Confrontées à une situation d’urgence, à une crise de réfugiés dont la temporalité est rythmée par les médias, les opinions publiques s’expriment et les positionnements individuels émergent au grand jour. Et les masquent tombent.
Rien d’étonnant de voir les nervis de l’extrême-droite raciste se répandre en fausses rumeurs, hoaxs sur Internet, et ce dans le but de saper tout élan de solidarité. L’enjeu est important pour ces formations ; il s’agît d’empêcher les personnes hésitantes de renouer avec un fond d’humanité, incompatible avec les notions de rejet et d’exclusion de l’autre. C’est en flattant les angoisses, les peurs et les fantasmes les plus ridicules qu’ils espèrent fabriquer un corps social soudé autour de sa mission de préservation et de guerre contre l’étranger. Ils le font avec d’autant plus de zèle que l’Histoire leur montre que des telles manipulations à l’échelle de masse ont déjà réussi. Ces forces obscures sont dans leur rôle nauséabond et mortifère.
Plus grand est le danger de voir s’agglomérer des pans entiers des classes populaires et moyennes à l’idéologie de la guerre à l’autre, et favoriser un énième glissement vers le fascisme.
En Europe, les esprits sont déjà habitués à la culture du passage en force et les premiers exemples viennent des propres institutions étatiques dites démocratiques. Le peuple français a voté contre le traité de Lisbonne, ses élites l’ont imposé. Le peuple grec a voté contre la dictature financière et les plans d’austérité de Merckel, ses dirigeants l’ont trahi. Les élus du peuple corse ont voté pour des droits spécifiques, le gouvernement français n’en a que faire. Tout cela c’est pour la méthode, l’apprentissage de la politique réelle, celle de l’alternative aux maux rendue impossible par le débat et par le vote.
Sur le fond, ce sont principalement les trahisons répétées de l’ex-Social-démocratie, qui, à travers ses virages libéraux, son adhésion totale aux lois et règlements du Capitalisme financier, ont désorienté le monde du travail. C’est l’apprentissage du désespoir et de la résignation.
L’espoir a donc cédé la place à la peur, à la précarisation à l’échelle de masse et à un sentiment angoissant d’impuissance absolue face aux évolutions d’un monde globalisé. Les démagogues qui flattent ces angoisses opèrent de fait une reconnaissance par la négative. La puissance individuelle semble retrouver sa vigueur en déployant les réflexes les plus primaires (ce qui demande peu d’énergie et de réflexion), alors que les démarches collectives subissent l’atomisation. Les explications simplistes et les sauveurs qui eux, ne seraient pas « pourris » sont tellement plus utiles pour le prêt à penser.
Dans ce contexte, il n’est donc pas surprenant de voir dans la ville de Bastia le Comité des chômeurs manifester aux côtés d’une organisation écologiste d’extrême-droite, en opposition à tout accueil de réfugié syrien en Corse.
Le raisonnement est simple et accessible aux esprits les plus étriqués ; il y a plus de 25 000 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en Corse et donc l’accueil des victimes des guerres impérialistes ne ferait que nuire davantage à leur condition. C’est donc la guerre de tranchée du pauvre contre le miséreux au nom du réalisme, de l’individualisme de survie. Pas de place pour les sentiments humanistes, quelles que soient leurs origines philosophiques.
Les victimes des mêmes mécanismes de prédation et d’appauvrissement seraient donc vouées à se faire la guerre pour la plus grande satisfaction et prospérité de leurs nouveaux maîtres.
Le mot maître n’est pas ici une vue de l’esprit, quand les groupes financiers et lobbies militaro-industriels imposent au reste de l’humanité leur vision du monde.
La répartition inégale des richesses et des ressources est devenue la règle universelle et indépassable, en Corse comme au Moyen Orient.
Les monarchies fondamentalistes du Golfe, et ce n’est un secret pour personne, ont soutenu depuis longtemps les nébuleuses fascistes religieuses pour instaurer des régimes autoritaires, réactionnaires et hostiles à toute forme de laïcité et de justice sociale. Les traites d’esclaves dans ces états témoignent de ce capitalisme de prédation masqué derrière une religion monothéiste.
Les grands groupes financiers occidentaux, à l’instar de Goldman Sachs, souhaitent en finir avec le modèle social européen et imposer des régimes « forts », bel euphémisme.
Ces groupes sont responsables de la crise des subprimes en 2008, des mécanismes d’aggravation des dettes publiques en Europe, des politiques d’austérité et de la ruine de la Grèce. Ce capitalisme de prédation se réfugie derrière le dogme religieux du Marché.
Ces capitalistes prédateurs sont donc cohérents dans leurs méthodologie d’action, quelles que soient leurs contradictions, leur but étant la plus grande captation de ressources possible, quel qu’en soit le prix pour les peuples victimes de ces politiques. L’humanité ne disposant pas de ressources infinies, le monde du vivant ignorant les règles du marché, ces choix suicidaires font peser une menace de plus en plus crédible sur la survie de l’Humanité.
L’extrême-droite, en Corse comme ailleurs, œuvre à détruire les fondements de l’entraide et la solidarité. Elle œuvre principalement pour les tenants d’un système qu’elle fait mine de combattre mais dont elle constitue en réalité le rempart ultime. C’est bien pour cela que de tout temps les multinationales sont à l’origine des finances de l’extrême-droite, que ce soit les Ciments Lafarge pour le F.N ou l’entreprise Ford et Krupp pour le N.S.D.A.P, pour ne citer que quelques exemples. Ceux qui font le jeu, à quelque niveau que ce soit, de ces nervis du capitalisme de prédation, creusent leurs propres tombes et celles de leurs enfants. La haine et l’exclusion trouvent un prolongement naturel dans la Guerre, il n’y a pas d’échappatoire. La Guerre en elle-même est un marché intéressant pour les lobbies militaro-industriels. C’est un cercle vicieux, que d’aucuns appelaient crise cyclique.
En définitive, le chômeur corse et le réfugié syrien ont fondamentalement les mêmes aspirations ; vivre de la meilleure façon possible, voire survivre par les temps qui courent et aspirer à l’épanouissement individuel et collectif. Ils ont aussi les mêmes ennemis, qui par leur politique, pillent leurs ressources et leurs droits au quotidien, les contraignant à l’exil. De ce point de vue, la guerre en supplément, l’exilé syrien d’aujourd’hui est l’exilé corse du XIXème siècle. Le bon sens leur commanderait donc d’être solidaires en toute circonstance et cohérents, pour ne pas dire unis, face aux prédateurs.
Toute autre option est insupportable, car la guerre de la pauvreté contre la misère, c’est la ruine de toute humanité.
Militant pour le Droit à l’Autodétermination du Peuple Corse (A Manca)