Les effets cumulés du clanisme, de la crise économique et de l’absence d’anticipation ont mené la Corse dans une situation critique au plan de ses finances publiques. Collectivité Territoriale de Corse, ville d’Aiacciu, Communauté d’Agglomération de Bastia, départements, particulièrement en Haute Corse, les feux sont au rouge écarlate dans tous les budgets.
Comment en est-on arrivés là ? Et, surtout, comment en sortir ?
La scène se passe en « Corepa », un de ces comités lambda qui s’activent dans l’arrière-cour des finances publiques, en l’occurrence l’exécution des crédits européens du FEDER 2007-2013. Le 31décembre, un nouveau dégagement d’office menace si les crédits ne sont pas consommés à temps. A Aiacciu par exemple, les travaux éminemment utiles de réalisation des exutoires contre les inondations qui touchent régulièrement e Canne et e Saline sont avancés et justifient d’un versement de 900.000 euros de crédits européens. Mais le 31 décembre le couperet tombera : si les travaux réalisés ne sont pas effectivement payés, la subvention sera « dégagée d’office ».
En ces temps de transition politique pour raison électorale, c’est un fonctionnaire qui gère les finances de la ville. Son constat est simple : une fois les salaires de fin d’année payés, les caisses seront vides ! Réussira-t-on à payer les travaux dans les délais ? C’est l’incertitude la plus totale, et les finances publiques de la Corse, car Aiacciu n’est pas seule dans ce cas, loin de là, sont menacées de plusieurs « dégagements d’office » pour ses crédits européens, et donc de perdre des sommes importantes, 4,5 millions d’euros, dont pourtant elles n’ont jamais eu autant besoin.
De l’Assemblée Générale du Parc Naturel Régional, qui doit faire face à un trou abyssal, au débat budgétaire de l’Assemblée de Corse, où on constate un fonds de roulement exsangue, en passant par l’audit de la CAB ou des finances du Conseil Général 2B, c’est l’embolie financière qui menace.
On a tiré sur la corde de l’emprunt au maximum, l’Etat réduit ses dotations, la machine à créer des emplois électoralistes s’emballe avant chaque scrutin, réduisant d’autant les capacités d’investissement des collectivités : les finances publiques de la Corse sont au bout du rouleau.
L’année 2015 verra les effets de cette « bombe à retardement » économique. Alors que les taux d’intérêt historiquement bas devraient encourager l’investissement, on constate au contraire un ralentissement sans précédent de la commande publique. L’économie corse en subira les conséquences à court terme car l’argent public irrigue une bonne partie du tissu économique insulaire. Les débats électoraux cruciaux de l’année 2015 seront donc sous la pression de cette crise financière des collectivités dont les exécutifs sont à renouveler.
Comment en sortir ?
A travers le prisme des finances publiques, le projet de fusion des collectivités régionale et départementales apparaît ainsi comme une nécessité de bon sens car la mutualisation des moyens sera source d’économie de fonctionnement pourvu que la nouvelle collectivité bénéficie d’une gestion raisonnable. Par exemple, la même machine à entretenir les fossés routiers pourra servir sur les deux réseaux, régional et départemental, ce qui rentabilisera mieux le parc existant. De même, les agents qui les conduisent, l’administration qui est nécessaire à ces travaux d’entretien, seront eux aussi regroupés, et, au final, plusieurs départs à la retraite n’auront pas à être remplacés. Multiplié par dix ou vingt, ces exemples amèneront à des réductions d’effectifs substantiels auxquels il faudra impérativement s’engager à procéder.
Autre réflexion de première importance : il faudra passer les organismes et les investissements publics au crible de leur véritable utilité. On se souvient du Napoléon Bonaparte, acheté « français » à grands frais aux chantiers navals de Saint Nazaire, qui, une fois drossé contre un quai, est resté immobilisé deux années entières à Marseille sans que jamais un passager, ni une voiture, ni une remorque ne restent sans être transportés. Combien sont-ils les investissements somptuaires tout aussi inutiles que l’on a réalisé, ou que l’on s’apprête à promettre, qui sont du même tonneau, tels le port de la Carbonite, et d’autres : les milliards d’euros que certains veulent y engloutir manqueraient cruellement aux projets véritablement indispensables à la Corse et qui sont sans cesse retardés comme l’approvisionnement gaz pour la production d’électricité.
Bref, dans l’année électorale qui s’ouvre, la campagne devra certes parler des sujets politiques ; mais elle devra aussi parler « gros sous », crédibilité dans la gestion publique, pertinence économique des investissements programmés, portance économique des politiques envisagées.
Femu a Corsica, aujourd’hui à Aiacciu, demain à la Collectivité Territoriale de Corse, devra incarner tout autant la rigueur du gestionnaire que le dynamisme du développement économique. Car les Corses soutiendront le changement seulement s’il leur garantit de rompre définitivement avec le clanisme et avec l’impéritie des gestions passées.
FRANCOIS ALFONSI – ARRITTI DECEMBRE 2014