Dernier arrivé dans le dossier de la SNCM, le consortium d’entreprises corses Corsica Maritima a grignoté son retard pour apparaître comme l’un des plus sérieux candidats à la reprise de la compagnie maritime en redressement judiciaire.
Le tribunal de commerce de Marseille examinera mercredi les offres de reprise dans un contexte nouveau après le retrait, vendredi dernier, du spécialiste du froid STEF, longtemps favori mais dont l’offre n’a pas réussi à obtenir le feu vert de la Commission européenne.
Baja Ferries, qui devait reprendre les liaisons de la SNCM sur le Maghreb dans l’offre conjointe avec STEF, censée se concentrer sur celles avec la Corse, a finalement décidé de se positionner sur l’ensemble des activités de la compagnie.
Les deux autres offres en concurrence sont celles du transporteur corse Patrick Rocca et de la société d’investissement Med Partners de Christian Garin, ancien président du port de Marseille.
Les administrateurs judiciaires ont préconisé de ne retenir que les offres corses dans un rapport servant de base à la réflexion du tribunal, qui n’est pas tenu de suivre cet avis.
« On est parti avec beaucoup de retard sur certains qui sont dans le circuit depuis plus d’un an. Mais le cahier des charges était au départ inabordable, notamment en raison des amendes européennes qui pesaient sur la compagnie », déclare à Reuters le président de Corsica Maritima, François Padrona.
Les offres de tous les repreneurs potentiels sont en effet conditionnées à la résolution des contentieux européens qui pèsent lourdement sur l’avenir de la compagnie maritime, dont l’actionnaire majoritaire est Trandev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts.
Il s’agit des quelque 440 millions d’euros d’aides publiques accordées dans le passé par l’Etat que la Commission européenne juge illégales et dont elle réclame le remboursement, sauf s’il y a cessation d’activité et reprise de l’entreprise dans un périmètre plus réduit, de manière à préserver la concurrence.
« Depuis, la donne a changé. Nous avons la lettre de confort de la Commission européenne ainsi que l’aval de l’Autorité de la concurrence. L’Etat et Transdev ont aussi annoncé prendre à leur charge le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour financer le départ de la moitié des salariés », dit François Padrona.
L’offre de Corsica Maritima, qui prévoit la reprise d’environ 800 salariés sur plus de 1.400 CDI aujourd’hui, s’appuie sur un financement sécurisé de 36,5 millions d’euros garanti par un pool bancaire et par une quinzaine de dirigeants d’entreprises qui s’engagent sur leurs biens personnels.
Le projet prévoit également « 105 entreprises associées » essentiellement localisées en Corse qui pèsent, selon les intéressés, un milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Le consortium a aussi reçu un soutien de taille, celui du président de la compagnie maritime française Brittany Ferries, Jean-Marc Roué. Il s’est dit prêt à devenir membre d’honneur du conseil d’administration de la société corse pour « participer à la continuité de cette entreprise ».
Corsica Maritima relève les « valeurs communes » entre le consortium corse et la compagnie bretonne née dans les années 1970 sous l’impulsion des coopératives agricoles locales.
Des deux côtés, on revendique une même volonté de sécuriser un service maritime vital aux économies régionales.
« Tout part d’une volonté d’émancipation de l’économie corse, mais aussi d’une exaspération devant le modèle économique de la SNCM, dont nous subissons le manque de fiabilité depuis 60 ans, un modèle dont nous ne voulons plus », rappelle François Padrona.
La réussite de Brittany Ferries, qui affiche 400 millions de chiffre d’affaires, principalement sur les dessertes avec la Grande-Bretagne, et vient d’annoncer l’embauche de 400 personnes d’ici 2016, attire des chefs d’entreprises corses qui souhaiteraient transposer le modèle en Méditerranée.
« C’est un modèle de développement des autoroutes de la mer en Méditerranée occidentale. Le point de départ est la Corse, car c’est ce qui est vital pour nous, mais on ne se privera pas d’ouvrir d’autres lignes vers la Sardaigne, le Maroc ou l’Espagne », précise le président de Corsica Maritima.
« On ne comprendrait pas que notre offre ne soit pas choisie. C’est la seule qui soit juridiquement, financièrement et socialement solide », prévient François Padrona, qui entend attaquer en justice « toute autre décision du tribunal ».
S’il devait ne pas être retenu par la justice, le consortium d’entreprises corses n’exclut pas la création d’une compagnie maritime alternative. « C’est un scénario que nous avons envisagé », conclut le président de Corsica Maritima.