Référendum en Catalogne le 9 novembre : vote sans précédent sur l’indépendance organisé par l’exécutif de la Generalitat de Catalunya, malgré l’interdiction de Madrid. Plus de 2,5 millions de Catalans ( sur un corps électoral de 5, 4 millions d’inscrits) se sont exprimés sur la question de l’indépendance nationale à l’occasion d’un vote sans valeur légale, dimanche.
L’objectif de 2 à 3 millions de votes a été atteint. En soirée, Artur mas a interpellé le gouvernement espagnol. «Nous voulons nous gouverner nous-mêmes. Nous sommes suffisamment matures pour le faire.» Les électeurs indépendantistes se sont fortement mobilisés. Ils étaient 1,7 million à voter pour leurs partis lors d’élections régionales en 2012.
En réaction Madrid par le ministre de la Justice Rafael Catala à Madrid a qualifié ce vote d’acte «de propagande stérile et inutile» dès la clôture du scrutin.
Mais ce vote constitue un camouflet pour le chef du gouvernement conservateur montrant que le peuple catalan “veut voter sur l’indépendance.». «Nous souhaitons envoyer un message puissant au monde entier: cette société catalane souhaite décider de son avenir politique et nous avons le droit de le faire, comme toutes les nations du monde, a-t-il poursuivi. Nous allons lutter durement, fièrement et pacifiquement pour pouvoir terminer ce processus politique.»
Pour les Catalans plus âgés, ce vote avait un cachet particulier. Pour Gemma Bierge, baissant le ton comme par reflexe conditionné : «C’est très émouvant. J’ai vécu la dictature de Franco. Mon éducation s’est faite en espagnol et j’ai appris sur le tard, dans la quarantaine, à bien écrire le catalan. Ce n’est pas qu’économique, ce désir d’indépendance. Nous avons vécu l’oppression.». Pour Jaume Rocose, poète de 90 ans : «Plusieurs Catalans ont rêvé de voter sur la question de l’indépendance, mais ils sont décédés avant de pouvoir le faire. J’ai une pensée pour eux», récitant quelques vers à la gloire d’une Catalogne libre.
Durant les derniers jours, Omnium Cultural et l’Assemblée nationale catalane, principaux groupes derrière la mobilisation citoyenne, ont redoublé d’efforts pour rassurer les électeurs par rapport au déroulement de la consultation. Car en votant, les Catalans ont ouvertement défié l’autorité espagnole et la suspension de ce scrutin par le Tribunal constitutionnel.
Des électeurs de tous âges, avec ou sans enfants, ont formant des queues dépassant parfois le kilomètre à Barcelone devant les bureaux de vote, après une ouverture inhabituelle sous les applaudissements. Selon Afons Civit, arrivé une heure et demie avant : «On s’est fait dire que la police pourrait fermer les bureaux de vote. Donc, on s’est présentés en grand nombre ce matin pour tenter de les garder ouverts le plus longtemps possible en négociant avec les policiers».
Les policiers ne se sont finalement pas interposés, si ce n’est pour interpeller cinq personnes venues perturber le vote dans un bureau de Girona, dans le nord de la Catalogne.
Beaucoup considéraient qu’il s’agissait d’une journée «historique», car ils réclamaient depuis des années le droit de s’exprimer sur ces deux questions: «Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat? Si oui, Voulez-vous qu’il soit indépendant».
La consultation, se voulant crédible, faisait l’objet d’un double enregistrement des votants, même s’il n’y avait pas d’isoloir.
Les indépendantistes représenteraient près de la moitié des 7,5 millions de Catalans, ( récent sondage).
S’appuyant sur l’exemple du référendum écossais, Artur Mas a pris le risque d’organiser cette consultation sans commission ni listes électorales en dépit de son interdiction par le tribunal constitutionnel saisi par le gouvernement.
Objectif: un référendum définitif
«Nous allons essayer de convaincre les gens à Madrid, après ce 9 novembre, que les Catalans ont droit à un référendum avec ses conséquences politiques, comme les Ecossais (…) et les Québécois. Pourquoi pas la Catalogne ?», a déclaré le président Artur Mas après avoir voté.
Les Ecossais ont dit non à l’indépendance le 18 septembre, les Québécois de même en 1995.
Les votants étaient également invités à signer une pétition adressée notamment aux Nations unies pour dénoncer l’atteinte à leur droit de décider de leur avenir politique.
Le gouvernement espagnol soutient que la Constitution ne permet pas aux régions d’organiser de référendum sur une question concernant tous les Espagnols.
A deux reprises, les juges ont ordonné, à sa demande, la suspension des préparatifs du scrutin, et en particulier l’utilisation des moyens de l’Etat, même s’il implique surtout 40.000 bénévoles. «Le responsable c’est moi et mon gouvernement», a déclaré Artur Mas, assumant ouvertement le risque d’être poursuivi.
Après avoir tenté de l’empêcher, le chef du gouvernement Mariano Rajoy a finalement minimisé l’importance de cette consultation, déclar&nt vant l’ouverture du scrutin. «Ce n’est ni un référendum, ni une consultation, ni rien qui y ressemble (…) Ce qui est certain, c’est que cela n’aura aucun effet».
Beaucoup d’électeurs sont allés voter comme s’ils se rendaient à une fête. « Ce scrutin n’a pas d’effet immédiat, mais à la longue son importance sera historique », (électeur)
Le conflit avec Madrid ne cesse de s’aggraver depuis qu’en 2010, le tribunal constitutionnel a amendé, en rognant certaines prérogatives de la Catalogne, un « statut d’autonomie » en vigueur depuis 2006 accordant de nouvelles compétences à la Catalogne et la reconnaissant en tant que «nation».
La région frappée par la crise et produisant un cinquième du PIB de l’Espagne a ensuite exigé le droit de recueillir et gérer les impôts, sans succès.
Artur Mas (CiU, conservateurs) s’est alors rapproché des indépendantistes de gauche (ERC et autres), jusqu’à promettre un référendum dès 2012.
Pour ses opposants «C’est totalement artificiel (…) pour détourner l’attention» d’autres problèmes notamment la corruption.
A Barcelone, des groupuscules d’extrême droite, ont brûlé un drapeau catalan, au nom de l’Espagne des patriotes, arborant le symbole des «Falanges», le mouvement franquiste.
Artur Mas souhaite maintenant convertir ce résultat en rapport de force avec Madrid pour négocier un référendum. S’il n’y parvient pas, il pourrait envisager la tenue d’élections plébiscitaires hâtives portant explicitement sur la question de l’indépendance.