La force symbolique de la granìtula au service du combat pour la langue : les militants qui ont organisé la manifestation samedi 24 octobre à Aiacciu dans le cadre de la journée commune avec les Basques, les Bretons, les Occitans et les Alsaciens ont trouvé l’idée juste pour exprimer, ici en Corse, l’incroyable énergie que ce combat demande et demandera.
Sans la victoire politique du nationalisme corse, il sera perdu à court terme, et, en cas de conquête du pouvoir, il n’est pas gagné d’avance !
La procession di a Santa di u Niolu, effectuée chaque année sous le patronage de la Vierge Marie, représente une chaîne humaine qui puise dans son ressourcement en son centre la force de son redéploiement comme le symbolise l’hélice d’un escargot. Tel est le combat pour la langue : revenir au cœur de son identité pour la redéployer dans tout l’espace social. La volonté est là, mais les outils font défaut, et chaque avancée promise est systématiquement remise en cause.
La promesse n°56 du candidat François Hollande, la ratification de la Charte Européenne des Langues et Cultures régionales, restera probablement lettre morte. Cette semaine le Sénat sera saisi du projet de loi gouvernemental qui a repris la proposition de loi adoptée en janvier 2014 par la Chambre des députés à une très large majorité, bien au delà des 3/5èmes requis par la Constitution. Mais, entre-temps, le Sénat a changé de bord et la droite aujourd’hui majoritaire fera probablement voter un report sine die du débat, avec la complicité soulagée d’un grand nombre de sénateurs de l’autre camp. Cette simple manœuvre politicienne suffira à bloquer la démarche enclenchée, et pour longtemps encore, la France restera un des seuls pays européens à refuser de conférer des droits formels aux communautés linguistiques qui désirent défendre leur langue et leur culture.
Car l’enjeu de la Charte est qu’elle créerait, une fois ratifiée, un espace de droit pour les communautés linguistiques concernées dans le cadre constitutionnel français. Le Conseil d’Etat l’a bien compris qui a commis un avis farouchement hostile au projet de loi constitutionnelle rédigé par Christiane Taubira. Dans son avis, il énonce que l’adoption de la modification constitutionnelle proposée pour pouvoir ratifier la Charte Européenne créerait, quelle qu’en soit la déclaration interprétative, une « insécurité juridique » pour les défenseurs de l’indivisibilité de la République. Et c’est bien ce qui nous intéresse ! N’en déplaise aux puristes qui préfèreraient le statu quo à un texte, certes alambiqué, mais qui ouvre une brèche dans le mur jacobin que dresse la constitution française. A quand le report ? Probablement sine die, à moins que l’on sache se remobiliser et vaincre l’inertie qui conduit à la disparition de nos langues et de nos cultures.
La Charte n’est pas le seul moyen, mais il en est un, et il ne faut pas relâcher nos efforts à son sujet. Dans l’immédiat, lors des élections régionales, il faut sanctionner autant que possible la droite qui est à la manœuvre, l’extrême droite qui est encore plus hostile, et la gauche qui louvoie en permanence. La seule réponse c’est le vote nationaliste.
Cette réponse peut être apportée en Corse, en Bretagne, en Alsace, comme en Occitanie.
Un fort vote pour la liste Troadec en Bretagne, un fort vote pour Unserland en Alsace où le nouveau découpage administratif a déclenché une véritable révolte, la victoire espérée de la liste écologiste de Gérard Onesta en Occitanie, et bien sûr, une nouvelle progression globale du score nationaliste en Corse : telles sont les meilleures réponses à apporter dans l’immédiat pour « sauver » le projet de loi Taubira et arriver à la ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires avant la fin de la mandature actuelle de François Hollande.