#Corse Lettre de Marcel Lorenzoni : « Pour hier, aujourd’hui et demain »

En 1992, les nationalistes, divisés, atteignent néanmoins 21% des suffrages aux élections territoriales. Ces voix, ajoutées à d’autres voix contestataires, et aux 15% d’abstentions, démontrent que le point d’inversion du système politique en place est atteint, en ordre dispersé, sans conscience.*

marcel-LorenzoniCe fait majeur, échappant à ses acteurs, inquiète l’ « establishment », qui organise un front dit « républicain », représentant en réalité l’ensemble des lobbies économiques et sociaux. Ces lobbies présents dans toutes les structures installées en Corse par l’état français, maintiennent dans l’île le statu quo colonial, assurant quelques « réussites » et la faillite globale de la société corse, au prix d’un double jeu permanent entre la Corse et Paris.

Ce « front républicain » se traduit par l’installation à l’Assemblée d’un exécutif composite droite-gauche destiné à gérer malgré la contestation croissante, les ressources financières promises tant par l’état français que par l’Union Européenne.

L’émergence de quelques bonnes volontés dans le camp majoritaire, les signes d’allégeance émis vers Paris dans le camp contestataire n’y pourront rien, la situation est pour l’essentiel manichéenne.

La nature des interets en présence, l’enjeu considerable que représente la Corse tant au plan politique qu’économique, expliquent ce qui s’est passé par la suite. Très vite, alors que le noyau le plus jacobin de la droite parisienne entame une opération séduction réussie en direction du noyau le plus dur de Corsica Nazione, et après que les jacobins du parti socialiste aient réussi la même opération en créant le MPA 3 ans avant, on voit, en 2 ans : le capital politique de Corsica Nazione s’enliser dans les amendements du plan de développement régional ; A Cuncolta s’empêtrer dans ses contradiction après le drame de Furiani et sa plus funeste suite, l’affaire Sozzi.

L’exécution de Robert Sozzi, assumée par l’ensemble Cuncolta-Canal Historique fait éclater Corsica Nazione, et crée la situation, amenée de longue date, qui débouchera sur les affrontements sanglants de 1995-96.

Comme en 1975, 1980, 1983, une effusion de sang empêche le mouvement national corse d’atteindre sa maturité politique. Paradoxalement, la force de ses idées, l’engagement qu’elles suscitent, ses faiblesses structurelles produisent à chaque échéance une situation propice à toutes les manipulations. Cela est plus que jamais flagrant aujourd’hui.

A l’heure où la Corse voit l’échec de 2 statuts « particuliers » en 15 ans ; l’échec plus grave de son déclassement de la zone d’objectif n°1, et des mesures décidées en sa faveur par l’union européenne ; Au moment ou l’île atteint des niveaux de désertification, de chômage, de ruine économique, sociale, culturelle, de criminalité et de délinquance inédits ; Au moment où la contestation grandit, malgré les divisions et les drames, une nouvelle manipulation débouche sur l’assassinat du Prefet de Corse.

Ce meurtre a pour 1er résultat le maintien, malgré son échec patent, de la classe politique dominante au pouvoir, et donc le maintien des intérêts particuliers qu’elle représente, contre l’intérêt collectif de la Corse, de sa jeunesse et de son avenir.

Ce rapide survol permet de noter que les situations ne viennent pas du hasard, et que chaque fois les échéances sont repoussées par des manipulations, orchestrées à partir des faiblesses du mouvement national ; qu’elles soient dues à l’électoralisme ou imputables à la clandestinité, par les services officiels ou occultes du ministère de l’intérieur, donc de la police des gouvernements successifs de la Vème republique française.

Les suites de la mort du Prefet Erignac, si elles permettent une répression anti-nationaliste accrue, débouchent curieusement sur une remise en question de l’administration française en Corse, et du fonctionnement des principales structures bancaires, pourtant sous le contrôle direct de l’état depuis leur création. Cela se traduit par une mainmise policière sans précédent sur l’administration de l’île.

Rien ne permet de dire aujourd’hui, au-delà des apparences, à quoi correspond ce grand ( ?) chambardement. Quoi qu’il en soit, il vient de l’extérieur, il est fonction de considérations extérieures, et les voix éteintes de quelques indigènes/stipendiés n’y pourront rien, la Corse n’y trouvera pas non plus son compte !

 C’est pourquoi il est urgent pour les nationalistes de réaliser les conditions nécessaires à de nouvelles avancées. Se considérant avant tout comme citoyens de la nation corse, ils remettront à plus tard le règlement civil de tous les contentieux, afin de permettre la création d’un espace de débat et d’organisation. Admettant leurs différences, ils s’attacheront à définir l’articulation des idées et des moyens, tant humains que matériels, pour retrouver le chemin de l’action unitaire. Au-Delà des remises en questions collectives, il faudra réaliser quelques progrès au plan des raisonnements et des comportements individuels ; demasquer les faux-amis ; distinguer rumeur et verité ; apprendre les règles de la guerre psychologique qu’on nous applique depuis plus de 15 ans ; revenir sur nos bases « culturelles » de raisonnement et de comportement. Il faudra adhérer, organisés ou non, à la même démarche, celle de la constitution du corps électoral national sur des bases simples :

– Déclaration d’appartenance au peuple corse,

– Droits du peuple corse (revenir sur les 15 points).

Les militants éliront leurs représentants au Parlement qui devra avant tout écrire les bases de la Constitution en référence aux systèmes connus les plus efficaces (ceux qui sont en vigueur dans les pays dont on entend le moins parler dans la civilisation occidentale par exemple).

MARCEL LORENZONI

1998

Source photo : Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :  Unità Naziunale
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