Depuis quelques années, votre association poursuit sa réflexion sur le chemin que prend la Corse et les perspectives ou les choix qu’elle entreprend pour mener à bien son développement.
Je dois vous avouer que c’est aussi une réflexion que font naturellement les élus corses, comme si au fond cette réflexion devait être une sorte de travail permanent sans cesse renouvelé, un « work in progress » à remettre sur l’ouvrage tous les mois et chaque année.
Cependant, les élus ont aussi la responsabilité, déléguée par le peuple, d’effectuer des choix et de les mettre en œuvre concrètement et pour cela, la réflexion citoyenne joue un rôle complémentaire de leur action. Notamment lorsqu’elle émane des corses de la diaspora, parce que vous disposez d’abord d’un recul souvent appréciable vis-à-vis de nos contradictions, et que vous nous apportez, ensuite, l’expérience d’autres régions, beaucoup plus peuplées, beaucoup plus urbanisées.
Alors, « Où va la Corse ? »
Je serais tenté de dire que tenant compte de son passé tumultueux, elle cherche son équilibre entre un développement maitrisé et une protection raisonnable, le tout dans un contexte économique difficile qui ne lui laisse pas une grande marge de manœuvre.
Pour autant, sur un sujet aussi sensible, je ne souhaite pas donner à mon intervention une note trop sombre. Je ne suis pas pessimiste pour notre île étant donné ses atouts. Encore faut-il les connaitre, avoir le courage de les préserver et savoir les mettre en valeur.
Vous avez proposé d’examiner aujourd’hui les interactions entre Environnement, Economie et Violence, ce que je pourrais qualifier de triptyque infernal. Dans cet esprit et de façon un peu simple, nous pouvons établir l’équation suivante autour de 3 propositions :
1) La Corse bénéficie d’un environnement exceptionnel –
2) Cet environnement est propice au développement économique touristique-
3) Ce modèle économique suscite des convoitises qui provoquent la violence.
On pourrait donc en conclure que là où l’environnement est exceptionnel, surgit la violence. Mais cela n’est pas non plus inéluctable.
En préambule, je souhaiterais rappeler que la Corse n’a pas le monopole en matière de violence liée à l’environnement. Mais il y a la violence pour préserver, et il y a la violence pour exploiter. Ce n’est pas la même chose, mais cela prouve bien leur étroite imbrication. Les derniers évènements liés au barrage de Sirvens montrent bien une fois de plus que l’environnement peut-être à l’origine de conflits d’intérêts se traduisant en violence.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement notre île, permettez-moi d’évoquer deux leviers d’action sur lesquels nous nous sommes résolument engagés depuis le début de cette mandature. Même si l’alternance politique à l’Assemblée de Corse a créé une dynamique favorable, nous savons souhaité le faire dans une démarche de co-construction ouverte à tous les groupes, et aussi ouverte aux bonnes volontés à l’extérieur de l’hémicycle, tant ces enjeux me semblent dépasser les clivages habituels pour exiger la mobilisation du plus grand nombre.
Je veux parler d’une part, de l’élaboration du PADDUC (plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), pour agir sur le rapport Economie / Environnement (et par ce biais, le Développement et le Foncier) ; et d’autre part, de la constitution d’une commission ad hoc, chargée d’analyser les phénomènes de Violence en Corse, pour comprendre leurs évolution et mettre à jour leurs interactions éventuelles avec l’Environnement et l’Economie.
Quelques mots sur la commission « Violences », d’abord.
Vous vous rappelez qu’en 2009 / 2010, au moment où je prenais mes fonctions, notre île connaissait une recrudescence inquiétante des homicides criminels, avec notamment plusieurs assassinats de personnalités qui, opérés sur un mode spectaculaire, ont fortement marqué les esprits.
Il m’a semblé alors légitime que l’Assemblée, qui est compétente pour régler par ses délibérations les « affaires de la Corse », se préoccupe de cette question, et j’ai donc organisé un débat en séance publique le 15 décembre 2010. Ce n’était certes pas le premier échange consacré à ce sujet, mais par rapport aux précédents, il s’est focalisé sur la violence criminelle, et non plus politique ou clandestine, au point qu’il nous est apparu nécessaire de lui apporter, cette fois-ci, un prolongement.
Une commission a donc été constituée à la proportionnelle des groupes, j’en assume la présidence avec le souci constant d’entretenir un climat d’unanimité pour donner plus de forces à cette démarche et démentir ceux qui se complaisent dans le fatalisme.
Dans un premier temps, nous avons procédé à un état des lieux en auditionnant, en écoutant, en rencontrant celles et ceux qui agissent sur le terrain, ou dont les analyses pouvaient nourrir utilement nos réflexions : magistrats, autorités de l’Etat en les personnes du Préfet et du Procureur, policiers, historiens, sociologues, journalistes, criminologues, association de lutte contre la violence faite aux femmes, association de lutte contre la drogue, association Corte 96 qui étudie la problématique sous toute ses formes depuis de nombreuses années, et Jean François Bernardini qui est avec nous aujourd’hui ( ???).
Un rapport d’étape a été élaboré, soumis à l’assemblée et approuvé par elle à l’unanimité en mars 2012. Ce document parle d’abord de la Violence comme un phénomène multiforme, dont les mécanismes sont d’autant moins cernés qu’ils s’avèrent actuellement en mutation. Il identifie ensuite plusieurs dérives potentielles susceptibles d’alimenter, voire d’amplifier la violence : la pénétration de l’économie par l’argent sale, la spéculation immobilière et –sans faire bien sûr un amalgame douteux- la précarisation croissante de la jeunesse. Il en appelle, enfin, à un sursaut collectif des différentes institutions, chacune dans ses domaines de compétences, en misant également sur la mobilisation de la société, de façon à sortir d’un climat d’impuissance collective.
Dans une deuxième phase, qui est toujours en cours, la commission a souhaité dialoguer avec la jeunesse avant d’aborder le rôle des milieux sportifs et culturels puis la criminalisation de l’économie.
Nous sommes allés pendant plus d’un an à la rencontre des élèves de nombreuses classes de terminale de différentes villes de toute la Corse afin de les laisser s’exprimer sur leur sentiment et leur façon de ressentir la question de la violence, et nous allons bientôt organiser une journée de restitution. Nous avons lancé un concours à destination des jeunes afin de lancer une campagne contre le port d’armes en Corse qui devrait prendre son essor dans le courant 2015. Un nouveau rapport d’étape sera donc soumis à l’assemblée l’année prochaine sur ces sujets.
Certains continuent à se demander –et ils en ont le droit- ce qu’une assemblée régionale peut faire en intervenant dans un domaine qui est celui de l’Etat régalien, où agissent des bandes criminelles sur lesquelles nous n’avons guère de prise. Pour ma part, je suis convaincu que c’est une vision archaïque du problème : l’entrisme de la violence organisée sur notre économie est devenu tel qu’il menace notre vie quotidienne et le devenir de la société. Nous avons le devoir d’agir, fût-ce dans les limites de nos moyens respectifs, de façon à provoquer une prise de conscience.
Oui, la violence en Corse est un phénomène complexe et multiforme qui a largement débordé de ses représentations habituelles, phénomène dans lequel se juxtaposent des niveaux d’intensité différents et des évolutions contradictoires dont les composantes sont parfois méconnues, qu’il s’agisse de l’action des groupements clandestins, de la grande criminalité, de la petite délinquance ou des violences privées.
En ce qui concerne l’action des groupes clandestins, il faut signaler qu’elle a diminué de façon spectaculaire avec l’annonce en début d’année ( ???) du dépôt des armes par les organisations indépendantistes. C’est une bonne chose et je m’en félicite.
Oui, la Corse est devenue un terrain propice et idéal pour une économie de la spéculation et il ne faudrait pas grand-chose pour qu’un nouveau cycle de violence reprenne ! La Corse est, si je puis dire, « sous-exploitée », une terre encore vierge à bien des égards, attirant la convoitise des spéculateurs. Cette situation peut engendrer de fortes tensions, que ce soient des affrontements pour établir ou imposer un pouvoir économique ou des pressions sur des élus qui n’ont d’autres choix que de céder.
Cette avidité a de surcroît des conséquences perverses, plus ou moins immédiates : difficultés croissantes chez la population permanente pour se loger (ne pas avoir de toit ou de métier facilite la dérive dans la délinquance puis la criminalité) et menaces accrues sur la destruction de notre environnement naturel. Autant de risques qui alimenteront un « réservoir de main d’œuvre » pour la criminalité organisée.
Peut-être, me direz-vous, la violence en Corse est-elle affaire de cycle ?
Pendant quelques années au début des années 2000, la situation semblait revenir sinon au calme, du moins à l’apaisement : les attentats étaient en voie de quasi-disparition tandis qu’au niveau de la violence ordinaire, la Corse semblait relativement mieux préservée qu’ailleurs.
Pourtant, la criminalité est aujourd’hui revenue au premier plan à partir de 2009: les règlements de compte se sont accumulés, selon un mode d’action cherchant visiblement à frapper les esprits ; la consommation de drogue n’a cessé de s’amplifier, et le port d’armes, de se banaliser. Quant aux diverses formes de pressions politiques, économiques ou plus simplement relationnelles, elles interfèrent dans la vie quotidienne d’une part croissante de la population.
Sans doute, ne convient-il pas de dramatiser cette situation : nombre de régions sur le continent comme dans les pays voisins subissent ces fléaux en bien plus forte intensité ; alors que dans le même temps, la Corse réussit à conserver une identité culturelle, des valeurs humaines et des solidarités de proximité qui l’aident à gérer ce type de tensions.
Cependant, la Corse aura connu ces trente dernières années un volume considérable d’actions violentes de tous ordres, au point d’imprégner l’environnement ordinaire de plusieurs générations.
Restant fragile dans son tissu économique et social, souffrant des conséquences d’un mal développement persistant, devenant perméable aux déviances générées par le modèle dominant des sociétés modernes, et convoitée par des systèmes spéculatifs sans scrupules, elle risque à court terme de subir d’autres formes de dérives et de dégradations. Compte tenu de l’augmentation exponentielle des enjeux, de tels phénomènes montent rapidement en charge, au point de constituer une menace grave pour la population, pour ses acteurs économiques, pour les générations à venir et même, pour la démocratie locale.
L’exemple de régions riveraines au nord de l’arc méditerranéen, sur le littoral espagnol, italien ou français qui sont soumises à une spéculation immobilière effrénée, au racket économique systématisé, ou à l’enlisement d’une part croissante de leur population dans la précarité doit donc nous inciter à agir sans tarder pour enrayer ce type d’évolution.
Peut-être, penserez-vous aussi, que la violence est en Corse une réalité culturelle ?
Mon expérience d’élu, mon engagement d’acteur public, m’incitent pourtant à affirmer ici que cela n’est pas vrai. La violence, dans notre île, est plus simplement la traduction dans notre réel d’un rapport de force : autrefois celui imposé par un système oppresseur et injuste, aujourd’hui celui intégré par certains pour obtenir un avantage ou un gain au détriment de quelqu’un d’autre, parce que notre modèle économique est celui d’une société qui a fait du fric et de la réussite financière l’alpha et l’oméga de son projet. Le contexte d’ensemble de notre société favorise un modèle économique et social dominant fondé sur l’individualisme et la consommation ; en raison du rôle croissant de l’argent, il valorise comme rarement par le passé la réussite matérielle ; encourageant le « tout, tout de suite », et incitant chacun à retirer
un profit maximum et immédiat.
Pour comprendre la violence en Corse, il faut d’abord batailler avec les clichés et les stéréotypes.
L’essentiel vient de là : spéculation immobilière, marchés publics, drogue.
Tout le monde ou presque se met d’accord sur la principale source de la violence : la spéculation foncière, la terre transformée en magot dans le cadre d’une économie de rente basée sur la monoactivité touristique et la promotion immobilière pour des millionnaires. –
C’est la raison pour laquelle nous devons redéfinir un ensemble de valeurs fortes sur lesquelles notre jeunesse pourra s’adosser afin de délaisser les comportements violents.
En 2014, l’actualité de la Corse, et c’est appréciable, a marqué une pause dans la violence criminelle : cette pause peut-être provisoire, comme il peut s’agir des prémices encourageants d’un reflux. En tout cas, la pérennité de notre Commission, relayée aujourd’hui par d’autres initiatives dans la société, contribue à modifier le climat initial de fatalisme et de résignation. Quant à la mobilisation des services de police et de justice, à travers la nouvelle circulaire pénale et le renforcement des moyens, sans doute porte-t-elle ses premiers fruits.
Je veux voir dans cette amélioration, une incitation à poursuivre, voire à amplifier, notre action collective.
J’en viens, ensuite, au PADDUC comme instrument de régulation entre l’Economie et l’Environnement.
Au centre des convoitises actuelles, nous l’avons vu, il y a l’environnement.
La CTC détient des compétences étendues en matière d’aide à l’économie, au tourisme et à l’agriculture, dans le domaine du logement, et pour préserver l’identité culturelle et écologique de notre île. Je vous donnerai plusieurs exemples des politiques mises en œuvre au quotidien pour avancer sur tous ces sujets, et qui s’efforcent bien entendu de concilier ces impératifs de protection et de développement.
Elle a reçu mission, surtout, d’élaborer un Plan d’Aménagement et de Développement Durable, le fameux PADDUC, qui vise à concilier des objectifs de développement et de préservation au service d’un projet de société, à l’échelle de la Corse entière mais qui parvienne aussi à organiser les axes de localisation des équipements et des activités.
Certains ont voulu interpréter cette compétence a minima, préférant ne pas brider l’activité économique, notamment dans le secteur du tourisme. D’autres, et je m’honore d’en faire partie, estiment au contraire que malgré les difficultés de l’exercice, le PADDUC est l’occasion de définir nous-même des règles de protection que personne à l’extérieur ne viendra poser pour nous, et ce faisant, de chercher une conciliation originale, en tout cas intelligente, entre ces enjeux.
Dans cet esprit, le PADDUC va bien entendu mettre en cohérence les interventions de la CTC, comme il aura vocation à servir de base contractuelle aux partenariats apportés par l’Etat et par l’Union européenne. Mais il servira aussi de cadre à la planification des sols au niveau communal, et de référence commune à l’ensemble des acteurs de la société.
Sans prétendre le réduire aux seuls enjeux qui nous intéressent ici (il contient, par exemple, une charte de lutte contre la précarité), permettez-moi de souligner qu’une de ses orientations fondamentales consistera à sortir la Corse d’une économie de la rente. Economie de la rente, qui favorise, j’y reviendrai, les comportements spéculatifs, les inégalités et les convoitises.
Une approche volontariste des politiques régionales permet, déjà, de progresser dans le rééquilibrage Environnement / Economie.
L’honnêteté consiste à reconnaître que tout ne date pas de cette mandature, et que l’Assemblée de Corse a dès sa création su mettre en œuvre des réponses appropriées.
Concernant l’environnement, je citerai notamment l’action continue de l’Office de l’Environnement de la Corse, qui a consisté à ne pas « mettre sous cloche » les zones naturelles emblématiques, mais, dans l’esprit impulsé par le Parc Régional, intégrer les activités humaines. Etablissement public de la collectivité territoriale de Corse, il est chargé d’assurer la protection, la mise en valeur, la gestion, l’animation et la promotion du patrimoine naturel de la Corse (protection et gestion des espaces et des équilibres naturels, des espèces végétales et animales, des milieux aquatiques et marins ; prévention contre les incendies ; lutte contre les pollutions et les nuisances ; et sensibilisation et l’éducation à l’environnement).
Enfin, je pourrai évoquer la mise à niveau des infrastructures publiques, routes et réseaux d’eau et d’assainissement, nécessaires au maintien des populations dans le rural ; autre exemple, un plan énergétique qui valorise les ressources naturelles ; le plan interdépartemental d’élimination des déchets ; ou encore, un système d’aides à l’économie que l’on pourrait qualifier de saupoudrage mais qui a permis, c’est vrai, de conserver un tissu de petites entreprises sur tout le territoire.
Pour autant, j’ai la faiblesse de penser qu’une approche volontariste, telle que nous l’avons engagée aujourd’hui, donnera aux outils d’intervention publics davantage de valeur ajoutée, pour en faire des instruments de régulation.
Nous avons été à l’initiative de la création d’un office foncier.
Afin de placer l’homme au cœur de toute politique de Développement, un Observatoire du Développement Durable de Corse a été créé. Il a pour objectifs de contribuer à la connaissance de l’environnement en Corse, à la promotion du Développement Durable, à l’aide à la décision et à l’évaluation des politiques publiques.
Cet outil est piloté par l’Etat et la Collectivité Territoriale de Corse
L’Observatoire du Développement Durable de Corse est un lieu de travail et d’échange entre les acteurs régionaux. Sa mission s’accomplit au travers de trois axes d’actions : collecte, diffusion et compréhension.
• Optimisation des moyens mis en œuvre au niveau régional pour la connaissance et la gestion des données (collecte) ;
• Optimisation des échanges et de l’utilisation des données par les partenaires (diffusion)
• Réalisation de documents de synthèse pour une vision globale (compréhension).
Il s’agit avant tout, dans une stratégie qui traite de manière intégrée les aspects économiques, environnementaux et sociaux, de procéder à la collecte, au traitement et à la diffusion de données, informations, initiatives développées pour répondre aux défis majeurs tels que le changement climatique, la préservation de la biodiversité, les énergies renouvelables, la gestion des ressources naturelles, mais aussi la gouvernance.
Quant à l’économie, vous le savez, la Corse souffre de posséder une économie très peu productive longtemps marquée par l’agriculture et l’élevage. Elle est aujourd’hui à forte dominante tertiaire : services rendus aux particuliers et commerces. Peu productive, c’est une économie de consommation fortement dépendante de l’extérieur. La maîtrise des transports et des prix y joue donc un rôle primordial.
Malgré la modernisation du tissu et le développement des services à valeur ajoutée, le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant reste le plus faible de France métropolitaine. Son taux de croissance suit cependant la moyenne nationale. Ce faible niveau de valeur ajoutée a deux raisons principales : une proportion d’un actif pour deux inactifs et une faible productivité. Le PIB par habitant reste en Corse en deçà de la moyenne des régions françaises de province.
La répartition sectorielle de la richesse produite se distingue de l’ensemble des autres régions. Ainsi, le tertiaire marchand occupe une place prépondérante, grâce notamment aux activités liées au tourisme. La construction est un autre pilier de l’économie. A l’inverse, le tissu industriel est très restreint. Enfin, les services administrés ont un poids supérieur à toutes les autres régions.
L’agriculture quant à elle, ne représente que 2% du PIB de l’île. Nous continuons à importer la plupart des denrées consommées localement.
L’artisanat est en revanche très présent en Corse. Le nombre d’entreprises artisanales rapporté au nombre d’habitants place l’île en tête des régions françaises.
En Corse, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories s’établit à 20 890 fin septembre 2014. Ce nombre a augmenté de 12,8% sur un an lorsqu’en France métropolitaine, le nombre de demandeurs d’emploi a cru de +5,7% en un an.
Enfin, je ne saurai oublier que notre île est devenue championne de France, ex aequo avec la région parisienne, pour ce qui est des inégalités de revenu : conséquence d’un modèle de développement qui enrichit une minorité profitant moins de son investissement propre que d’un effet d’aubaine, au détriment de la majorité qui ne cesse de s’appauvrir, du fait du renchérissement des prix du foncier, du logement, des prix à la consommation et de la systématisation des emplois saisonniers, peu qualifiés ou précaires.
Certains ont cru, sans doute de bonne foi, que le tourisme et l’économie résidentielle, consommatrice de foncier, génératrice de déséquilibres économiques et sociaux, pourraient être la solution. L’expérience ici comme ailleurs nous a prouvé le contraire. Nous devons trouver de nouvelles solutions de développement. C’est pour cette raison qu’un Plan de développement (le Padduc) est en voie d’adoption après avoir été longuement muri. Il est urgent de le mettre en place. Je voudrais vous en expliquer la genèse et le contenu.
le PADDUC : ce sont des moyens publics au service d’un développement plus juste et plus équilibré.
La Corse dispose enfin de son Plan d’aménagement et de développement durable.
Rôle du PADDUC : délimiter les espaces remarquables pour l’environnement, et les terres à potentialité agricole = préserver des ressources considérables pour l’avenir (ex. utilisation des algues sur la bande littorale) mais aussi les mettre à l’abri de la spéculation ; sans figer le territoire pour autant (notion d’espaces mutables).
Dans le prolongement de l’organisation des Assises du foncier et du logement, puis celles du littoral, au terme de trois années de travaux, les élus ont examiné 183 amendements avant de se prononcer très majoritairement sur ce dossier. La Conseillère exécutive Maria Guidicelli a piloté ce processus avec d’autant plus de mérite, que durant 30 ans, la rédaction d’un tel document s’était heurtée à de nombreux blocages accentuant la complexité du dossier. La plupart des objections ont été levés par la méthode démocratique de la concertation élargie et la bonne compréhension politique des choses.
La patience pédagogique de Maria Giudicelli aura porté ses fruits.
Mais à quoi servirait de parler de développement et d’aménagement équilibrés du territoire en perdant de vue l’urgence sociale. L’analyse du questionnaire réalisée en juillet 2012, à partir des 3 700 réponses recueillies, permet ainsi de tirer plusieurs enseignements relatifs aux attentes exprimées. L’emploi est la préoccupation qui, avec le logement, revient le plus fréquemment.
Ce PADDUC permet de
réorienter la politique économique et sociale de la CTC en faveur d’un développement productif agricole et industriel, social et solidaire, de rompre avec l’économie de la rente pour répondre aux besoins des Corses en générant des emplois stables et rémunérateurs, mais aussi de s’attaquer à la pression spéculative et aux dérives affairiste et mafieuse qui en découlent.
Telle est l’ambition de ce PADDUC. Elle doit être, dès à présent, partagée et promue par les citoyens eux-mêmes pour devenir effective dans le temps. De cette façon seulement, le lien social qui se délite dans le libéralisme et la crise qu’il génère et entretient, se renforcera dans l’épanouissement de la personne en valorisant sans exclusive son identité sa culture et son patrimoine.
Une charte de lutte contre la précarité représente de fait le trait d’union indispensable entre le développement économique et le développement humain, au même titre que l’Economie sociale et solidaire (ESS) qui trouve toute sa place dans ce PADDUC, comme le tourisme social.
Opposable aux tiers, le PADDUC chapote les différents documents d’urbanisme locaux, il n’en est pas moins respectueux du principe de libre administration. Il allie à la fois développement et préservation. Cette souplesse laisse la possibilité, non pas de déraper mais de disposer d’un document de planification régionale qui doit être traduit localement. Il permettra aux collectivités locales de favoriser le développement de leur territoire et de contribuer au développement régional. Partant de là, les communes, trop souvent dépourvues de documents d’urbanisme pourront élaborer les leurs sans détour avec l’assistance technique de l’Agence d’aménagement et d’urbanisme de la Corse créée en partie à cet effet, et l’action de l’Office foncier de la Corse.
Par son contenu et notamment avec ces outils, le PADDUC ouvre une perspective nouvelle pour les Corses et pour la Corse.
Je conclurai donc en affirmant que l’environnement constitue un capital incomparable, la seule richesse réelle d’une île dépourvue de matière première, et que c’est sa préservation qui positionnera la Corse dans l’économie moderne.
Nous ne voulons pas sortir d’une situation de « mal-développement » par un « non développement ». Nous avons l’ambition d’asseoir le développement économique et social autour de la protection de l’environnement naturel et culturel, comme source d’activités innovantes, dans les domaines des énergies renouvelables ou des industries propres, ou de qualité, avec un tourisme respectueux de nos équilibres et une agriculture productive. Nous avons la volonté de conserver cette richesse au service de tous, population résidente ou saisonnière, riches et pauvres, générations actuelles et à venir, plutôt que de la laisser accaparée par le profit immédiat de quelques privilégiés. Et nous avons la conviction qu’avec ce modèle de société, en sortant l’environnement des convoitises et de la spéculation, en proposant à la jeunesse les moyens de son épanouissement, nous contribuerons à faire reculer la violence criminelle.
INTERNENTION de Mr DOMINIQUE BUCCHINI prononcé devant l’Association des Corses de Marseille et des Bouches du Rhône.
Samedi 29 Novembre