#Corse « Le peuple arménien de l’Artzakh lutte pour la liberté et la démocratie » par @F_alfonsi

Nagorno-Karabakh – Le peuple arménien de l’Artzakh lutte pour la liberté et la démocratie

Ils sont arméniens, peuple historique du Caucase, dans sa partie que les géographes appellent le « petit Caucase », celui qui se prolonge jusqu’aux portes de l’Iran. Leur pays s’appelle l’Artzakh, et il est l’au-delà des monts pour une Arménie majoritairement implantée dans l’en-deçà des monts. Trois millions d’habitants en Arménie, 150.000 habitants dans l’Artzakh, dont un tiers dans sa capitale Stepanakert. Ce qui les sépare ? Une chaîne de montagne, qui pourtant, depuis la nuit des temps, les avait unis comme toutes les montagnes du monde unissent les peuples transhumants, dans les Alpes, dans les Pyrénées, au Caucase comme en Corse, pumonte è cismonte, en-deçà et au-delà des monts.

En 1921 l’Union Soviétique, sous Lénine et Staline, a décidé depuis Moscou de créer deux Républiques Socialistes Soviétiques dans cette région qu’il viennent de placer sous leur emprise politique : l’Arménie et l’Azerbaidjan. La montagne est alors devenue frontière, séparant un même peuple, et l’Artzakh est passé sous le contrôle de Bakou, la capitale azérie d’un peuple turcophone, à la culture et à l’Histoire totalement étrangère au peuple arménien qui habite les montagnes. C’est à l’époque la théorie militaire qui l’emporte sur la réalité des peuples : une frontière doit être un « point haut » d’où les canons peuvent tirer très loin en territoire ennemi, en prévision des guerres éventuelles. Depuis qu’existe l’aviation, cette théorie est absurde, mais elle s’est imposée dans le Caucase comme dans les Alpes (confer le Tirol, séparé entre Italie et Autriche, ou le Val d’Aoste séparé de la Savoie, la Catalogne séparée en deux par les Pyrénées, et tant d’autres exemples y compris dans le Caucase).
L’Arménie, en 1921, sort d’un traumatisme épouvantable, celui du premier génocide de l’Histoire, perpétré en Turquie où plus d’un million d’Arméniens ont été exterminés en raison de leur langue et de leur religion, celle de l’Eglise chrétienne d’Arménie, parmi les plus anciennes de la chrétienté. Leur emblème est le Mont Ararat, sommet perpétuellement enneigé à plus de 5.000 mètres d’altitude, omniprésent dans le paysage de la capitale arménienne, Erevan, et où, selon la bible, Noë et son arche providentielle ont échoué après avoir survécu au Déluge qui déferlait depuis son sommet. Au pied de la montagne, depuis le mémorial érigé à Erevan en souvenir du grand génocide arménien, on distingue les miradors, ainsi que la poussière soulevée par les mouvements de troupes de l’armée turque. Car une frontière infranchissable sépare désormais l’Arménie du Mont Ararat : la frontière avec la Turquie, l’Etat dans lequel un million d’Arméniens ont été exterminés sans autre raison que de faire disparaître tout risque de réunification des territoires peuplés par les Arméniens avec l’Arménie voisine. La référence au génocide arménien de 1915 est omniprésente à Erevan, et, malgré plusieurs tentatives avortées, la détente n’est toujours pas à l’ordre du jour avec le régime turc.
En Artzakh aussi la conscience du péril est grande, face à la majorité turcophone d’Azerbaïdjan conduite par un des dictateurs les plus brutaux de la planète, Alyev fils qui a pris la succession d’Alyev père, dans un climat politique qui évoque la Corée du Nord. Dans les années 20 jusqu’à 1990, sous la botte communiste qui a déporté en Sibérie un nombre incalculable d’opposants politiques, les Arméniens ont subi les décisions de Moscou. L’Artzakh s’est appelé Karabagh, le nom donné à ce territoire par les Iraniens, un peu comme si Bruxelles décidait subitement d’appeler Frankreich un pays nommé France par ses habitants parce que c’est le nom en usage en Allemagne. Et, pour faire soviétique, ils y ont adjoint Nagorno qui en russe signifie montagneux. Ainsi est né le Nagorno-Karabakh, « oblast » (district) arménien de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan. Le Nagorno-Karabakh reste, un siècle après, le nom officiel de l’Artzakh pour la communauté internationale.
De plus, à l’époque, Staline, qui voyait loin, a décidé de créer de toutes pièces un « corridor azéri » entre la République d’Arménie et l’oblast du Nagorno-Karabakh, afin de séparer fictivement les Karabakhi et les Arméniens. Décision arbitraire qui, 95 ans plus tard, conditionne toujours la situation politique telle qu’elle s’est construite après l’effondrement de l’empire soviétique.
La République d’Arménie a été la première des Républiques fédérées à secouer le joug soviétique, par des grèves générales et un climat de révolte généralisé. Cette fois, les tanks soviétiques resteront impuissants, et la révolution démocratique l’emportera, installant à Erevan une démocratie reconnue par toutes les instances internationales. L’Azerbaidjan aussi s’érigera en pays indépendant après la fin de l’Union Soviétique, fort de ses richesses pétrolières en Mer Caspienne, au large de sa capitale Bakou. Mais c’est une dictature qui rapidement va s’y imposer, et qui perdure encore aujourd’hui, le fils Alyev ayant remplacé son père. Pour eux l’Azerbaidjan est « un et indivisible », et le Nagorno-Karabagh doit « s’azériser », parler la langue azérie puisque le russe, qui servait jusque là de langue de communication entre les deux peuples, est désormais proscrit, et se soumettre à la loi du plus grand nombre en devenant des Azéris et en renonçant à être des Arméniens.
La révolte éclate en 1990 et quatre années de guerre vont dévaster l’Artzakh. Le deux septembre 1991, les Karabakhi proclament leur indépendance, sous le nom de République du Nagorno-Karabakh selon l’appellation internationalement répandue. Le deux septembre est devenu la fête nationale de l’Artzakh. Un référendum confirmera en décembre 1991 la proclamation d’indépendance. L’armée azérie engage alors une guerre qui durera jusqu’en 1994.
Face à leur infériorité numérique, les Karabakhi demandent le soutien de l’Arménie qui envoie ses troupes pour les protéger contre les pogroms qui menacent les Arméniens en Azerbaïdjan, et qui ont commencé à tuer massivement les communautés karabakhi établies à Bakou ou Sumgait, les deux grandes villes industrielles en territoire azéri. Le souvenir du génocide de 1915 est toujours là !
Le couloir de Lachlin, et toute la bande territoriale créée artificiellement par Staline pour séparer l’Artzakh de l’Arménie, sont mis sous protection arménienne pour éviter l’encerclement, et les combats à l’intérieur du territoire tournent à l’avantage des Karabakhi. La place forte de l’armée azérie est prise d’assaut à Shuchi, et l’armée azérie, mise en déroute, demande un cessez-le-feu qui sera négocié sous l’égide du « groupe de Minsk » qui réunit les nouvelles autorités du Nagorno-Karabakh, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ainsi que la Russie, la France et les Etats-Unis. Il est signé le 12 mai 1994, et il est toujours officiellement en vigueur.
Mais, depuis, l’armée azérie tente régulièrement d’alimenter une nouvelle escalade militaire, en organisant un blocus aérien impitoyable, et en multipliant les incidents le long de la ligne de front. Il y a quelques semaines, un tir d’artillerie a abattu un hélicoptère de l’armée karabakhi, et il a fallu l’intervention de commandos pour récupérer les corps des trois pilotes. La frontière avec l’Arménie est aussi le théâtre d’affrontements sporadiques. Tout récemment des civils ont été blessés et un militaire arménien tué par des tirs d’artillerie. La situation est instable, dangereuse, et l’Azerbaïdjan dispose de l’arme pétrolière pour peser sur la scène internationale, par la corruption ou en achetant le soutien d’Etats pétro-dépendants pour isoler les autorités arméniennes de Stepanakert et d’Erevan.
Dans la République du Nagorno-Karabakh, les autorités indépendantistes ont installé une démocratie irréprochable, avec des élections régulières et démocratiques, une lutte remarquée contre la corruption, une large place faite aux femmes dans la vie publique, et une totale liberté de la presse. Le contraste est saisissant avec la dictature qui règne à Bakou !
C’est pourquoi l’ALE a décidé d’apporter tout son soutien au Nagorno-Karabakh. Un des trois partis au pouvoir à Stepanakert, le Parti Démocratique de l’Artzakh, dont le Président-fondateur, Ashot Giulyan, a été élu Président de l’Assemblée Nationale, a demandé et obtenu son adhésion à l’ALE, qui a été votée lors de l’Assemblée Générale 2015 tenue à Bautzen, en Luzace (Allemagne). Et, pour donner tout son sens à ce partenariat entre l’ALE et les forces démocratiques du Nagorno-Karabakh, je me suis rendu à Stepanakert, en tant que Président de l’ALE, accompagné de Jordi Sebastià, député européen du groupe, élu du Bloc nationaliste valencien, pour signer, le jour-même de la célébration de leur fête nationale, une déclaration commune défendant le droit à l’autodétermination du peuple karabakhi, et demandant la reconnaissance de son indépendance par la communauté internationale, particulièrement par l’Union Européenne. Cette signature a rencontré un grand écho. Notre délégation a été reçue par le Président de la République, et a tenu d’importantes réunions avec les parlementaires et le Ministre des Affaires Etrangères.
Malgré la difficulté du voyage, car l’aéroport de Stepanakert, achevé en 2010, n’a jamais pu ouvrir tant il est sous la menace des tirs de l’armée azérie, tandis que la liaison par une route longue et difficile depuis Erevan doit franchir de hauts cols à plus de 2.000 mètres d’altitude, la délégation de l’ALE a réussi à établir un lien direct entre le Nagorno-Karabakh et les institutions européennes, notamment au Parlement européen. Pour l’ALE, les choses sont simples : l’Azerbaidjan doit respecter le droit à l’auto-détermination du peuple arménien d’Artzakh, et l’Europe doit soutenir ceux qui luttent pour la démocratie, contre une des dictatures les plus liberticides qui existe dans le voisinage immédiat de l’Union Européenne.
AlfonsiFrancoisNotre soutien a été unanimement apprécié. Nous avons rencontré toutes les forces politiques, majorité et opposition, de ce peuple menacé de disparaître et qui se bat pour sa liberté, comme nous le faisons nous-mêmes en Corse, en Catalogne, en Ecosse, en Pays Valencien ou au Val d’Aoste. L’ALE, et son groupe au Parlement européen, serviront de relais au Parti Démocratique d’Artzakh et aux autorités de Stepanakert à Bruxelles pour contrebalancer la propagande incessante de la dictature azérie et de ses relais appuyés par les lobbies très puissants de l’industrie pétrolière. Nous avons l’espoir de contribuer ainsi à l’émergence d’une paix durable sur ce territoire historique de l’Artzakh, dans la démocratie et dans le respect du droit des peuples à décider par eux-mêmes de leur propre avenir

FRANCOIS ALFONSI

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