Les attentats dramatiques que la France a subis ont suscité l’indignation dans le monde entier.
Plusieurs millions de manifestants le 11 janvier dans tout le pays, en signe de deuil, d’hommage aux victimes, d’affirmation des valeurs humanistes et républicaines. 8 000 personnes à Bastia, 15 000 à Ajaccio, d’opinions diverses, croyant au ciel ou n’y croyant pas, mais unis pour la liberté, contre l’intolérance, contre l’antisémitisme, pour la laïcité. Une mobilisation populaire sans précédent depuis la Libération et dont on se souviendra longtemps.
Participant à cet élan de fraternité, le peuple Corse est descendu en masse dans la rue.
Parce que la satire, l’impertinence, de l’irrévérence que les terroristes ont voulu anéantir et qui remontent au siècle des lumières font partie de son héritage culturel, de sa façon de vivre.
Parce qu’il tient au principe de laïcité, sachant que la neutralité de l’État en matière religieuse protège en fait tous les cultes ainsi que le droit de critique et le libre examen.
Parce qu’enfin, conscient que ces actes fanatiques mettent aussi en danger les musulmans de France, il refuse tout amalgame, car ce n’est pas la foi qui a causé ces actes atroces mais l’instrumentalisation de la religion.
La Corse est toujours parvenue à accueillir ceux qui venaient chercher ici un avenir meilleur. Par le passé, la société civile a su réagir au sentiment minoritaire de rejet et d’exclusion qui, dans un contexte de crise économique, sociale, identitaire, a pu parfois s’exprimer. Notre passé d’accueil augure de notre capacité à construire notre identité dans l’ouverture aux autres.
Pour que les lendemains ne déçoivent pas, nous devons entretenir ce sursaut. Passer de l’émotion à la réflexion. Pour comprendre et agir. Faire en sorte que ce moment d’unité et de solidarité continue d’inspirer notre « vivre-ensemble ».
Agir sur les facteurs géopolitiques qui produisent le terrorisme relève des gouvernements, comme il leur appartient de garantir, dans le respect de l’état de droit, la sécurité des citoyens.
Mais apporter une réponse durable nous concerne tous, pour tarir la source du fleuve de haine qui charrie ressentiment, sentiment d’exclusion, volonté de revanche et transforme des jeunes en djihadistes.
Plusieurs défis sont à relever. Celui de l’éducation d’abord, pour éveiller les consciences, préparer chacun au respect de l’autre et offrir à tous des perspectives d’avenir. Il faut s’attaquer aux inégalités à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, en agissant sur l’emploi, le logement, le rétablissement des services publics, afin d’enrayer la « territorialisation de la misère » et favoriser la mixité sociale.
Il faut briser l’isolement, qui engendre ignorance, incompréhension et méfiance ; se rencontrer et non simplement se côtoyer, en multipliant les espaces et les moments d’échange et de dialogue.
Enfin, rénover la République, vivifier la démocratie. Retrouver le chemin de cette société fraternelle, accueillante et juste dont nos ainés, au sortir de la Résistance, avaient jeté les bases.
L’égalité sociale, l’approfondissement de la démocratie et de la citoyenneté, une laïcité –comme le souhaitait JAURÈS- «inclusive et non excluante», ces objectifs doivent être au centre de l’action publique locale. Concrétiser ces choix n’ira pas sans difficultés en cette période d’austérité. Mais c’est la voie du courage, de la lucidité et de la responsabilité. Il n’y en a pas d’autres
Dominique BUCCHINI
Président de l’Assemblée de Corse