Un pòpulu, una tarra, una cultura : c’est l’attachement que l’on porte à ces trois principes fondamentaux qui expriment l’amour de son pays. Ensemble ils forment la devise de tous les mouvements qui luttent pour l’émancipation nationale, en Corse comme ailleurs en Europe et dans le monde.
L’Assemblée Générale de l’Alliance Libre Européenne aura lieu dans un mois en Luzace, le pays des Sorabes à l’Est de l’Allemagne, un territoire et un peuple sacrifiés au cœur de l’Europe. Les Sorabes voient en effet leur patrimoine culturel, écologique et sociétal dévasté par la logique économique de multinationales qui agissent en pleine complicité avec les Etats-nations.
Le dossier en pages centrales d’Arritti illustre de façon éloquente les ravages que l’exploitation des ressources énergétiques de lignite provoque en Luzace. Le lignite est un minerai de charbon « bas de gamme » qui s’exploite à ciel ouvert, sur des dizaines de kilomètres carrés, c’est-à-dire des milliers d’hectares. Le lignite est excavé par d’effroyables machines à broyer, puis déversé dans les fourneaux de plusieurs centrales ultra-polluantes qui alimentent en électricité toute l’Allemagne. Les tranchées béantes qui résultent de cette exploitation ont ravagé des forêts, des terres agricoles, des bâtiments de fermes, et même des villages entiers qui ont été expropriés, vidés de leurs habitants puis supprimés purement et simplement de la carte. 136 villages ont été touchés, et 80 d’entre eux ont totalement disparu.
Or ces villages abritent une culture originale en Europe de l’Est, une population d’expression slave, qui forme une minorité nationale au sens de la charte européenne des droits de l’Homme. Cette minorité est désormais représentée par un parti, Lausitzer Allianz, qui est membre de l’ALE et qui demande l’arrêt des exploitations minières qui ravagent son pays. Ils s’opposent à un establishment local bien pensant, que les autorités allemandes arrosent de prébendes, officiellement pour soutenir un folklore déclinant, en fait pour étouffer le sentiment national qui refuse l’éradication de leur terre et de leur culture. Le groupe multinational exploitant les mines, Vattenfall, l’équivalent d’EDF en Suède, arrose aussi le tissu économique local, au point que l’ALE a dû modifier le site initialement choisi pour son Assemblée Générale car la chaîne hôtelière craignait les retombées de notre réunion sur son activité économique !
Lors de la réunion préparatoire tenue à Bruxelles devant plusieurs députés européens le 26 février dernier, les responsables de Lautzister Allianz et des associations de défense du patrimoine en Luzace ont enfin pu exprimer leur colère contre l’indifférence européenne face à un désastre écologique sans équivalent. Mais qui attendait pareille aberration de l’Allemagne, au cœur de l’Europe, pays qui se veut un modèle pour tous, et par une société d’Etat qui a pignon sur rue en Suède, pays candidat à la palme européenne du mérite écologique ? L’ambassadrice de Suède auprès de l’Union Européenne, la représentante officielle de la société Vattenfall, ont tenté de faire bonne figure face à la protestation que nous avons commencé à Bruxelles, qui continuera sur place lors de notre Assemblée Générale, et que nous poursuivrons jusqu’à ce que le scandale éclate enfin dans toute l’Europe. Car dès l’instant que le dossier est présenté face à l’opinion publique européenne, les officiels allemands et suédois ont bien de la peine à argumenter ! Mais on sent bien aussi que les intérêts économiques qui sont en jeu sont colossaux, et que l’étouffoir médiatique jouera à plein. Comment comprendre d’ailleurs qu’une telle situation n’ait jamais été dénoncée ?
La culture et la terre sont indissolublement liées. Ce que subissent la Luzace et le peuple sorabe est une forme extrême d’un système qui ravage une identité en s’attaquant à la Terre sur laquelle vit le peuple qui doit la transmettre. Persa a Tarra, persa a Lingua, persu u Pòpulu ! Ces trois données sont étroitement liées.
En Corse, c’est la « résidentialisation » qui menace notre peuple, sa langue, sa culture et sa terre. L’agression est moins violente, les paysages sont moins dévastés, même s’ils peuvent être considérablement défigurés, mais le résultat est identique : des intérêts extérieurs à la Corse, forts de leur logique économique et avec la complicité de l’Etat central, viennent s’approprier le territoire et enlever au peuple corse l’espace dont il a besoin pour asseoir sa vie économique et culturelle propre.
Cette « résidentialisation », nous l’avons combattue quand la droite élaborait un Padduc fondé sur ce mirage économique du tourisme et du BTP comme seuls vecteurs du développement économique. Le nouveau Padduc, voté, avec toutes les voix nationalistes, par une large majorité de l’Assemblée de Corse, est aux antipodes de ce modèle. Il préserve 105.000 hectares de terres arables, il protège les espaces proches du littoral et les espaces remarquables, et il ouvre la perspective d’un autre avenir que le tout-tourisme, avec une large place faite au peuple corse, à sa culture et à ses droits.
Au moment où la campagne débute pour la future Assemblée de Corse, il faudra bien sûr avoir à l’esprit l’importance de cet acquis qui protège la Terre, et donc le Peuple corse et sa Culture.