« Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l’étroitesse d’esprit. »
Nelson Mandela – Un long chemin vers la liberté
Toujours – hélas – d’actualité, la question des prisonniers politiques corses renvoie à une énième demonstration que l’Etat français n’a cure de la mise en place d’un processus de solution politique. Ce dédain qui prend racine dans l’histoire coloniale française appelle une reponse – populaire – des forces vives. Cela suppose une synergie stratégique capable d’arracher une veritable feuille de route qui inscrive enfin la Corse vers son droit à l’auto-détermination. Aujourd’hui ce sont les jeunes de « Ghjuventù Indipendentista » qui montrent la voie. De la grève de la faim de Niculau Battini – actuellement incarcéré – aux militants qui – par le même geste – entament collectivement une action dans la citadelle de notre capitale historique, une mobilisation se construit. Elle doit imperativement être renforcée.
Mépris
Il y a peu, l’ Assemblée Générale de « Inseme per a Corsica » a clairement signifié que l’heure n’est plus à la tergiversation, encore moins à la renonciation: »L’Etat ne nous offre aucune perspective. Il nous enferme dans une impasse ». Une position dont le contenu est pour l’essentiel partagé par l’ensemble des formations du Mouvement patriotique. La dernière réunion à Paris, avec les représentants élus à la Collectivité Territoriale, et portant sur la Collectivité unique, a figé les limites du projet. Les mesures de fond susceptibles d’engager la Corse dans une phase nouvelle de construction – statut de résident, statut fiscal, co-officialite de la langue – ne trouvant naturellement pas echo dans les instances gouvernementales francaises…
Toujours lors de cette Assemblée Générale d’Inseme per a Corsica, un de ses responsables, Gilles Simeoni a clairement affirmé: »N’attendons rien de l’Etat français, il ne nous donnera rien. Construisons ensemble! ». Position à partager tant elle renvoie le Mouvement Patriotique à compter prioritairement sur ses propres forces, mais dont il ne faut pas oublier qu’il est aussi lourdement influencé par le calendrier électoral du système en place… Certes aujourd’hui la Collectivite territoriale semble constituer l’indispensable instrument pour faire avancer et partager les revendications d’avenir, mais cet espace, pour important qu’il soit ne doit surtout pas hypothéquer l’occupation et la mise en place d’espaces d’expression et de lutte. La dernière initiative prise par l’actuelle direction du F.L.N.C – U.C. peut permettre qu’au sein du peuple, et dans le contexte actuel, se mettent en place de nouvelles et populaires formes de resistance. A l’image des initiatives prises par la Ghjuventù Indipendentista. D’autres peuvent autant être imaginées, suscitées et concrétisées sur le terrain.
… et amnistie
Parmi les mesures actuelles susceptibles de sortir la Corse de l’ornière, il en est une qui revêt un apect hautement symbolique : l’amnistie. Elle devrait clairement signifier – pour les parties concernées – la fin des antagonismes. Autant dire qu’elle s’inscrit dans un projet global qui restitue aux corses autant la democratie que les outils de la maitrise de leur avenir. U Riacquistu di Portivecchju, au moment où la nouvelle municipalité porto vecchiaise initiait sa mandature par un vote sur le rapprochement des prisonniers, avait déjà évoqué ce sujet : « U Riacquistu di Portivechju prend acte de l’adoption unanime d’une motion municipal de la cité du sel et portant sur le rapprochement des prisonniers corses. Cette délibération rappelle avec insistance la permanence d’un problème excessivement déconsidérée par l’actuel gouvernement français. Toutefois il ne faut surtout pas omettre que la question des prisonniers politiques corses, c’est aussi et surtout, outre leur naturel rapprochement, leur libération ainsi que la cessation des poursuites judiciaires et policières. La question des prisonniers politiques corses doit tout autant s’inscrire dans un plan global de résolution politique qui engage l’avenir de la terre corse et de son peuple. Ce plan met en exergue d’autres sujets comme le rôle et la place de notre langue et de notre culture, la maitrise de notre foncier et la mise en place d’un statut de résident, la nécessité d’un développement économique durable et maitrisé, la création et la répartition équitable des richesses, la défense et le promotion des biens collectifs et sociaux, le droit pour toutes et tous à l’éducation, à la formation, au logement, au travail, à la dignité ».
Pour mémoire, il ne faut pas oublier que la Corse a déjà connu trois amnisties, 1981,1982 et 1990. Que ces amnisties ont autant accompagné des projets institutionnels (projet « Deferre », projet « Joxe ») qu’elles sont aussi la consequence des rapports de force avec le Mouvement de Liberation Nationale alors uni. Que ces amnisties ont toutefois des aspects limités dans leur portée puisque – pour référence – les « infractions ayant entraîné mort, blessure ou infirmité » sont exclues du champ d’application. Pour exemple, en 1981, il a fallu une mobilisation populaire pour arracher Alanu Orsoni des geoles.
La future amnistie devra naturellement concerner toutes les personnes et tous les faits survenus – quels que soit leur nature – à partir de la dernière adoptée et s’intégrant dans le cadre du conflit que l’on connait. Sans exception aucune.
Le Mouvement de Liberation Nationale a depuis changé. Il s’est aussi autant diversifié que divisé. Mais il conserve toute sa légitimité. L’analyse du contexte actuel devrait l’inciter à travailler sur une nouvelle et stratégique feuille de route (qui definit autant les partenaires, les demarches, et les etapes) qui inscrive la Corse dans un processus – outre de fin d’antagonisme – d’affirmation et de construction nationale. Un processus qui s’inscrit dans notre droit imprescriptible à l’auto – détermination.
Si des composantes d’etapes sont à prendre en compte, le Mouvement Patriotique ne peut se laisser enfermer dans une modification contextuelle française – la simplification institutionnelle – qui naturellement fait fi des mesures opérantes quant à l’avenir de la Corse, et de son peuple. Le déni dont fait l’objet la majorite actuelle de la Collectivite Territoriale doit l’inciter à un repositionnement d’ensemble susceptible de sortir des pseudo – dialogues pour de véritables négociations politiques.
Des jeunes corses, porteur d’une nouvelle génération, montrent l’exemple. Ils impulsent un nouveau souffle. Ils dessinent de nouveaux contours pour l’oeuvre que nous avons portée.
Le peuple corse, toutes ses forces, toutes ses couches sociales, ont encore à se mobiliser. Pour que l’espoir puisse renaitre des écueils. Pour que notre droit de vivre, travailler et décider de notre pays soit enfin effectif. Pour que notre langue soit le lien social et culturel de notre quotidien. Pour que developpement économique et répartition equitable des richesses soient réalité. Pour que nous retrouvions enfin notre place naturelle au coeur de la Méditerranée et de l’Europe. Pour notre liberté enfin.
J’apporte mon soutien fraternel et politique à tous ces jeunes qui ne démentiront certainement pas cette phrase de De Lafayette « .Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l’indifférence ou la résignation ».
LIBARTÀ !