Pour démontrer l’ordre absurde des choses tel qu’il sévit en Corse du fait de notre dépendance exclusive franco-française, xylella fastidiosa en apporte la preuve par l’exemple.
Xylella fastidiosa nous rappelle tout d’abord notre appartenance européenne, et l’urgence de prendre enfin conscience que l’avenir de notre île, pour le meilleur ou, comme c’est le cas en l’espèce, pour le pire, se fera en Europe. Le plant contaminé qui a infecté les Pouilles est arrivé du Costa Rica par le port de Rotterdam au début 2005, puis la bactérie s’est développée, au point d’avoir décimé depuis une des plus grandes et des plus belles oliveraies d’Europe.
La « peste végétale » dénoncée par José Bové qui a pris pied dans le sud de l’Italie menace désormais l’ensemble de l’espace européen de Méditerranée, et donc, bien sûr, la Corse. Or la Corse est une île, et elle peut se préserver par la simple interdiction de l’importation de toute plante qui présenterait un risque sanitaire pour les espèces insulaires, dans l’attente d’une résolution définitive du problème en Italie et sur l’ensemble du continent européen.
Mais il n’existe aucune compétence pour que les autorités corses puissent prendre une telle mesure. Pas même à titre conservatoire : seul l’Etat français est compétent, dans le respect des règlements européens qui, justement, en l’absence de politique européenne efficace, le laisse libre de prendre toute mesure conservatoire qu’il juge utile.
Si la Corse avait son autonomie, nous n’aurions rien à attendre de l’administration centrale et les autorités corses agiraient par elles-mêmes. Mais en France il en va tout autrement : il faut attendre que Paris décide d’agir, alors qu’il n’échappe à personne que le bassin parisien n’a rien d’un espace méditerranéen !
De ce fait, les professionnels concernés vivent aujourd’hui les mêmes affres qu’il y a cinq ans quand le cynips du châtaignier, à l’œuvre sur le continent, n’était pas encore arrivé sur l’île. L’interdiction des importations de plants n’a pu être obtenue, et le premier pied de châtaignier infecté, détecté à Borgu, a fini par apporter la maladie sur toute le Corse. Saurons-nous éviter le même scénario catastrophe avec xylella fastidiosa ? Et quels efforts cela demandera-t-il, alors que, normalement, cela devrait aller de soi ?
Le débat sur la souveraineté des peuples en Europe n’est pas un débat franco-français. Il traverse toute l’Europe et les peuples sans Etats secouent désormais le joug des Etats-nations, particulièrement en Catalogne. La réaction des gouvernements centraux est vive qui veut imposer coûte que coûte le statu quo et empêcher que le premier processus d’émancipation nationale d’un peuple à l’intérieur des frontières de l’Union Européenne puisse aboutir. Elle se manifeste à Londres comme à Paris ou Madrid. L’Etat central entend garder le « pouvoir de décider » et en priver les peuples concernés.
Ainsi le conflit entre Madrid et la Catalogne porte sur les mêmes valeurs fondamentales que celui entre Paris et la Corse. Certes, l’Espagne et son régime reconnaissant l’autonomie catalane vaut mieux que le jacobinisme méticuleux et mesquin de l’Etat français. Mais l’Etat espagnol, obligé il y a quarante ans de composer avec les revendications basque et catalane pour lever l’hypothèque de la dictature franquiste, veut désormais resserrer son emprise. Il n’accepte pas la liberté du peuple catalan. Les pouvoirs publics veulent que l’essentiel continue de se décider à Madrid, revenir en arrière sur la reconnaissance du fait national catalan, « espagnoliser » la jeunesse catalane, et garder a mainmise sur la gestion de l’argent public dont la Catalogne est grande pourvoyeuse au profit du reste de l’Espagne. Le nouveau statut d’autonomie, pourtant voté par referendum en Catalogne, a été rejeté, Les Catalans, traditionnellement « pactistes » et favorables aux compromis, en ont tiré la conséquence que seule l’indépendance leur permettrait de « décider par eux-mêmes ». Ils y sont prêts, mais la lutte sera difficile car Madrid, assuré de la solidarité de l’Etat français, entend refuser ce droit démocratique. Les nationalistes catalans ont besoin de notre solidarité pour faire sortir le rapport de forces d’Espagne. L’Alliance Libre Européenne s’y emploie et en a fait une priorité. En soutenant cette « Ghjurnata d’Arritti », elle lance une campagne européenne de solidarité avec le peuple catalan. Solidarité dont le peuple corse aura lui aussi grand besoin dans les mois et les années à venir !