L’affaire di a bandera prend une proportion folle et déchaîne les passions. Elle est en fait un point de cristallisation de tout un processus de stigmatisation des Corses qui ne peut nous conduire qu’à de graves développements si l’on n’y met pas terme.
Il y a cet arrêté complètement fou d’un préfet des Alpes Maritimes qui, prévenant les probables débordements d’un derby, au lieu d’en anticiper les causes et les effets, va au contraire allumer la mèche… Qu’est-ce qui passe par la tête de M. Adolphe Colrat lorsqu’il ordonne pour interdire tout supporter bastiais à Nice, qu’aucun signe distinctif de l’identité corse puisse être vu dans et aux abords du stade ? Est-ce la bêtise ou la haine qui le motive ? Il en oublie ses responsabilités et déclenche l’indignation des Corses de toutes tendances. Le Sporting anticipe heureusement, et porte plainte avant le match. Le tribunal bien évidemment lui donne raison, le préfet se ravise, probablement sermonné par sa hiérarchie, et modifie son arrêté, tandis que le tribunal le condamne à payer un dommage de 500 euros au club bastiais. Chì schjaffu !
Justice rétablie, le match pouvait avoir lieu dans de meilleures conditions, mais toujours hors la présence de supporters corses… Pour marquer leur désapprobation, les joueurs du Sporting s’échauffent, comme à l’accoutumée avec le maillot qui a porté le club en finale de coupe européenne bardé d’une large testa di moru sur la poitrine, mais cette fois – message au ridicule de M. Colrat – scotchée d’une croix rouge pour signifier la stupidité de son premier arrêté. Ils ont avec eux a bandera mora et la brandissent pour la photo traditionnelle.
Le match se déroule, tendu compte tenu de l’enjeu d’un derby, les Bastiais sont les plus opportunistes, la défense est héroïque et Floyd Ayité transforme l’une des rares occasions des bleus face à des Niçois dépités par la stérilité de leurs attaques. Bastia remporte sa première victoire à l’extérieur de la saison après une série d’incertitudes, mais surtout ce derby magnifique entre les deux clubs, qu’elle n’avait plus remporté depuis 20 ans !
C’est alors que tout s’enchaîne. Les joueurs se congratulent au coup de sifflet final, les remplaçants du banc de touche vont féliciter leurs camarades et Jean Louis Leca emporte avec lui par fierté, tout à sa joie de la victoire, et à sa hargne pour ce qui a terriblement marqué les joueurs bastiais avant la rencontre, a bandera mora ! Un geste que l’on voit régulièrement sur tous les stades du monde, au football, mais aussi rugby, athlétisme, basket, handball, in fine dans tout sport…
Est-ce la joie ou a bandera des Bastiais qui enrage le capitaine niçois Digard ? L’amertume de la défaite le fait réagir bêtement en venant interpeller le portier bastiais, alors que Jean Louis tenait le drapeau par la main et ne le brandissait déjà plus. C’est à ce moment là que quelques supporters niçois se sont sentis « autorisés » à envahir la pelouse pour aller « casser du Corse »… Le tout, devant des stadiers complètement amorphes pendant de longues minutes. L’échange de coups est inévitable entre joueurs bastiais en sous-nombre et ces énergumènes qui ne peuvent être qualifiés de supporters.
Les choses entrent dans l’ordre au bout d’un moment et c’est là que « l’affaire politique » commence…
Leca au pilori des jacobins !
Les premières réactions des dirigeants de l’OGC-Nice, de la ville, Christian estrosi en personne, et la caste des journaleux, se déchaînent, non pas pour déplorer l’attitude de ces énergumènes, mais pour stigmatiser Jean Louis Leca, accusé d’être un « provocateur ». Le comble !
La suite, vous la connaissez, mais pour bien en comprendre l’origine, il faut remonter à un peu plus loin que l’arrêté du pauvre et stupide M. Colrat.
Depuis des années, le Sporting est stigmatisé : arrêtés, déclarations tonitruantes de responsables de la LFP, et même de ministres (!!!), désinformation du public (les 8 gendarmes soignés pour acouphènes, transformés en 44 policiers blessés), sanctions disproportionnées contre les joueurs du Sporting ou le club lui-même ou ses supporters, jusqu’à déprécier un terrible drame qui a coûté la vie à 18 personnes et en a blessé 2357 autres…
La « mise en condition » est instillée peu à peu dans les têtes et c’est elle qui provoque la violence qu’on constate aujourd’hui. L’objectif est de faire en sorte qu’elle vienne des Corses. Mais c’est raté, à Nice, ce sont les Bastiais qui en sont les victimes ! Et ça dérange bien sûr, alors il faut incriminer Jean Louis Leca, qui a osé afficher son identité. Car tout cela se produit sur un fond jacobin puissant depuis des mois qui ne supportent pas ce particularisme si fièrement brandi, depuis l’Assemblée de Corse dans des délibérations à de larges majorité, jusque dans les stades de foot : la Corse existe et elle le dit ! Pour un jacobin, c’est insupportable.
Qui instille la haine et conduit à toute cette violence dans les stades si ce n’est la LFP ? Car, quand il y a des règles justes, appliquées de manière juste, de la même façon pour tout le monde, il n’y a pas de contestation possible. Le grand public est canalisé, les clubs et les joueurs s’y plient. Les arbitres sont respectés. L’affaire Cahuzac est emblématique sur ce point. Face à Nantes, l’arbitre M. Chapron (dont on sait l’antipathie notoire qu’il nourrit envers le Sporting) siffle un pénalty discutable et le capitaine des bleus veut s’en expliquer avec lui. Sans violence, il lui touche le bras pour lui parler… Carton rouge, le joueur est expulsé.
L’autorité d’un arbitre ne doit pas être contestée sous peine de perdre sa légitimité dans la rencontre. Soit. Il est seul à pouvoir juger et peut se tromper. Soit. Le problème, ce sont les consignes que la LFP donne à ses arbitres en amont, et, surtout, la suite qui est donnée à leur décision, qui consacre leur « intouchabilité » en aval. Lorsque ces décisions du terrain sont contestables, elles pourraient être « invalidées » de fait par la clémence au lieu d’accentuer encore l’injustice. Le geste de Cahuzac méritait-elle l’expulsion ? Peut-être. Mais certainement pas les 5 matchs de suspension ferme qui pénalisent injustement le joueur et son équipe. La LFP et la FFF stigmatisent par leurs décisions successives les clubs corses et mettent ainsi « en condition » les arbitres, les clubs et les publics adverses. Les médias en rajoutent et les préfets s’y mettent ! Pas étonnant qu’il arrive ce qui est arrivé à Nice où le fait qu’un joueur laisse éclater sa joie est insupportablement vécu, et porte des « crétins » à se sentir autorisés à agir !
C’est dans cette ambiance profondément jacobine, pour ne pas dire anti-corse, que les choses se déroulent. Et, s’il n’est pas mis un terme très vite à ce genre de dérives, qui acculent d’un côté les Corses, de l’autre conditionnent ceux qui les affrontent sur le terrain, des drames seront constatés. Il est temps, grand temps de faire un aggiornamento au sein des instances du football français, et, au-delà, dans les arcanes mêmes de la République !
Fabiana Giovannini
Elue Femu A Corsica Assemblée de Corse