L’assemblée de Corse était appelée à examiner un avenant à la DSP sur le bord à bord aérien le 4 décembre 2014. Intervention de Michel Stefani
Ce rapport est en quelque sorte la piqure de rappel d’un événement de sinistre mémoire quand la Compagnie Corse Méditerranée (CCM) concurrencée par des opérateurs « moins disant » était directement attaquée sur la desserte de bord à bord au nom de la libre concurrence. Nous avions combattu alors l’attribution de la délégation de service public à Air Littoral après le vote unanime de la Commission appel d’offre de laquelle nous avions été exclus. Nous étions en 1999 et le PDG d’Air Littoral un certain Marc Dufour s’était vu dérouler le tapis rouge.
La mobilisation salvatrice des personnels de la CCM donnera un coup d’arrêt à la procédure d’appel d’offre.
Dumping social, non respect des obligations réglementaires et autres prémices du low cost étaient déjà ressenties et nous étions peu nombreux à annoncer ce que cette logique ultralibérale allait produire au détriment de la desserte publique de continuité territoriale et des opérateurs historiques. Nous y sommes!
Dans le maritime et l’aérien à force de dire « bienvenue aux low cost » en expliquant que « le marché s’autorégule dans l’intérêt des clients pour leur offrir des tarifs compétitifs », ce sont les principes de base du service public, les opérateurs respectueux des obligations sociales, fiscales et réglementaires qui sont sanctionnés et au final des choix très couteux pour les finances publiques et désastreux pour l’emploi stable.
Le rétablissement du service public après les faillites d’Air Littoral et Air Liberté a couté prés de 10 M€ en 2004. Entre temps l’ouverture à la concurrence et la mise en place du dispositif d’aide sociale dans le maritime vont agrandir la brèche tant est si bien que la Chambre régional des comptes (CRC) dénoncera ce dispositif en le qualifiant d’illégal tout en soulignant qu’il était générateur de déficit prés de 20 M€ en 2006.
Dans ces conditions le budget de l’Office des transports de la Corse (OTC) qui était excédentaire de 40 M€ en 2002 ne l’était plus et comble de cette logique libérale Nicolas Sarkozy annoncera dans cet hémicycle que la dotation de continuité territoriale inscrite au budget de la nation, sous une ligne spécifique, serait gelée. Le président de la République estimait alors qu’il était anormal de ne pouvoir venir en Corse à 30€.
Aujourd’hui si on se préoccupe peu du « vol de la Taxe de transport » 5 M€ par les low cost, force est de constater que les ajustements se font dans l’aérien comme pour le maritime sur des reculs successifs. Dans un premier temps cela se traduit par l’augmentation du prix de coupon, ensuite la réduction des Obligations de service public (OSP), c’est l’objet du rapport, et enfin l’amélioration de la compétitivité, c’est le vocabulaire en vogue pour procéder aux suppressions de postes.
Si Air Corsica n’est pas concernée par ce dernier point en revanche ce qui se passe à la SNCM est significatif. Au demeurant, ce qui est en cause dans le maritime au sens de l’évolution de la réglementation européenne ne peut être exclu dans l’aérien je veux parler de la prise en compte dans le cadre des Délégations de service public (DSP) des pics de trafics. Ce qui est contesté à propos du service complémentaire dans le maritime peut l’être tout autant dans l’aérien avec les services supplémentaires.
Les évolutions de la déréglementation, obtenus pour beaucoup sur recours des dirigeants de Corsica Ferries France (CFF), augmentent la fragilité juridique des conventions dans l’aérien. N’importe quel opérateur low cost aérien pourrait s’inspirer de cet acharnement juridique et mettre à mal Air Corsica et même son partenaire Air France sur la desserte de la Corse. Le rapport permet d’affiner la réflexion sur l’aspect budgétaire des choses. En point d’ordre il faut rappeler que Air Corsica a été recapitalisée à hauteur de 12 M€ et que la DSP a été abondée de 11 M€ sur Paris il ya deux ans. Cela étant la concurrence low cost fait que sur les voyageurs en correspondance sur Marignane et Nice, le bord a bord, sont moins nombreux et que Air Corsica perd 65 000 titres de transport. Sur deux ans la perte de recettes est établie à 2 M€ après mise en œuvre de mesures qui en ont atténuées le volume de 2.7 M€.
Dans ce contexte il nous est proposé une modification substantielle du contrat permettant une fluctuation des capacités non plus de 3 % mais de 7 % à compensation constante. Dans le même temps est validé le principe de services hors DSP sur du point à point dont on a du mal à mesurer la limite à partir de laquelle Air Corsica ne serait pas son propre concurrent. Indépendamment de cet aspect, ses concurrents low cost ne manqueront pas de considérer qu’il y a un avantage certain procuré à fortiori en position dominante pour ne pas dire de monopole. C’est à mon sens la seconde fragilité juridique qui surgit et expose un peu plus la DSP.
Dans ces conditions ce qui est proposé n’est pas de nature à traiter la question posée au regard du choix politique générateur des difficultés à savoir l’extension de la concurrence déloyale conduite par les low cost. Or c’est bien de cela qu’il s’agit et il faut regretter que la Collectivité territoriale de Corse (CTC) n’est pas contesté les décisions de la Commission européenne lorsqu’elle a attaqué après l’avoir validé le service complémentaire maritime. Ces attaques répétées et consécutives à l’acharnement procédurier des dirigeants de CFF font qu’a présent l’une des compétences majeures de la CTC ne s’exerce plus ici, dans cette enceinte, mais à Bruxelles sous la pression ultralibérale des lobbies du transport.
Au delà de la délibération que vous nous proposez aujourd’hui et que nous voterons pour ramener Air Corsica à l’équilibre financier en 2016, il est indispensable de s’assurer de l’exercice plein et entier de cette compétence par la CTC. Cela suppose de combattre la logique ultralibérale en commençant par le maritime pour sauver la SNCM et de ce fait préserver Air Corsica de la concurrence déloyale des low cost. C’est une nécessité pour la pérennité des milliers d’emplois concernés par ce secteur d’activité pour l’avenir des compagnies SNCM CMN Air Corsica Air France, et de leurs prestataires, enfin pour le service public de continuité territoriale.