Femu A Corsica a largement contribué à l’élaboration du PADDUC en sa version votée en octobre dernier par l’Assemblée. Par un travail constant, nous avons fait intégrer dans le PADDUC des notions fondamentales :
Peuple Corse : intégration de l’entier livret « Projet de Société » au PADD. La question « Un Padduc pour qui ? pourquoi ? » qui reprend la définition du peuple corse, telle qu’adoptée en 1988, est au cœur du document. Ce point est notre victoire politique, tout au long du processus d’élaboration du Padduc.
Sauvetage d’Espaces remarquables, sauvetage des sites inscrits, renforcement du contrôle de la CTC sur le risque amiante, renforcement de la Gouvernance, relance de la filière bois, points importants du schéma touristique, développement de la montagne…
Tout au long de ce parcours notre attitude a été constante : ne rien céder sur ce que nous considérons être les fondamentaux, mais aussi être capables de compromis, pour tenir compte des opinions et attentes pouvant être différentes des nôtres.
Cet état d’esprit, partagé avec d’autres groupes et sensibilités politiques, nous a permis d’aboutir à un point d’équilibre en octobre 2014 – notamment sur des points particulièrement sensibles comme la question des « espaces stratégiques agricoles »
Cependant il y a eu rupture de cet équilibre entre la version d’octobre et la version d’avril, et nous avons publiquement fait part, lors de la session du 9 avril, de notre désaccord sur plusieurs points, parmi lesquels la dénaturation du dispositif de protection des Espaces stratégiques agricoles.
Lors du vote du mois d’avril, nous avons émis de vives réserves sur les nouvelles propositions (SER, ESA) qui remettent en cause la protection de la terre, un des trois piliers fondamentaux de nos revendications.
Cependant, pour laisser une chance de revenir à un consensus à partir des observations faites dans le cadre de l’enquête publique, nous avions voté le document, en expliquant que notre vote final serait conditionné par le retour à l’équilibre global trouvé lors du vote d’octobre 2014.
Quelle est la situation à la veille du débat final sur le PADDUC ?
Nous estimons, au terme des échanges qui ont pu avoir lieu, et à la lecture du document présenté à la suite de l’Enquête Publique, que le compte n’y est pas, particulièrement sur la question stratégique des espaces agricoles.
La crainte est forte que, par glissements successifs, on en arrive à dénaturer un document et à altérer la philosophie générale qui nous a guidés, qui nous a portés tout au long de ces mois.
Après les réponses aux observations de l’enquête publique, la rupture d’équilibre persiste
Sur les ESA :
Les zones déjà artificialisées (620 ha) ont été retirées des ESA.
La définition des ESA est restrictive et inadaptée à la réalité des potentialités des terres. L’aspect stratégique de la dénomination semble inapproprié par rapport à l’objectif politique visant une souveraineté alimentaire à 2050.
L’inconstructibilité telle que proposée n’apporte pas de garantie suffisante dans la mesure où les règles retenues sont sujettes à interprétations contradictoires ; elle est remise en cause par un certains nombres de mécanismes de déclassement, de nuances, d’exceptions qui font porter un risque très important sur leur préservation, en quantité et en qualité :
Le principe de compensation permet de contourner la règle avec pour seul garde fou un « document d’orientation » ; étant donné la pression, notamment dans les zones péri-urbaines ou littorales, il n’y a pas de garantie suffisante. Rien ne peut garantir l’équivalence qualitative du mécanisme de compensation.
Des facteurs comme « des besoins justifiés d’urbanisation et d’équipement » n’obligent pas les communes à respecter la carte du PADDUC qui identifie les espaces.
Les ESA dans les SER se répondent à aucune règle fixe applicable. Seul un principe de « préservation » est affirmé, sans que cette notion ne soit entourée d’aucune garantie concrète.
Sur les ERC : La Commission d’enquête a demandé de vérifier la véracité des ERC
Seuls 2 ERC ont été réintégrés.
Un certain nombre d’ERC d’une grande importance eu égard à leur richesse et leur fragilité et soumis à de fortes pressions n’ont pourtant pas été réintégrés
La liste des petites zones humides (moins de 1 ha) n’est toujours pas rajoutée.
Par ailleurs, nous maintenons notre position sur la constructibilité potentielle des Znieff, qui n’est pas acceptable.
Les ESE ne bénéficient que d’une protection limitée
La complexité règlementaire du document, porteur de nombreuses contradictions, le rend particulièrement fragile, avec le risque d’illisibilité, de contestation permanente, de contentieux.
L’épaisseur du trait demeure un élément de grande imprécision et d’insécurité juridique.
Prise en compte du Gazoduc Cyrénée, qui n’est pas inscrit au titre des ouvrages de transport stratégiques listés dans le Schéma Régional des Infrastructures et des services de transport (SRIT).
Le constat est là, le document qui nous est présenté aujourd’hui n’est plus le PADDUC co-construit par notre groupe et voté le 31 octobre dernier. Le document final devrait porter en germe une vision harmonieuse et durable de la société corse, et son adoption devrait être un nouveau jalon important sur le chemin de l’émancipation du peuple corse.
Or, pour Femu A Corsica, le compte n’y est plus. C’est pourquoi, conscients des enjeux qui portent toujours et plus que jamais les revendications historiques du mouvement national contemporain, nous revenons, comme nous l’avions promis lors de la session de l’Assemblée du mois d’avril, avec un certain nombre de propositions qui sont en tout point fidèles à l’esprit et à la lettre du PADD.
Nous ne voterons donc ce PADDUC à la condition qu’il réponde à des choix politiques clairs, garantissant la prospérité et l’émancipation de la nation corse en Europe.