La décision de continuer à appliquer la dispersion comme peine ajoutée est tout ce que l’État espagnol a à nous offrir en matière de paix :
ETXERAT. Suite au rejet par l’Audience Nationale de Madrid du recours contre la dispersion déposé par certains prisonniers politiques basques, Etxerat a réalisé une conférence de presse massive samedi matin devant le Tribunal Provincial de Donostia. Voici le texte lu par les porte-parole de notre association Patricia Belez et Urtzi Errazkin :
Le 29, l’Audience Nationale de Madrid a fait connaître sa décision sur le recours déposé par 20 de nos proches emprisonnés. Il est difficile de mettre en ordre les absurdités utilisées dans cet arrêt pour tenter de donner une couverture légale à une situation qui n’en a pas, mais nous allons essayer d’être clairs.
Premièrement : l’accomplissement de la peine dans la prison la plus proche de son domicile fait bien partie des droits du prisonnier. Ce droit est inclus dans les normes internationales auxquelles l’État espagnol, en tant que signataire, est tenu de se soumettre.
Deuxièmement : la politique de dispersion est conçue de façon très concrète. Elle ne consiste pas en une simple répartition et séparation de nos parents et amis dans différentes prisons : sur les 420 prisonnier-e-s politiques basques actuels, seuls 22 se trouvent dans des prisons situées à moins de 400 km de chez eux ; 330 en revanche se trouvent à plus de 700 km. Les prisons les plus éloignées sont celles qui reçoivent la plus grande concentration de prisonniers : 28 à Puerto de Santa María, 16 à Murcia, 13 à Granada… alors que dans les plus proches, El Dueso, Logroño, Burgos… ils sont entre 2 et 4.
Troisièmement : la présomption d’innocence n’est pas non plus le point fort de l’État espagnol, car la dispersion affecte autant les condamnés que les prévenus ; autrement dit elle dure tout au long du séjour en prison, qu’il s’agisse de mois ou de décennies, que le prisonnier soit ensuite condamné ou acquitté.
Quatrièmement : ce qui est mis en évidence, c’est que nous nous trouvons face à une pure et simple opération de châtiment. Et que c’est en plus une opération de chantage : c’est ce qui ressort des déclarations répétées par le Ministre de l’Intérieur : la dispersion prendra fin quand l’organisation ETA sera dissoute. Pourtant, cette politique de chantage et de châtiment et ses conséquences visent aussi bien les prisonniers politiques basques que nous. Nous tous et toutes : familles, amis, entourage… tout leur environnement familial et affectif doit subir les conséquences irréparables de l’usure physique, psychique et économique à laquelle ils nous soumettent.
C’est indéniable. Ce que l’Audience Nationale tente de valider, c’est que nous, aussi bien que nos proches emprisonnés, sommes en train d’accomplir une peine à laquelle aucun tribunal ne nous a condamnés. Inutile de souligner que cela est extrêmement grave. D’où le jonglage des magistrats pour tenter de donner une couverture légale à ce qui n’en a pas, de justifier une situation qui viole les droits essentiels et d’esquiver une des conséquences les plus tragiques de la dispersion : 16 morts, et les responsabilités que ces 16 morts exigent.
Comment le Tribunal peut-il nier le fait que la dispersion entrave gravement notre droit aux communications et aux visites, en faisant un simple décompte des visites effectuées dans une période de temps déterminée ? Où évalue-t-il le coût de ces visites, ce droit qui pèse autant sur notre santé et sur nos finances ? Que dira-t-il aux prisonniers dont des proches ont perdu la vie en allant leur rendre visite ? Rien, bien sûr. Parce que ces victimes-là ne comptent pas, elles n’existent pas. La souffrance est recherchée ; la responsabilité évitée. Nous ne pouvons pas le permettre : pour que tout cela ne se reproduise jamais, nous ne pouvons pas le permettre. Ces 16 victimes doivent être reconnues.
Comment un Tribunal peut-il recourir à l’utilisation de graves accusations dans ce qui semble être la recherche désespérée d’arguments pour continuer d’alimenter le châtiment ajouté et le chantage ? Comment peut-il parler de l’utilité de maintenir les familles éloignées pour ne pas empêcher la resocialisation du prisonnier ?
Comment peut-il défendre une mesure qui est appliquée de façon systématique et globale au nom d’un traitement soi-disant individualisé ?
Nous sommes passés des bidouillages juridiques destinés à maintenir les prisonniers derrière les barreaux durant leur vie entière aux jonglages juridiques pour maintenir en vigueur le châtiment et le chantage que la dispersion représente. Nous sommes passés par 19 pages de tels jonglages pour terminer parce que ce nous savons et dénonçons depuis toujours : la décision ne vient pas des tribunaux mais du gouvernement de l’État espagnol. La décision, en d’autres termes, ne porte pas sur le fait de savoir si la dispersion affecte ou non les droits essentiels mais si elle répond ou non à des intérêts politiques. Et cette décision, celle de continuer la politique de dispersion, le châtiment ajouté, la souffrance et le chantage, c’est tout ce que le gouvernement espagnol a à nous offrir en matière de paix.
Que chacun juge par soi-même.