Lors du dépôt, CORSICA LIBERA a exposé le cadre général de leur intervention et développé les différents points ci-dessous :
CADRE GENERAL
Le PADDUC aujourd’hui soumis a l’enquête publique intervient après 50 ans de conflits sur l’aménagement de notre pays, conflits dont l’état porte une écrasante responsabilité, pour avoir notamment proposé en 1972 un schéma d’aménagement qui programmait la bétonisation de nos plus beaux sites, avec à la clé la disparition de notre peuple.
Pendant cette période, les seuls défenseurs réels de notre terre ont été les nationalistes et en particulier les militants clandestins, qui ont pour cela payé le prix fort, avec des centaines d’années de prison infligées, y laissant leur liberté et parfois même leur vie.
Les appétits spéculatifs, représentés au sein de l’assemblée et de la classe politique corse, et la pression de plus en plus forte de groupes mafieux, ont empêché pendant des années l’adoption par les corses d’un schéma conforme à leurs intérêts collectifs. C’est le cas du projet néfaste proposé par les deux promoteurs immobiliers qui gouvernaient l’assemblée au cours de la dernière mandature. Ce projet a heureusement échoué .
C’est donc un document largement discuté, élaboré en réaction aux propositions de l’équipe précédente qui est aujourd’hui soumis à la discussion. Ce document a été adopté par l’assemblée de Corse à une large majorité, dont l’ensemble des groupes nationalistes, et contre la totalité de la droite, qui continue à soutenir l’économie résidentielle
Corsica Libera présente donc ses observations sur un document dans lequel un certain nombre de ses propositions ont déjà été reprises, à la suite d’amendements de son groupe d’élus, au cours de la discussion.
Il faut rappeler qu’il est instruit dans les limites posées par la loi française, actuellement applicable.
L’esprit dans lequel a été élaborée la présente contribution à l’enquête publique est d’apporter des précisions, de proposer des améliorations, sur la base d’un Padduc dont CORSICA LIBERA soutient la globalité, dans la continuité du vote de leurs élus à l’assemblée.
Nos observations concernent les points suivants
- · Testa Vintilegna
- · Espaces Stratégiques Agricoles (ESA)
- · Auberges du pêcheur
- · Constructions autorisées sur le DPM
- · Épaisseur du trait
- · Golfs
- · Prescriptions relatives aux plages (SMVM) :
- · Hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (HNIE)
- · Statut de l’«habitat diffus » / « tâches urbaines »
- · Mutation des espaces intégrés aux Secteurs d’enjeux régionaux (SER)
Monsieur le Président de la Commission d’enquête,
Vous trouverez ci-après la contribution de Corsica Libera à l’enquête publique relative au PADDUC. Après trois décennies marquées par l’incapacité des différentes majorités régionales à approuver un document d’aménagement et de développement – pourtant prescrit par la loi – à la fois largement partagé et au service des intérêts du peuple corse, le PADDUC arrive dans la dernière phase de son élaboration.
Après avoir combattu sans réserve le projet de PADDUC présenté lors de la précédente mandature, régi par une logique de «désanctuarisation», Corsica Libera n’a eu de cesse de promouvoir des principes d’aménagement en phase avec sa philosophie politique : protection de notre patrimoine environnemental, architectural et culturel, développement économique par le peuple corse et au bénéfice de celui-ci. Cet engagement, marqué par d’importants sacrifices militants, constitue le fil historique de notre courant pour la défense de la terre corse et les droits de la communauté historique qui l’habite : le peuple corse.
Alors que le PADDUC précédent se fondait sur une vision donnant la primauté aux forces de l’argent au nom de l’économie résidentielle, nous pensons avoir largement influé afin que celui-ci place en son centre l’Homme, donc le peuple corse, dans toutes ses dimensions : culturelle, économique, sociale, environnementale.
Si la philosophie générale nous agrée, nous estimons que certains domaines nécessitent des ajustements techniques. Nous nous employons par conséquent, par l’intermédiaire de nos observations, à améliorer le document ou à en préciser les prescriptions afin de sécuriser sa portée et son application concrète.
Testa Vintilegna
Le site d’A Testa Vintilegna est un endroit symbolique des luttes corses pour la défense de la terre. Il est par ailleurs un lieu chargé d’histoire et un espace remarquable au plan de l’écosystème. Un amendement du groupe Corsica Libera lors de la séance publique du 31 octobre 2014 a permis de contenir les tentations spéculatives en refermant l’accès au site, désormais classé espace remarquable. Pour autant, la zone centrale de la Testa comprenant le bâti demeure en zone urbanisable. Afin de prohiber tout projet spéculatif et de préserver un lieu appartenant à la mémoire collective du peuple corse, nous considérons que la Testa doit demeurer un espace inconstructible.
Espaces Stratégiques Agricoles (ESA)
Le Schéma d’Aménagement territorial du PADDUC (SAT) affirme le caractère inconstructible des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA)1. Le livret réglementaire reprend implicitement ce principe2. Afin d’éviter une interprétation limitative de cette prescription par les tribunaux, nous préconisons de reporter au livret réglementaire une règle explicite d’inconstructibilité.
La p. 48 du livret réglementaire serait rédigée de la façon suivante (les ajouts figurent en gras) : « Les espaces stratégiques agricoles sont préservés.
À ce titre :
(…) – Ils sont régis par le principe d’inconstructibilité. Le PADDUC n’admet pas de modification de la destination des sols dans ces espaces.
Dans ces espaces, peuvent seuls être autorisés :
Les constructions et installations strictement nécessaires (…) au fonctionnement et au développement d’une activité agricole. (…).
1- P. 71 : « Tous les espaces agricoles cultivables et à potentialités agronomiques sont classés par le PADDUC en espaces stratégiques agricoles. Ces espaces sont inconstructibles, à l’exception des constructions et installations nécessaires à l’activité agricole, aux équipements collectifs ou d’intérêt général ou à des services publics, ainsi qu’à des activités économiques liées à l’exploitation des ressources naturelles locales
Le PADDUC n’admet pas de modification de la destination des sols dans ces espaces ».
2- Livret réglementaire, p. 48 : « Les espaces stratégiques agricoles sont préservés.
(…) Dans ces espaces, peuvent seuls être autorisés : Les constructions et installations strictement nécessaires (…) au fonctionnement et au développement d’une activité agricole. (…).
Dépôt en Mairie d’Aiacciu de la contribution de Corsica Libera avec Josepha GIACOMETTI élue à l’Assemblée de Corse
Auberges du pêcheur
Le SMVM prévoit des « aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l’accueil du public » sur le Domaine Public Maritime (DPM), en conformité avec la loi Littoral. A ce titre, il autorise, entre autres, la construction d’ « auberges » ou « abris du pêcheur ». Corsica Libera soutient de façon constante (cf. Corsica 21) une redynamisation du secteur de la pêche à travers une pluriactivité raisonnée permettant de mettre en valeur les savoir-faire et notre environnement. Le PADDUC doit préciser les règles régissant l’autorisation de construction de ces auberges. Sans quoi, le risque d’utiliser une activité piscicole alibi au profit d’une activité purement commerciale est réel. Nous demandons que l’autorisation d’exploiter ce type de structure légère soit soumise à l’exercice de l’activité de pêche à titre principal. En ce sens, le SMVM doit conditionner l’exploitation de ces structures à la détention d’un permis de mise en exploitation (PME) et d’une licence de pêche, ainsi qu’à un avis obligatoire des prud’homies de pêche concernées. Aussi, le SMVM doit préciser que ces structures doivent se limiter à proposer les produits directement issus de l’activité du pêcheur sous peine de retrait de l’autorisation d’exploiter.
Constructions autorisées sur le DPM
De façon plus générale, au titre des constructions légères et non permanentes que le PADDUC autorise sur le DPM, il nous semble indispensable de préciser les règles relatives à la délivrance des autorisations, à leur contrôle et, le cas échéant, à leur retrait. Les conséquences de cette dérogation doivent être strictement maîtrisées afin que l’on puisse procéder aux réajustements nécessaires en cas de constat négatif du rapport annuel d’évaluation établi par la CTC Cette dérogation doit permettre d’imposer des règles et normes de construction strictes. Pour ce faire dans le livret 2, volet 3.C du SMVM celles-ci doivent être plus clairement explicitées : – Normes de construction (PC précaire), d’occupation et d’assainissement sur les plages. – Réponse aux besoins du service public balnéaire. L’objectif poursuivi étant : – de tendre à une amélioration de la gestion des plages. – de renforcer la qualité sanitaire et environnementale des établissements. -d’améliorer la qualité architecturale et paysagère des installations. -de procéder à un rééquilibrage entre activités et libre accès.
Épaisseur du trait
Afin de localiser avec plus de précision la destination des différents espaces (agricoles, remarquables, urbanisables…) nous demandons le retour à l’amendement du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse (séance du 31 octobre 2014) portant l’épaisseur du trait à 1mm (soit 50 mètres sur le terrain). Etant entendu que cette réduction n’est pas en mesure d’entacher le document d’illégalité.
Golfs
A l’initiative du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, un amendement adopté lors de la séance du 11 avril 2015 assujettit tout projet golfique à un avis de l’Assemblée de Corse. Cet amendement n’a pas été reporté au Livret Réglementaire. Il n’apparaît manifestement pas possible pour la CTC d’effectuer un contrôle d’opportunité sans porter atteinte aux principes, reconnus par la Constitution française, de « libre administration » et d’absence de tutelle entre collectivités territoriales. Il semble en revanche possible et opportun de prévoir un avis de l’Assemblée de Corse après examen par l’Agence d’Urbanisme. Celui-ci prendrait la forme d’une « vérification de cohérence » entre le projet et les principes fixés par le PADDUC.
Prescriptions relatives aux plages (SMVM) :
Le SMVM classifie les plages corses autour de quatre catégories (naturelle, naturelle fréquentée, semi-urbaine, urbaine) auxquelles sont adossées des prescriptions correspondant à la réalité de leur fréquentation ainsi qu’aux enjeux environnementaux et socioéconomiques afférents. Leur rédaction laisse entrevoir un certain nombre d’incohérences dans la gradation des contraintes. Pour exemple, les activités de restauration, débit de boissons, location de petit matériel nautique sont autorisées tant sur les plages naturelles fréquentées que semi-urbaines. Toutefois, l’emprise de ces activités sur le domaine public est contingentée pour les plages semi-urbaines (30% des établissements présents par plage) et pas pour les plages naturelles fréquentées pour lesquelles la protection devrait théoriquement être renforcée. Corsica Libera préconise un réexamen des prescriptions afin de les mettre en cohérence avec les objectifs fixés dans la partie « orientations ».
Hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (HNIE)
Par une interprétation parfois très extensive, ces hameaux nouveaux ont pu constituer par le passé le cheval de Troie du mitage et de l’ouverture à l’urbanisation dans des endroits vierges de toute construction. Le PADDUC s’est attaché à en préciser le cadre dans une perspective limitative. Pareillement aux hypothétiques projets golfiques, nous demandons l’assujettissement de tout projet d’HNIE au plan local à un avis en compatibilité rendu par l’Assemblée de Corse après examen de l’Agence d’Urbanisme dans le cadre d’une « vérification de cohérence ».Au plan des prescriptions, nous préconisons que le projet de HNIE soit défini sous maîtrise publique, le document local d’urbanisme en fixant les orientations d’aménagement et de programmation à travers un schéma d’aménagement.
Statut de l’ « habitat diffus » / « tâches urbaines »
Afin de distinguer les « espaces urbanisés » des « zones à habitat diffus » il convient de mieux les caractériser, sans quoi ces dernières risquent de faire l’objet d’une densification alors qu’elles sont au départ des zones de mitage. Il faut donc pour les « espaces urbanisés » spécifier plus explicitement les critères permettant de caractériser : – les limites des secteurs agglomérés. – l’orientation de l’habitat. – les limites apparentes.
SER
La mutation des espaces intégrés aux Secteurs d’enjeux régionaux (SER) dans le cadre de la réalisation d’un projet d’intérêt public nécessite un encadrement renforcé. Pour se prémunir des risques réels de spéculation et de consommation abusive d’espaces stratégiques agricoles ou remarquables, nous préconisons d’inscrire au livret réglementaire que lesdits projets : – sont soumis aux prescriptions du PADDUC en matière d’extension de l’urbanisation (continuité de l’existant, mixité de l’habitat individuel/collectif, permanent/saisonnier, social ou non…). – sont soumis à des études préalables. A cet effet, reporter au livret réglementaire les passages du SAT (pp. 14-15) s’y rapportant et incluant notamment l’obligation « en cas de consommation des ESA » de « justifier de la nécessité de cette consommation au regard de la réalisation du projet » (amendement groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, séance du 9 avril 2015). – sont soumis à une hiérarchisation dans l’utilisation des espaces. Les espaces stratégiques agricoles et remarquables ne pouvant être consommés qu’en dernier ressort après avoir justifié de l’impossibilité d’utiliser des espaces déjà urbanisés. Cette prescription est à ajouter au livret réglementaire. – sont soumis à une délibération concordante de l’Assemblée de Corse et de la collectivité concernée. Cette procédure ne nous semble pas faire obstacle à la « libre administration des collectivités territoriales » dans la mesure où la définition de la destination des différents espaces est une compétence reconnue à la Collectivité Territoriale de Corse par la loi (article L4424-9 I. alinéa 43). En ce sens, selon le principe de parallélisme des compétences, seule la collectivité qui définit la destination d’un espace, en l’occurrence la CTC, est compétente pour en modifier la destination (ex : passage d’un espace stratégique agricole à un espace urbanisable). Loin de réduire la libre administration de la commune, la délibération concordante renforce son autonomie en lui permettant de participer, dans une logique de co-construction, à la définition d’une règle qui est théoriquement de la compétence de la CTC. Refuser le principe de la délibération concordante revenant pour l’Assemblée de Corse à se dessaisir de sa compétence. Une délibération concordante relèverait à notre sens de la tutelle si elle conditionnait l’adoption d’un document qui au titre de la loi relève de la compétence de la commune : par exemple un PLU.
Observation politique d’ordre général :
Pour l’heure, les décisions de l’Assemblée de Corse sont limitées au cadre contraint de la « libre administration » de la « non-tutelle » ou du principe de « compatibilité ». Cela a diminué la portée de nombre de nos amendements : l’impossibilité de soumettre la construction de golfs à autorisation de la CTC ou encore les incertitudes autour du contrôle sur les SER précédemment évoqués en témoignent. Aussi, le rapport de « compatibilité » qui régit la relation entre le PADDUC et les documents locaux s’avère être, au regard de la jurisprudence, par définition imprécis et source d’insécurité juridique. Pour notre part, nous ne saurions considérer l’Assemblée de Corse de la même façon que les assemblées délibérantes des autres collectivités de Corse. Elle a vocation, de notre point de vue, à être l’organe représentatif et délibératif du peuple corse souverain. Elle a vocation à exercer le pouvoir législatif pour déterminer les politiques publiques de la Corse. Il ne s’agit pas dans notre esprit de substituer au centralisme parisien un neocentralisme corse mais bien de doter l’Assemblée de Corse des moyens juridiques au service de politiques d’intérêt général. Sans même s’inscrire dans une démarche de souveraineté, au sein des Etats fédéraux ou régionalisés, il existe logiquement une hiérarchie entre norme « régionale » et norme locale. Le processus politique actuellement en cours a pour objet l’accroissement des pouvoirs normatifs de l’Assemblée de Corse, il nous semble logique d’y intégrer la question de la portée des actes de l’Assemblée de Corse vis-à-vis des collectivités de niveau inférieur. Une évolution institutionnelle en ce sens consacrerait la primauté des choix politiques de l’Assemblée de Corse et éviterait l’incertitude dans la définition du degré de précision et de prescription des règles contenues dans le PADDUC notamment.
3- « Il définit les principes de l’aménagement de l’espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l’implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives.