(Unità Naziunale publié le 11 juin 2018 – article du 9 juin de l’AFP) Des attaques à l’explosif contre des dizaines de résidences secondaires: neuf nationalistes corses sont jugés à partir de lundi à Paris aux assises pour deux « nuits bleues », des séries d’attentats perpétrés sur l’île en mai et décembre 2012.
Parmi les accusés se trouve Pierre Paoli, soupçonné d’avoir été le chef du FLNC (Front de libération nationale corse) pour la Corse-du-Sud au moment des faits. Ce procès, qui se tient quatre ans après que ce groupe clandestin a déposé les armes, pourrait être l’un des derniers pour des attentats en Corse.
En mai 2012, une vingtaine d’attentats visaient des résidences secondaires appartenant pour la plupart à des continentaux. Sept mois plus tard, à nouveau, une vingtaine d’explosions endommageaient ou détruisaient des résidences secondaires aux quatre coins de l’île, sans faire de victimes. Le FLNC revendiquait les attaques, les justifiant par son « combat contre la spéculation immobilière ». « Nous sommes les défenseurs d’une terre », affirmaient en décembre 2012 les indépendantistes.
Les enquêteurs avaient identifié une cellule clandestine opérant pour le compte du FLNC dans la région de Valinco, sur le littoral de Corse-du-Sud, ce qui avait conduit à de premières mises en examen en novembre 2013 et juin 2014. Pierre Paoli, membre du parti politique indépendantiste Corsica Libera, a, lui, été mis en examen et écroué en février 2015, avant d’être remis en liberté en septembre 2016.
Les neuf accusés seront jugés par une cour d’assises spéciale compétente pour les affaires de terrorisme et uniquement composée de magistrats et non de jurés populaires. La plupart comparaissent pour participation à une association de malfaiteurs à visée terroriste, fabrication d’engin explosif, détention illégale d’arme et dégradation.
Pierre Paoli, aujourd’hui âgé de 65 ans, sera jugé pour « direction ou organisation d’une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ».
Les charges « reposent » sur des écoutes dans un bar à Ajaccio, explique à l’AFP son avocat Emmanuel Mercinier-Pantalacci. Il évoque des « dizaines de milliers d’heures d’écoutes », où plusieurs personnes parleraient de son client. « Mais il n’est pas le seul Pierre. Et il n’est pas le seul Paoli », défend l’avocat. « Et même quand ils parlent de Pierre Paoli, nous mettons en doute qu’ils disent la vérité ».
« Pierre Paoli n’était pas le chef du FLNC. Il était l’un des cadres du parti Corsica Libera et, à ce titre, il a pris position pour la fin de la violence », poursuit l’avocat, qui va demander l’acquittement.
– « Une forme d’anachronisme » –
Il a fait citer les deux dirigeants nationalistes de l’île: le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni et celui de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, chef de file de Corsica Libera, « pour qu’ils viennent expliquer la situation actuelle en Corse, depuis la fin de la violence ».
Le nationalisme corse a tourné en 2014 la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, en obtenant une majorité absolue aux élections territoriales en décembre. Parmi leurs principales revendications: l’amnistie des prisonniers, que le président Emmanuel Macron a toutefois exclue en février.
Fin mai, Jean-Guy Talamoni a fait voter une motion à l’Assemblée de Corse pour que « les jugements des procès à venir contre des militants nationalistes corses participent de la volonté d’apaisement manifestée par la société et les élus de la Corse ». « Ces procès concernent des faits relatifs à une période révolue et constituent de ce fait une forme d’anachronisme », selon cette motion.
L’association de soutien aux prisonniers nationalistes corses, Sulidarita, a appelé sur Twitter à une « mobilisation » des Corses pendant le procès. « Etant donné le contexte politique plus favorable que jamais à la construction d’une solution politique, il est impensable pour nous que ce procès se solde par de nouvelles condamnations, voire de nouvelles incarcérations », écrit l’association.
Le verdict devrait être rendu le 22 juin, au dernier jour du procès.