Au départ, nous refusions et fustigions le clanisme et l’assistanat auxquels semblait vouée notre société corse. Les caciques clanistes ont laissé la place à leurs rejetons. Puis d’autres ont surfé sur le clientélisme, et le danger d’un néo-clanisme de bon aloi se profilait à l’horizon.
Les idéologies sont oubliées et les « majorités de progrès », doux euphémisme, ont pris la relève, avec dans leur sillage, les stratégies de combinazione politiciennes et politicardes « pour le pouvoir » à tout prix. Nous combattions la fraude et les pressions électorales, mais celles-ci se sont adaptées et la notion de service rendu et de chantage à l’emploi ont pris le relais. Nous insistions sur le non-cumul des mandats, le non-cumul des fonctions, la transparence de la vie publique, la publicité et le contrôle des aides et des subventions … Nous combattions pour les intérêts collectifs et aujourd’hui les ambitions personnelles, la notion d’intérêt partisan et particulier sont devenues le label politique le plus en vogue.
Nous demandions la simplification des structures politiques et administratives, leur assainissement à l’exemple de la suppression des Conseils généraux (et même des offices à la CTC) , vraies usines clientélistes, pour instaurer une vraie vie démocratique où les programmes, les projets et les idées positionneraient les hommes et les femmes politiques, laissant à des citoyens corses, libérés de toute contrainte et de toute pression financière ou autre, de décider des choix pour l’avenir de cette île et de sa jeunesse…
Nous voulions changer le système et les structures archaïques en place, car nous affirmions qu’elles étaient porteuses de la mort de notre peuple.
Aujourd’hui, au vu de ces dernières élections départementales, nous découvrons, quarante ans après, que les régionalistes des années 60, se présentant à des élections disaient la même chose et faisaient déjà le constat que nous après les récentes élections. Et que le système loin de s’effondrer, s’adaptait pour perdurer, se renforçant même …
Les péripéties à venir au Conseil Général du Sud, à la mairie de Bastia et à la CAB, après celles ayant précédé le scrutin, ou durant la campagne électorale proprement dite, venant après les élections à la soviétique des sénateurs de la Corse… ne peuvent qu’avoir un goût de cendres pour celles et ceux qui croient encore avec force à un autre avenir pour la Corse et les Corses
Nous disions vouloir changer la société corse, mais aujourd’hui, elle est hélas bien malade et le travailleur, l’honnête homme ou l’honnête femme ont de plus en plus de difficultés à vivre et à faire vivre leurs familles, tandis qu’une société de système D, de débrouillardise et de passe-droits s’installe, et que le modèle du voyou a bien plus de crédit auprès des jeunes que la notion de travail, de même que l’individualisme, les ambitions et les intérêts partisans sont plus attractifs que la défense du bien commun et des intérêts collectifs
malgré ce triste constat, nous devons continuer à nous donner les moyens d’obtenir le soutien des Corses, en leur faisant prendre conscience des dangers qui les guettent et des véritables enjeux auxquels ils sont confrontés aujourd’hui. Nous devons avec les Corses, trouver la force de poursuivre ce combat, et cela malgré les difficultés, les obstacles, les renoncements, les abandons, voire les trahisons. Nous ne pouvons laisser faire les choses en l’état, car des années de luttes et de sacrifices ne peuvent être ainsi oubliées ou gommées, pour laisser la place à une prétendue évolution et à une nécessaire adaptation moderniste.
Nous ne devrons jamais nous résoudre à dire : « J’ai lutté pour changer le système, aujourd’hui, je me bats pour que le système ne me change pas ». Les générations futures ne nous le pardonneraient pas.