Corse, Assassinat de Marie Jeanne Bozzi – « Engrenage » par Laurent Marcangeli

Il faut bien l’avouer, les Corses sont en général assez fatalistes. Depuis mon plus jeune âge, je ne compte plus les commentaires désabusés qui suivent un assassinat. Depuis mon plus jeune âge, j’ai assisté, comme chaque Corse, à de nombreux enterrements de personnes tombées sous les balles de tueurs.

Dès l’adolescence, je me souviens avoir souvent questionné mon père sur les raisons de ces drames. En grandissant, j’ai compris que notre île a malheureusement trop souvent connu des événements d’une rare violence, la justice privée l’emportant fréquemment sur l’institution judiciaire. Peu d’affaires élucidées, des débats à l’Assemblée de Corse, des manifestations publiques dénonciatrices, des périodes « dures » au cours desquelles l’Etat affirmait vouloir rétablir, coute que coute, « l’Etat de Droit » sont autant de réalités que chaque insulaire connaît.
Depuis hier, j’ai le sentiment qu’une étape supplémentaire a malheureusement été franchie. En assassinant une femme, une mère de famille, les auteurs de cet acte ont certainement actionné un engrenage qui risque d’emporter notre société dans des abymes de souffrances et de monstruosités que le temps n’effacera pas. Aujourd’hui, on appelle un peu facilement à l’indignation, pour un oui ou pour un nom.

On sort des chiffons rouges à tort et à travers, et on cultive des peurs par plaisir ou par intérêt. En tant que citoyen, en tant qu’élu, je dois bien avouer que je suis indigné, révolté et que j’ai peur. J’ai peur pour la Corse et pour ses habitants, qui méritent un autre avenir. Je suis révolté car à chaque fois qu’une personne tombe, c’est la Corse qui s’enfonce un peu plus. Je suis indigné puisque jamais une femme n’avait été victime d’un tel acte. La Corse n’est pas seulement un rocher sur la mer, elle possède une histoire, une culture et des valeurs qui lui sont propres. Ne l’oublions jamais et luttons, sans merci, pour les défendre.