Les électeurs ajacciens sont rappelés aux urnes suite à l’annulation du scrutin de mars 2014 en raison d’une fraude aux procurations. Notre île enregistre le plus fort taux de chômage de la métropole. Les projets immobiliers destinés à une clientèle extérieure aisée se multiplient, tandis que le logement social est en panne. L’augmentation de la population n’est due qu’à l’immigration, toujours plus importante. La justice est inefficace, la police dure avec les faibles et faible avec les forts. A lire ces quelques phrases, on pourrait croire qu’en Corse rien n’a changé depuis quarante ans.
La vérité, c’est que si l’oppression n’a pas disparu, la volonté de s’en libérer est toujours présente, portée par le mouvement national. Il y a deux cent soixante ans, les Corses en choisissant l’indépendance et Pasquale Paoli ont prouvé au monde que, livrés à eux-mêmes, ils sont capables du meilleur. Cette conviction, aujourd’hui, il n’y a plus que Corsica Libera qui la revendique clairement avec son projet d’indépendance. Être nationaliste selon nous, ce n’est pas croire que les Corses sont meilleurs que les autres peuples. C’est croire que, comme tous les peuples dignes de ce nom, les Corses sont capables de s’assumer, d’inventer leur propre modèle et de régler les problèmes qui se posent à leur pays.
En Corse, l’État a toujours été un étranger. C’était Gênes, puis la France. Mais pendant très longtemps, cet État intervenait assez peu dans la vie quotidienne. Un autre mode de régulation sociale existait à rebours de celui de l’État : la sécurité ne venait pas du monopole de la violence légitime, mais bien de la légitimité de tous à faire usage de la violence. Un fonctionnement archaïque qui a perduré en Corse bien plus longtemps qu’ailleurs en Europe et qui a façonné, en bien comme en mal, notre culture et notre société. Pasquale Paoli, qui a voulu créer un État corse, a tenté une synthèse plutôt réussie. Dès lors la conclusion s’impose : pour que la Corse soit parfaitement en phase avec la modernité, il n’y a qu’une issue et c’est l’indépendance.
Les trois jours de janvier qui ont fait trembler la France
Ce qui a tué les journalistes de Charlie Hebdo, les clients de la supérette casher et les policiers parisiens, ce n’est pas l’islam, ni même l’islamisme. C’est le djihadisme, une hérésie pour la religion, une abomination pour la raison. Il y aura toujours des humains qui voudront tuer d’autres humains et qui seront trop heureux de chercher dans un appareil idéologique ou religieux de quoi donner du sens à leur pulsion criminelle. C’est ainsi : le mal est en nous, parmi nous, depuis toujours et pour toujours. Il est inutile et dangereux de vouloir lui donner un visage ou de chercher à déterminer son origine. Il suffit de le rejeter et de le combattre.
Il est facile, mais également trompeur, de réduire ces crimes au seul fanatisme religieux. Certes, cette dimension est évidente. Elle conditionne le passage à l’acte, lui donne surtout sa forme. Mais suffit-elle à expliquer la haine délirante, monstrueuse, qui animait les assassins ? Sont-ils des guerriers ceux qui ralentissent leur repli pour achever l’ennemi hors de combat ? Il y a là de la cruauté, de la rage destructrice, comme seuls peuvent en éprouver des êtres brutaux, mais aussi désespérés, coupés d’un monde qui les a rejetés. Dans cette affaire n’ignorons pas la révolte des réprouvés. C’est l’islam radical qui sert aujourd’hui d’exutoire. Ce pourrait être autre chose demain.
Ce qui est certain c’est que le spectacle de tout un pays haletant durant une chasse à l’homme de 48 heures avait en soi quelque chose d’aussi terrifiant que les crimes eux-mêmes. Il s’agissait de défendre la liberté, mais cela sentait la peur et la vengeance. Les deux meilleurs alliés de la dictature. Il ne faut jamais cesser de dénoncer le mensonge sécuritaire : un État tout puissant serait toujours incapable de prévenir le crime, mais pourrait bien anéantir la liberté.
Islam, immigration, intégration
Toute idée poussée à l’extrême car érigée en vérité absolue a tendance à devenir absurde et dangereuse. C’est vrai de la religion comme des idées politiques. C’est donc vrai de l’islam, comme ça l’est du christianisme, du communisme, de l’ultra-libéralisme et de tout le reste. Il y a sans doute autant de points communs entre un musulman et un djihadiste qu’entre Saint François d’Assises et Torquemada. Qui peut croire sérieusement qu’il n’y aurait plus de problèmes en Corse et en France, s’il n’y avait plus de musulmans ?
Je vous rappelle qu’en France il y a cent ans, il n’y avait pas tellement de musulmans, et on envoyait à la mort des millions d’hommes pour des motifs assez flous. Il y a deux cents ans, il y avait encore moins de musulmans, et on coupait des têtes par dizaines de milliers et on ravageait les campagnes au nom de la liberté. Et il y a trois cents ans, il n’y avait pas du tout de musulmans, et on assassinait sauvagement les protestants car ils n’adoraient pas notre sauveur d’une manière qui convenait au tyran de l’époque.
L’immigration est un problème réel, mais quel crédit accorder à ceux qui passent leur temps à la dénoncer, en accusant une gauche soit disant bien pensante d’en être à l’origine ?
Le rapprochement familial, par exemple, est une loi du gouvernement Chirac, adoptée par une majorité de droite sous Giscard. A l’époque, le patronat s’en félicitait. Et aujourd’hui rien n’a changé. Qui se pose la question de savoir comment se fabrique l’immigration légale du côté des préfectures ?
Les employeurs des «secteurs en tension» réclament des quotas de travailleurs immigrés qui accepteront des conditions de travail dont personne ne veut en Corse. Et pourtant ce ne sont pas les demandeurs d’emploi qui manquent, y compris dans l’hôtellerie et le BTP. Alors peut-on sérieusement continuer à parler de développement en défendant, comme le fait l’UMP, la construction de n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment et verser des larmes de crocodile sur l’immigration? Quant au Front National, qui s’est constitué autour des partisans de l’Algérie Française, quel aurait été le visage de la France si ce combat avait été gagné ?
Une chose est certaine : il n’y aurait pas moins de musulmans et nous ne serions pas moins exposés aux convulsions du Moyen-Orient…
Il n’en demeure pas moins que la présence d’un islam radical, rejetant toute forme d’intégration, pose un problème sérieux pour notre société qui repose sur l’idée d’une communauté unique de citoyens partageant des valeurs communes et se reconnaissant dans un certain modèle culturel et identitaire. C’est de notre point de vue la condition essentielle de la vie démocratique, c’est-à-dire de la possibilité de formuler des choix collectifs qui s’appliqueront à tous les membres du corps social sans distinction. C’est au nom de l’existence de cette communauté, de sa culture et de son identité, que le mouvement national revendique pour les Corses le droit à l’autodétermination. Cette identité dans laquelle nous nous reconnaissons n’est pas synonyme d’uniformité, mais elle est un point d’ancrage, une référence pour un certain mode de vie démocratique ouvert et tolérant. Elle est une synthèse après des siècles d’une histoire européenne où le fait religieux a été tenu à l’écart du fait politique, où les États ont fini par accepter et garantir les droits des citoyens. Elle est un aboutissement, après des décennies de négation de notre culture et de nos particularismes. Cette identité que nous revendiquons est l’affirmation de la légitimité pour les Corses d’être maîtres de leur destin, pleinement à leur place dans le concert européen des nations souveraines. Autant que le jacobinisme, l’islamisme est l’adversaire du nationalisme.
S’il est de notre devoir, en tant que démocrates, de défendre la liberté de culte et de conscience, nous avons également le droit de nous opposer aux dérives communautaristes.
Paul Leonetti
Militant de Corsica Libera, Tête de liste « Aiacciu Cità Corsa »