Rester dans un cadre légal ou entrer en désobéissance civile ? Tel est le dilemme des nationalistes catalans, partagés entre Convergència Democratica, le parti du Président de la Generalitat, Artur Mas et Esquerra Republicana di Catalunya, le parti dirigé par Oriol Junqueras, qui est aujourd’hui devenu « numéro un » en Catalogne.
Manifestement l’obstination négative du gouvernement espagnol, avec l’appui d’un très large consensus espagnoliste à Madrid, est parvenue à dérégler la machine référendaire catalane que l’immense manifestation populaire du 11 septembre 2014 avait pourtant puissamment lancée.
Ce lundi, l’Exécutif de la Generalitat, qui avait promulgué la décret référendaire suspendu par la Cour constitutionnelle espagnole, a décidé de ne pas engager un bras de fer le 9 novembre prochain. Artur Mas l’a déclaré : « il y aura une consultation le 9 novembre, mais elle ne sera pas fondée sur le décret ». Pour se justifier, Artur Mas a fait la comparaison avec l’attitude à avoir face à une vague déferlante : plonger et la laisser passer, ou bien l’affronter et risquer d’être emporté ? Or le referendum programmé devait faire face à des problèmes colossaux d’organisation : listes électorales non encore établies, policiers et fonctionnaires risquant d’être empêchés de collaborer à l’organisation du scrutin, etc…
Les partisans du bras de fer avec Madrid ont manifesté leur déception. Ainsi, avant même le discours d’Artur Mas, après l’échec de la réunion entre les partis engagés dans le référendum, Oriol Junqueras déclarait : « Le gouvernement espagnol a mis tous les obstacles possibles afin d’éviter que les catalans puissent voter. De son côté, désormais, le gouvernement Catalan s’engage dans un nouveau scénario de consultation, qui ne peut être un substitut crédible au référendum populaire. » Puis ERC publiait un communiqué dans lequel la gauche catalane déclarait vouloir « aider malgré tout le gouvernement [catalan] car il faut profiter de toutes les occasions pour dénoncer la nature et l’attitude du gouvernement espagnol ».
Le mouvement catalan est également le fait d’une « troisième composante », la société civile, totalement engagée dans le processus à travers des associations puissantes comme Omnium, sans doute la plus importante association d’Europe par le nombre de ses adhérents, et par l’Assemblée Nationale Catalane, structure très impressionnante dévolue à l’organisation du processus d’autodétermination, qui avait notamment organisé la manifestation monstre de Barcelone le 11 septembre dernier.
Pour ces mouvements de la société civile, l’union est une priorité permanente, et, pour tout parti nationaliste, porter la responsabilité de la briser serait lourd de conséquences. Dès lors, la journée du 9 novembre sera probablement en demi-teinte par rapport à ce que les manifestants du 11 septembre avaient pu espérer. Mais ceux qui imagineraient à Madrid que la question catalane est refermée en seront eux aussi pour leurs frais.
Bien au contraire, ERC a d’ores et déjà annoncé l’agenda pour les mois à venir, à travers la déclaration de son Président Junqueras : « Nous devrons construire une majorité parlementaire suffisante pour voter une Déclaration [unilatérale] d’Indépendance et la faire approuver ensuite, afin d’initier le processus d’une Constituante pour la République catalane. »
Comme en Ecosse, les nationalistes catalans sont à la fois déçus et confiants. Ils sont déçus d’être privés du succès qu’ils espéraient de toutes leurs forces, mais ils sont confiants car tous les événements de ces dernières semaines démontrent une formidable montée en puissance de leurs idées.
Le 09 novembre prochain, la Catalogne fera un nouveau pas en avant. Il sera certes moins ambitieux qu’espéré, mais il sera néanmoins important pour le processus historique en cours, auquel il faudra encore quelques mois, et peut-être même quelques années, avant d’arriver à son terme.
François ALFONSI