(article du 3 juillet) Edmond Simeoni, militant historique de la Cause Corse, sur son blog revient sur le dossier du « PADDUC » avec un rappel historique très complet :
« Rarement, un projet politique insulaire aura mobilisé, pendant des années, des institutions, des élus, la société civile. Après l’échec du Padduc lors de la mandature précédente, un nouveau texte est en préparation. Approuvé par l’Assemblée de Corse, il est soumis à l’enquête publique du 3 mai au 3 juillet 2015. Les Corses peuvent ainsi faire connaître leur participation, leurs critiques, avant le vote du document définitif à l’Assemblée de Corse. J’ai naturellement tenu à exprimer mon point de vue. »
Le voici :
Ajaccio le 2 Juillet 2015,
Monsieur le Président, messieurs,
Nous approchons du terme de la Commission d’Enquête consacrée au Padduc dont le rôle devrait être essentiel pour la Corse de demain et les nouvelles générations. Cette démarche a connu des avatars et en particulier la tentative précédente, lors de la mandature antérieure de l’Assemblée de Corse, qui a échoué parce qu’elle avait privilégié « l’économie résidentielle. » Ce n’est pas vous faire injure de constater que ce type de procédure est généralement inefficace.
Les Corses tiennent à l’identité de leur peuple et à la propriété de leur terre. L’Histoire leur a permis de le démontrer, sans équivoque et sans avoir jamais agressé quiconque, aux agresseurs, hier pirates, puis Romains, Pisans et Génois ensuite et enfin Français.
L’exercice entrepris est louable dans ses intentions ; le travail accompli a été imposant mais le résultat n’est pas au rendez-vous : un pavé indigeste, illisible, un fourre-tout de trois mille pages dont la clarté n’est pas la principale vertu et il serait, s’il devait être adopté en l’état, très souvent soumis au juge administratif, avec succès, tant les erreurs, les empiètements sur les compétences des communes par exemple sont légion.
Une démarche ne peut être jugée en la détachant de son contexte, historique et contemporain ; elle ne peut être évaluée et jaugée que si on l’intègre dans une vision d’avenir de la l’île, conforme aux droits légitimes de son peuple.
Les Génois ont été un mélange durable de colonisation subtile, de violences, de contrôle strict des place-fortes et surtout de clientélisme mais aussi d’une certaine qualité administrative ; la terre occupait à l’époque une place centrale dans l’économie ; ils y ont porté attention et on même tenté avec la Banque Saint Georges une mise en valeur et une mainmise qui ont échoué.
Les Français, après la conquête militaire de 1769, suivie d’une répression féroce jusqu’en 1812, ont montré l’étendue de leur savoir-faire éprouvé, en installant une politique efficace de francisation dans tous les domaines ; ils ont renforcé le système claniste en distribuant des terres aux notables et surtout utilisé la matière première, de qualité – les hommes – pour ses guerres, meurtrières, pour sa fonction publique métropolitaine et coloniale. L’île végétait, reculait…
Il est inutile de rappeler la mise en valeur de la Corse amorcée en 1957 avec la Somivac et la SETCO ; sans notre mobilisation dès 1960 et celles d’autres Corses dont le FLNC (1976), l’ile aurait été vouée à l’aliénation la plus totale –agricole et touristique –, à la disparition de son peuple. La démocratie a été ridiculisée dans l’île par les fraudes, le clientélisme, avec la complicité de l’Etat qui a aussi excellé dans la répression des patriotes ; les justices d’exception et les polices parallèles des barbouzes de Francia complétant efficacement la colonisation. Tout ce qui vit et permet d’espérer dans l’ile est dû à l’engagement, -non dépourvu d’erreurs, des forces patriotiques radicales – des forces de progrès, des militants culturels, des écologistes….
Aujourd’hui la terre, – dans une Corse affaiblie par une économie exsangue, un chômage important, la crise des transports et des déchets notamment –, est à l’épicentre d’une bataille pour la survie du peuple corse et la maîtrise de son destin. Le bilan de l’Etat est effarant :
-Non-solution voulue, du problème des Arrêtés Miot (une digue contre la dépossession de la terre).
– Invalidation massive des Plu par une Justice, efficace et sereine, du Tribunal Administratif de Bastia. La loi est dite, à l’instigation majoritaire sinon exclusive, des écologistes et de leur travail de bénédictins. La carence de l’Etat – il n’intente pratiquement pas de recours en Justice – est volontaire et scandaleuse. Peu lui chaut que la Loi ne soit pas respectée, du moment que la terre corse échappe aux Corses.
– La Corse formule à travers l’Assemblée de Corse, des revendications fortes à l’Etat qui les balaye d’un revers de main (Coofficialité, Résidence, Révision de la Constitution…), en nous promettant, pour 2018 ? la coquille vide de la Collectivité Unique.
Et on demande aux Corses de juger le Padduc en le découplant du contexte insulaire… mais pour un avenir meilleur, bien entendu.
L’avenir est dans la lutte non-violente, organisée – Corses de l’Ile et de la diaspora –, internationale, pour faire prévaloir les droits légitimes du peuple Corse et arracher des Institutions qui garantissent sa vie et sa pérennité en Corse, dans le cadre de l’Union européenne. L’Autonomie Interne est la solution légale, constitutionnelle et garantit les droits légitimes des parties ; elle assure à la Corse la liberté, la démocratie, la justice et la dignité.
Je participe activement depuis longtemps (les Boues Rouges en 1973) aux luttes écologiques aux côtés de leurs militants ; je rends hommage au travail de titan de U Levante notamment et je souscris pleinement à l’analyse de mon ami, Maître Martin Tomasi qui a répondu sur le site du Levante à la Commission d’Enquête.