer et permettront de mieux lutter contre la précarité énergétique tout en pensant à des solutions plus durables et moins couteuses comme le solaire ou le vent.
• Améliorer l’adéquation entre formation et débouchés sur l’emploi ?
Création d’une « plateforme territoriale pour l’emploi » qui regrouperait régulièrement (définir et imposer le calendrier bien en amont) tous les acteurs économiques de l’île, les entrepreneurs, les demandeurs, et des représentants de la Collectivité Territoriale pour des échanges réguliers. Une offre et une demande pragmatique qui ne substituerait pas à Pôle emploi mais viendrait en complément afin de mieux détecter les offres cachées du marché.
Afin de développer une proximité plus forte avec les territoires, un diagnostic territorial plus fin doit être élaboré en collaboration avec l’INSEE et la DIRRECTE. Il doit décliner dans chaque bassin d’emploi les forces, les faiblesses, les menaces et les opportunités pour mieux ajuster nos actions aux attentes et besoins du territoire. Ces diagnostics doivent être élaborés avec tous les acteurs économiques et tous les partenaires de l’emploi.
L’adéquation entre les besoins de formation et la demande pour un retour à l’emploi est primordiale, la coordination avec le service public de l’orientation (SPRO) est essentielle, afin de bien cibler les besoins de l’île. A titre d’exemple : La viticulture, une des filières agroalimentaires des plus dynamiques puisque la plus exportatrice (150 M€ de chiffre d’affaire) est néanmoins en manque de techniciens viticoles. Un paradoxe… Le lycée agricole a envisagé dès sa prochaine session de mettre en place une formation adéquate. Il en est de même pour la filière bois : il y des opportunités d’emploi dans ce domaine mais il faut une mesure de formation adaptée.
Le PADDUC a dressé un diagnostic général qu’il faut parfaire et à partir duquel on peut désormais tirer des propositions concrètes en concertation avec la CLE et les acteurs sociaux.
Il faut également sécuriser la formation acquise lors de la signature des contrats aidés au sein des collectivités, administrations, etc… pour mieux préparer l’insertion dans l’entreprise. Ceci suppose en amont une sécurisation du parcours de formation, une vérification de la réalité de la mise en place du programme de formation, la mise en place réelle d’un tuteur de stage, etc.
La mise en place du chèque formation est une piste. Il ne rentre pas dans le PRF, c’est un autre mode de financement qui peut être pris en charge par la Collectivité. Aujourd’hui, nous avons tous un compte personnel de formation que nous pouvons mobiliser à tout moment tout au long de la vie.
Un salarié non utilisateur de son CPF pourrait céder partie ou totalité de celui-ci à une personne qui pourrait se former. Les modalités d’attribution de ce chèque formation restent à définir mais cibler les jeunes en décrochage scolaire et les chômeurs longue durée serait le plus judicieux, le critère essentiel d’appréciation demeurant la faisabilité du projet professionnel. La CTC pourrait s’appuyer sur les compétences des conseillers de Pôle emploi pour construire ce projet.
Enfin, très simple et efficace : rendre lisible et accessible aux demandeurs d’emploi sans conditions d’âge et à toutes personnes qui le désirent un moyen de mieux s’informer en matière de formation (l’exemple de la région Provence -Alpes-côte d’Azur la création d’une plate-forme téléphonique avec un numéro vert apparaît de ce point de vue une expérience à retenir).
• Lutter contre le décrochage scolaire ?
Nous partons du constat suivant : le taux de chômage des jeunes dépasse 16% au 31/12/14 Concernant la tranche d’âge des 16-25 ans, un jeune sur 4 est sans diplômes. Il faut donc remédier à cette situation. Comment ? Par la sécurisation des parcours professionnels et la création d’un « pacte jeunes » dans le cadre de l’Observatoire régional de la jeunesse (création à mettre en place). Cela consiste à un engagement de la Région à un jeune : « une première chance d’entrer dans la vie active »
Comment si prendre ?
Recenser tous les jeunes de 16 ans et plus afin de pouvoir examiner leur situation, et tenter de leur éviter un décrochage scolaire ; un dispositif existe déjà depuis 2011, mis en place par l’éducation nationale au niveau de toutes les régions de France, mais il ne consiste qu’en un échange de statistiques avec les préfectures sur le nombre de « décrocheurs scolaires »… et ne débouche sur rien de concret.
Il faudrait donc créer une structure plus opérationnelle, un véritable pont entre les services de la Région et le rectorat une convention avec la région pour faire un lien entre le Centre d’information et d’orientation, les conseillers d’orientation des collèges. Le but n’est pas de se substituer à l’éducation nationale mais de renforcer l’action de la mission locale, pour que l’ engagement soit encore plus fort envers ces jeunes, l’idée de créer les conditions d’une vraie prévention des risques de ruptures scolaires sans attendre la fin de l’année, et favoriser l’insertion professionnelle et sensibiliser à l’esprit d’entreprendre, utiliser tous les leviers existants pour que tous les jeunes, diplômés ou pas, puissent trouver un emploi dans leur région. En fait, « les marquer à la culotte », leur proposer soit un contrat d’apprentissage, un contrat de professionnalisation, un contrat aidé, un contrat en alternance, une formation, aucun jeune ne doit passer entre les mailles du filet que lui tend – de manière bienveillante – la Région.
Doit être sollicité la plateforme « orientation / insertion professionnelle » de l’université de Corse.
Il faut que les collectivités, la fonction publique, et les structures de droit privé mènent une véritable politique d’anticipation des ressources humaines car à l’aube de 2020, 30 % des cadres vont être renouvelés : ceci peut représenter une vraie aubaine pour toute la région, ces futurs recruteurs doivent donc mener une vraie politique de « décentralisation »…
Pour que « l’intelligence » reste dans notre région, on le sait les Corses qui partent souvent font de belles carrières – faisons en sorte que pour ceux qui souhaitent rester chez eux, la Corse puissent leur offrir de belles opportunités.
Mettre en place des formes de tutorat entre étudiants et élèves en difficulté comptabilisés dans le cursus et l’évaluation de l’étudiant dans un processus gagnant-gagnant et d’innovation sociale.
Cette réflexion pourra être menée dans le cadre d’un Observatoire régional de la jeunesse à créer.
Ces mesures sont à monter en partenariat avec le rectorat mais aussi les communes qui ont la compétence pour l’aide périscolaire.
• Apporter des réponses au renoncement aux soins ?
Outre les travaux de la Charte de lutte contre la précarité, une étude a été menée par l’Observatoire Régional de la Santé et la Commission de Prévention du CRSA sur cette douloureuse question du renoncement aux soins (demande conjointe CTC et ARS pour les régions bastiaise et ajaccienne).
Chômeurs, étudiants précaires, personnes âgées dans le rural, population immigrée, les personnes qui renoncent à se soigner sont de plus en plus nombreuses.
Le diagnostic établi dans cette étude doit nous interpeller : isolement, organisation complexe et peu lisible de l’offre de soins, problèmes financiers, difficulté d’accessibilité géographique, et bien sûr précarité grandissante qui plonge la personne dans un cercle vicieux, sont les causes d’un renoncement aux soins progressif ou plus brutal.
Nous retenons les pistes de réflexion qui ont été envisagées dans cette étude qui demande à être pérennisée pour parfaire les mesures qui seront mises en œuvre, mais aussi à être étendue aux autres régions de Corse pour vraiment agir de manière efficace sur ce problème. Il faut ainsi améliorer le soutien à la médecine scolaire, le soutien à la santé mentale (UMAPP, Samu Social, structures d’hébergement), l’offre de transports pour les personnes éloignées avec des tarifs attractifs voire même la gratuité à étudier pour certains publics, créer une offre mobile de soins pour les plus isolés, développer la télésurveillance, créer un guichet unique au niveau administratif, accompagner les personnes en rupture de vie ou dépendantes de seuils sociaux, améliorer l’accès à la complémentaire santé, valoriser les métiers d’auxiliaires de vie, soutenir les soins optiques, dentaires ou auditifs qui sont les premiers soins auxquels on renonce…
Comme pour toute politique publique qui se veut efficace, il faut bien identifier les problèmes, mieux coordonner l’offre de soins, mutualiser nos moyens pour être plus efficaces et éviter la fragmentation des réponses sociales, informer les personnes concernées et les accompagner.
Evaluer nos politiques aussi est indispensable pour les réajuster en permanence.
La précarité est une anomalie insupportable dans le monde moderne. Il faut en détruire les mécanismes d’installation. Prévenir plus que guérir !
6/ Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter l’accueil des réfugiés en Corse ?
Une politique d’accueil des réfugiés doit intégrer la dimension familiale de l’accueil, la dimension éducative, la dimension d’insertion sociale.
Le préalable est de considérer que nous devons aider, dans la mesure de nos possibilités, les hommes et les femmes qui fuient les terrains de guerre et qui, sur les voies de l’exil, cherchent une terre d’asile.
Les Corses se sont illustrés au cours de l’Histoire par leur capacité à aider les personnes recherchées, traquées. Malgré ses difficultés économiques conjoncturelles, l’île doit rester une terre d’accueil pour ces populations.
Ceci ne peut se faire sans un dispositif clairement axé sur la valorisation des compétences et des identités singulières de chacun dans un cadre d’insertion –même temporaire – d’apprentissage des langues française et corse et d’interconnaissance mutuel.
Sur la méthode, trois pistes :
1- Faire le point de la demande et de nos capacités d’accueil afin que la réponse soit efficace : tabler sur les communes volontaires, mais aussi sur les offres privés (exemples de Lozzi, Viscuvatu…).
Il est nécessaire de disposer d’une structure de coordination pour cela et ce ne peut être qu’à l’échelle régionale à travers la CTC, afin de mieux gérer les flux migratoires et d’accueillir dignement ces personnes.
2- Dégager des moyens pour coordonner et organiser ce soutien. Mettre en place un « Comité de pilotage » associant services de l’Etat (en cas de nécessité rouvrir des écoles ou des classes supplémentaires dans des villages par exemple, mais aussi pour contrôler –et donc rassurer la population– le profil des arrivants), Conseils départementaux (organisation de transports scolaires…), les structures médicales, les entrepreneurs (emplois), les associations (insertion sociale) etc.
3- Communiquer avec pédagogie et de façon permanente afin de construire l’acceptabilité sociale.
Aujourd’hui, nos sociétés sont face à l’urgence, mais il va falloir prévoir une gestion plus durable du phénomène. C’est un vrai défi, difficile, pour notre peuple. Le monde doit en effet réorganiser sa façon d’aborder le problème migratoire. Aujourd’hui nous avons à faire face à des réfugiés de guerre ou des réfugiés économiques, demain ce seront des réfugiés climatiques. Il y a là de vrais bouleversements auxquels il va falloir s’adapter… Si l’on veut éviter les phénomènes de tension et de rejet, désamorcer les peurs, il faut que la Corse puisse continuer à « fabriquer » des Corses. Rappelons ainsi et par exemple qu’une partie importante de la communauté juive de Bastia est formée de syriens arrivés au début du siècle, et qui sont tous devenus des Corses à part entière. Il y a donc un travail d’insertion sociale mais aussi culturelle à opérer afin que ces nouveaux arrivants, s’ils souhaitent s’intégrer durablement, puissent adhérer à notre destin commun.
7/ Comment soutiendrez-vous l’action des associations d’aide aux plus pauvres qui, dans ce contexte, sont paradoxalement touchées de plein fouet par la diminution des subventions ?
Nous avons en quelque sorte déjà répondu à cette interrogation à travers nos précédentes réponses.
Pour les plus pauvres, il y a trois urgences : l’accueil dans les centres appropriés, leur prise en charge sanitaire, l’accompagnement à mettre en place pour les réinsérer socialement avec tout ce que cela suppose (logement, travail, vie sociale).
Nous rencontrerons la CLE afin de cibler les besoins les plus urgents et d’adapter les aides en conséquence. Parallèlement, en partenariat avec les autres intervenants possibles comme l’Etat ou les Conseils Départementaux, nous devrons inscrire une politique à plus long terme au moyen d’un dispositif de lutte contre la pauvreté au sein duquel les associations doivent avoir pleinement leur place du fait de leur expérience et de leur connaissance du terrain et des différents types de population en difficulté qu’elles accueillent et guident.
La Collectivité Territoriale est là pour accompagner ces acteurs de terrains par différents dispositifs d’aide, mais nous estimons pour notre part que cette question de la précarité est trop importante pour ne recevoir qu’une réponse financière, en saupoudrage qui plus est. Elle suppose, comme il est dit plus haut, une approche systémique. Si les Corses nous portent aux responsabilités, nous nous impliquerons donc davantage afin de travailler activement avec les associations qui œuvrent en ce domaine pour répondre aux besoins et faire reculer ce fléau.
Tout ceci bien sûr, en cohérence avec les recommandations du PADDUC, les dispositifs d’aides sociales en place dans les Conseils départementaux (dont le redéploiement doit être pensé dans le cadre de la construction de la collectivité unique) et notamment la Charte de lutte sur la précarité.
FEMU A CORSICA