Doumé Ferrari: «Il est dangereux d’être avocat pénaliste en #Corse»

Le bâtonnier d’Ajaccio a été mis en examen hier pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme. Il venait tout juste de sortir du bureau du juge quand nous l’avons interrogé

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Quelles étaient les conditions de votre garde à vue ?

Elles ont été bonnes. J’ai été bien traité.

Pouvez-vous revenir sur ce qui vous est arrivé ces derniers jours ?

J’ai été interpellé à 6 heures du matin, lundi. Ensuite, le juge d’instruction a procédé à une perquisition à mon domicile privé puis à mon cabinet professionnel. Je suis sorti de mon cabinet à 14 heures. Et là j’ai eu la surprise de voir que toute la presse avait été prévenue et était présente devant mon cabinet.

Vous pensez quoi justement de cette présence de la presse ?

J’ai pensé immédiatement que je faisais l’objet d’un ciblage et qu’on me présentait déjà comme coupable aux yeux du public. J’ai trouvé cette méthode déloyale. Je me demande comment les journalistes ont été avertis de mon interpellation.

Revenons-en à votre garde à vue. Après les perquisitions, que s’est-il passé ?

J’ai d’abord été auditionné à la gendarmerie d’Aspretto jusqu’à mercredi à 14 heures. Et là, j’ai été transféré à Paris par avion spécial avec d’autres personnes dont je ne connaissais pas l’identité jusqu’à l’aéroport militaire de Villacoublay.

Là j’ai été transféré au siège de la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur, le contre-espionnage français) à Levallois (dans la banlieue parisienne). Là, j’ai été de nouveau interrogé.

J’ai été transféré en fin de matinée aujourd’hui (NDLR : hier, jeudi) au pôle de l’instruction antiterroriste à Paris où j’ai été présenté au juge d’instruction Gaudino.

Vous avez gardé le silence en garde à vue ? Pourquoi ?

J’ai gardé le silence pendant toute la garde à vue. J’ai compris très rapidement que je ne pourrai pas avoir, dans le cadre de la garde à vue, un débat loyal avec les enquêteurs et que je n’étais pas à égalité d’armes avec eux.

J’ai également compris qu’on allait essayer de me faire faire des déclarations concernant des clients que j’ai défendus et que je défends dans des dossiers de terrorisme. Je vous rappelle que je suis soumis au secret professionnel en ma qualité d’avocat et que je ne peux pas violer ce secret, qui a une valeur absolue.

Dans ces conditions, j’ai estimé en mon âme et conscience devoir garder le silence.

Comptez-vous rester bâtonnier ?

Bien sûr ! J’ai choisi d’exercer cette charge qui m’a été confiée par mes pairs et bien évidemment je reprendrai mon activité professionnelle dès mon retour à Ajaccio.

En garde à vue, qu’est-ce que les enquêteurs vous ont dit à propos de ce qu’ils avaient contre vous, de la procédure ?

Ils m’ont simplement fait comprendre qu’ils considéraient que j’avais pu avoir un rôle occulte dans une association de malfaiteurs terroristes.

Et ce fameux box où les enquêteurs ont retrouvé des armes ?

Il appartient à ma sœur. Les enquêteurs pensent que j’ai pu avoir un rôle d’intermédiaire au profit du loueur du box. Il s’agit d’une supposition qui n’est fondée sur aucun élément.

Vous niez donc être en lien avec le box et les armes qui ont été retrouvées ?

Bien sûr ! Les enquêteurs n’ont aucun élément.

Vous vous sentez comment maintenant ?

Je me sens soulagé d’être en liberté pour pouvoir rejoindre ma famille et mes amis corses. Je suis très content des soutiens du barreau d’Ajaccio, de Bastia et de nombreux bâtonniers de France ainsi que du bâtonnier de Paris. Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des personnes qui m’ont soutenu dans cette épreuve.

Y avait-il une volonté de vous humilier en vous plaçant en garde à vue ?

Ce qui est significatif, c’est qu’on a tenté d’exercer des pressions sur moi.

Comment se sont comportés les enquêteurs avec vous ?

Je n’ai rien à redire sur l’attitude des enquêteurs envers moi. Ils ont fait le travail qu’on leur a demandé de faire.

Le parquet n’a pas demandé votre placement en détention provisoire mais vous êtes quand même passé devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Pourquoi ?

C’était pour savoir si mes deux téléphones portables professionnels qui avaient été saisis devaient m’être rendus ou pas. Le président du tribunal de grande instance faisait office de JLD et il a décidé de me les restituer, ce qui constitue une décision unique à ce jour.

Qu’allez-vous faire là, tout de suite ?

Là, je vais manger avec mes avocats. Je vais prendre l’avion demain matin (vendredi) à 10 heures pour la Corse.

Toute cette affaire, ça vous inspire quoi ?

Bonne question… (Il réfléchit) Il est dangereux d’être avocat pénaliste en Corse et de défendre certaines personnes.

Une toute dernière question. L’attaque des deux gendarmeries, vous en pensez quoi ?

Je n’ai aucun avis.

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