Si en novembre dernier, les Guadeloupéens pouvaient se satisfaire de voir le Gwoka inscrit sur la liste de patrimoine culturel immatériel [1] de l’UNESCO, Il y a quelques semaines, ces mêmes citoyens ont découvert que des « Blancs péyi » les invitaient [2] à l’inauguration de la stèle commémorant l’arrivée des premiers Français en Guadeloupe, 29 juin 1635, initiée par le Cercle culturel Auguste Lacour [3]. Organisations et associations, mobilisées, ont alerté l’ensemble des Guadeloupéens pour que pression soit faite afin de dénoncer et de contrer ce projet.
Le LKP, quant à lui, a envoyé un courrier [4] au Président de la République pour dénoncer que jusqu’à maintenant faire l’apologie de l’esclavage n’est toujours condamnable par la loi.
Une semaine avant un tel affront, la mairie de Sainte-Rose vient d’annuler cette inauguration en précisant qu’elle n’avait pas été informée d’un tel projet, pourtant cette stèle devait être installée sur un espace public dépendant de cette commune.
Après la loi visant à reconnaître les bienfaits de la colonisation [5], particulièrement les articles 1 [6] et 4.2 [7], combattue par nombre d’organisations et d’associations de la solidarité politique internationale, c’est maintenant au tour des békés d’imposer leur relecture de l’histoire coloniale faite de racisme, de discrimination raciale. Les vannes du racisme n’ont jamais cessé d’être présentes, parfois muettes, tapies dans l’ombre, prêtes à rebondir pour telle ou telle raison. Aujourd’hui, au nom de la liberté d’expression, de la guerre contre le terrorisme, au prétexte d’une crise économico-financière organisée par les tenants du capital et de l’impérialisme, les vannes de la domination, dans ses aspects les plus ignobles, sont ouvertes et tout ce qui était tu se trouve réifié. Ainsi de la colonisation et de ses bienfaits, de la découverte des îles de la Guadeloupe et de la Martinique, de l’extermination des Kalinas et des Indiens Caraïbes qui y vivaient, de l’exportation massive d’hommes, de femmes et d’enfants arrachés à leur continent pour être esclavagisés par ceux qui ont justifié ce crime contre l’humanité au nom du christianisme, de la civilisation européenne et ensuite des droits de l’homme et de l’égalité.
Le projet d’une stèle à la mémoire des premiers colons, des premiers esclavagistes est une insulte à ces millions de personnes déportées, mises en esclavages, tuées par appât du profit. C’est une insulte aux descendants de cette histoire ; c’est une insulte au combat mené par nombre d’entre eux pour la faire sortir de l’ombre car elle est commune à l’ensemble de l’humanité ; c’est une insulte à la dignité humaine, à la non-discrimination et à l’égalité.
La Fondation Frantz Fanon dénonce la volonté des descendants de colons de vouloir, avec cynisme, réécrire une histoire en la tronquant, la mythifiant mais elle pointe aussi la politique de ce gouvernement, comme celle des gouvernements antérieurs, qui n’a jamais rompu avec les éléments de la colonialité du pouvoir mais au contraire ne cesse de surfer sur l’idéologie de la domination et de l’aliénation. Il est temps d’appeler à une réelle reconnaissance de ces crimes contre l’humanité qui ne les cantonne pas dans une loi mémorielle