Session de l’assemblée de Corse les 28 et 29 mai 2015 : QUESTION ORAL DE FEMU A CORSICA (IN LINGUA NUSTRALE)
Monsieur le Président, Monsieur le Conseiller en charge de la Langue Corse,
Faisant suite à la loi du 8 juillet 2013 sur la refondation de l’école, qui proposait de repenser le collège unique, le décret et l’arrête relatifs à « l’organisation des enseignements au collège » prévoient une entrée en vigueur de la dite reforme à la rentrée 2016.
Rappelons que cette réforme laisserait chaque collège fixer 20 % de son emploi du temps, avec de l’accompagnement personnalisé pour tous, de l’interdisciplinarité et une deuxième langue vivante (LV2) avancée en cinquième.
Pour la majeure partie des syndicats enseignants français, l’interdisciplinarité proposée n’est pas celle qui était attendue, tout comme l’autonomie n’est pas celle des équipes pédagogiques et éducatives. Ils critiquent les dispositions relatives aux conditions d’articulation des enseignements disciplinaires avec les formes de l’interdisciplinarité, sans parler des notions d’autonomie des établissements, de la notion « d’accompagnement », des conditions de travail et de formation des personnels, etc.
En deux mots, pour eux, la réforme annoncée ne sera pas pédagogique.En Corse, l’APC parle de « remise en cause de l’enseignement de la langue corse », et d’un texte qui « vient également en opposition forte avec l’Histoire, la Culture et les traditions de notre Ile et de son Peuple. ». Elle conclut en précisant que « tout l’édifice de l’enseignement de la Langue Corse se trouvera mis à mal de manière répétée et conséquente, par les réformes inhérentes au système éducatif français. ».
En deux mots, pour l’APC, la réforme annoncée n’est pas du tout la réforme qu’attend la Corse, et nous partageons cette idée.
Nous ne reviendrons sur cette réforme que pour en souligner l’inadaptation, au regard de la situation corse. Alors que notre Assemblée vote la demande de coofficialité de la Langue Corse, qu’elle attend la mise en place d’une agrégation de LCC, d’un concours des PRCE unique, qu’elle vote une planification « Lingua 2020 » qui place la langue au cœur du dispositif éducatif, que notre assemblée vote une perspective constitutionnelle devant nécessairement déboucher à terme sur un nouveau cadre de compétences en matière d’éducation, l’Etat, une nouvelle fois, comme toujours, va à l’encontre de nos décisions et de notre volonté politique.
Voilà une réforme qui introduit en classe de 5ème et non en plus en 4ème, la seconde langue vivante – on nous parle d’ne augmentation de 54 heures d’enseignement sur l’ensemble de la scolarité au collège – Mais de quelle langue ?
Or, on sait que, dans le choix d’une LV2 obligatoire, les élèves ne prennent pratiquement jamais une Langue « régionale », et préfèrent poursuivre, quand ils poursuivent, l’étude de cette langue sous la forme optionnelle. En clair, les effectifs déjà maigres vont encore se réduire. La plus belle preuve, actuellement, reste la chute vertigineuse des effectifs scolaires en LCC à partir de la classe de 4ème.On nous dit alors que les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), vont renforcer la pratique de la langue. Nous répondons que ce ne sont pas les enseignements de langue qui doivent venir « en complément » des EPI, mais le contraire. D’ailleurs, le choix de l’Enseignement de complément « Langue régionale » devrait avoir, comme dans notre plan voté le mois dernier, le statut de langue intégrée, et soit indépendant du choix EPI « Langue régionale ». L’élève doit, dans ce scénario du pire, pouvoir suivre un enseignement de langue corse, sans être privé de l’accès à d’autres enseignements.
Pour revenir à l’essentiel, au-delà de ce danger majeur de recul du corse dès la 5ème, sans parler de l’effet domino occasionné dès le primaire, que vont devenir les heures d’enseignements optionnels ? Que va devenir surtout le dispositif des filières bilingues ?
En l’état, cette réforme condamne tout ce que nous avons entrepris ici depuis des décennies et est en contradiction fondamentale avec les choix de notre Assemblée.Si une réforme est nécessaire pour corriger les disparités, les inégalités et la sortie précoce des jeunes du système éducatif, ou pour masquer l’échec de l’enseignement des langues, pour la Corse, ce n’est pas du tout la bonne réforme ! Pire, elle en hypothèque l’avenir…
Parce que notre langue est un véritable passeport vers le plurilinguisme, plurilinguisme dont auront besoin les citoyens de demain, parce qu’elle est notre volonté et notre choix, choix essentiel pour l’avenir d’une société bilingue et de la coofficialité, et parce qu’elle est, en un mot, le sel de notre Culture, de notre Identité, de notre Peuple, de notre projet pour les générations futures, la reforme annoncée n’est pas du tout celle qu’attend la Corse.
Monsieur le Président, il est temps de faire entendre notre voix et notre droit !
Nous ne demandons pas de garanties dans le cadre de cette réforme mais un statut dérogatoire.
Parce que demain, notre réforme, dans le cadre d’un nouveau statut de l’île, doit être celle qui définisse les pourtours d’un système éducatif propre à cette ile.Notre réforme, c’est une langue corse pivot d’une société biplurilingue.
C’est à l’aune de cet objectif majeur, pour une nation corse moderne, que nous attendons une réaction de votre part et une position claire face aux enjeux.
Vous connaissez bien désormais la position et l’engagement de Femu a Corsica sur la question.
Nous souhaitons vivement connaitre les vôtres, en même temps que les initiatives que vous comptez prendre.
Je vous remercie.
SAVERIU LUCIANI FEMU A CORSICA