Au soir du 4e jour du procès d’Alain Ruggeri, la cour d’assises d’appel spéciale de Paris était encore en train de délibérer. L’accusation a demandé 5 ans dont 3 ferme ; Alain Ruggeri a clamé son innocence.
« Vous n’avez pas le devoir de couvrir une détention préventive mais celui de juger un dossier. Acquittez-le ! » C’est par ce cri du cœur que Me Gilles Antomarchi a conclu sa plaidoirie à l’issue des quatre jours du procès en appel d’Alain Ruggeri, hier.
L’accusé a déjà fait deux ans de prison ; l’avocat général, Olivier Bray, a demandé une peine de 5 ans dont 3 ferme. « Je veux réaffirmer la réalité des faits dénoncés dans l’acted’accusation », a-t-il dit pour ouvrir son réquisitoire. Sa thèse veut prouver qu’il s’agit bien d’une tentative d’attentat à la bombe avec un début d’exécution matérialisé par une explosion ayant entraîné la mort d’un dirigeant du FLNC Union des combattants, Ange-Marie Tiberi, le 3 janvier 2007 sur la plage de Solaro.
Il y ajoute une circonstance aggravante : l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il évoque un contexte : « La Corse et le FLNC, 10 000 actions violentes depuis 1970… »Et il assène : « La Corse, c’est le terrorisme ! » Selon l’accusation, Alain Ruggeri a accompagné un militant nationaliste connu pour commettre un attentat en connaissance de cause. La version d’Alain Ruggeri est tout autre. C’est celle qui a permis son acquittement en 2010 :« J’ai rencontré Ange Tiberi au village en fin d’après-midi. Il m’a dit qu’il devait aller à Solaro car on déposait des ordures sur son terrain. J’ai décidé de l’accompagner pour pêcher. Arrivé là-bas, il a fermé la chaîne d’accès de son terrain ; j’ai rejoint mon point de pêche. Il m’a suivi, puis m’a dit qu’il avait quelque chose à faire. »
On l’a prévenu qu’il y avait des charges explosives dangereuses pour sa famille. « Je ne veux pas être mêlé à ça », répond Alain. « Tu ne risques rien, tu restes là, tu pêches et tu m’attends. » Alain Ruggeri tient sa canne face à la mer, fait trois lancers… Son camarade revient à ses côtés, puis… Boum. Alain Ruggeri n’a même pas entendu la déflagration mortelle.
Voilà la thèse que la défense s’est attachée à démontrer pendant près de trois heures. Non sans s’en prendre violemment aux amalgames de l’avocat général sur la Corse :« La Corse, c’est le terrorisme ? Alors les Juifs sont des radins ? Les Bretons, des alcooliques ? Les Alsaciens, des Allemands ? »
Puis, c’est le dossier : « Alain Ruggeri a-t-il détenu, transporté des explosifs ? Dans la voiture de Tiberi ? On ne sait pas. Les experts ont dit que Tiberi portait la charge sur lui quand elle a explosé. »Me Antomarchi revient sur la personnalité de son client, « un homme simple » qui n’a jamais été membre du FLNC, « sinon, sa sœur n’aurait pas subi 13 plasticages… »
« Je ne suis qu’un simple pêcheur »
L’avocat général a mis en avant la cagoule trouvée sur son client ? « Un passe-montagne qu’il avait dans la poche, pas une cagoule avec deux trous pour les yeux et le liseré rouge du FLNC ! »
Me Borsolini s’attaque à contrer la thèse de l’association de malfaiteurs :« Il faut qu’il ait agi en connaissance de cause et commis un acte positif. » « Il allait pêcher !, répond son confrère Antomarchi. On a retrouvé ses cuissardes et sa canne à pêche à Solaro. S’il avait participé à un commando, aurait-il pris sa voiture ? Ce n’est pas lui qui, dans la nuit, l’a déplacée sans enlever les cartouches de chasse qui s’y trouvaient. Il n’a pas été protégé. »
Et les empreintes ? « On n’a retrouvé que celles de Tiberi sur les éclats de la charge… »Dernier à prendre la parole, Alain Ruggeri a déclaré : « Je ne suis qu’un simple pêcheur ; je suis innocent. »
A 21 h 30, trois heures et demie après la fin des débats, le jury était toujours en train de délibérer.
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