Depuis hier matin, les élus de l’Assemblée de Corse planchent sur différents dossiers. Voici un extrait de l’allocution d’ouverture du Président Dominique BUCCHINI qui s’est terminé par une minute de silence hier
« Mon propos introductif sera consacré au contexte dans lequel l’Assemblée de Corse ouvre sa seconde session ordinaire.
Je commencerai en faisant référence à l’actualité estivale.
Vous me permettrez de mettre en exergue deux préoccupations majeures : le rôle des services publics, et les enjeux environnementaux.
Avant de tirer les leçons de la saison touristique, il est préférable d’attendre le bilan de l’observatoire régional.
Notre île subit, à l’instar des autres régions, l’impact d’une crise internationale profonde. Cela se vérifiera, sans doute, au niveau des retombées économiques, mais l’on peut espérer que les effets en termes de fréquentation seront atténués, grâce à la haute qualité de notre environnement. La Corse a là un atout considérable : il nous appartient de le préserver pour que les générations futures puissent, elles aussi, en profiter.
Chacun aura noté le bilan positif en matière d’incendies de forêts.
Des efforts soutenus, tant en matière de lutte opérationnelle que de prévention, portent donc leurs fruits de façon durable. Les mentalités ont changé. En dehors des sécheresses exceptionnelles ce fléau ancestral ne cause plus de destructions majeures et il convient de s’en féliciter.
Pour autant, Ajaccio et Bastia ont enregistré, cet été, des pics de pollution inquiétants.
Ces phénomènes ont tendance à se répéter dans ces deux agglomérations où réside la majorité de la population. Cela nous commande de mieux réguler les effets de l’urbanisation et d’intégrer systématiquement la qualité de l’air dans nos politiques publiques. Je me félicite à ce propos, d’initiatives telles que le séminaire organisé la semaine dernière à Borgo par Qualitair Corse et l’AAUC.
La Corse, par ailleurs, a connu plusieurs conflits sociaux d’une ampleur inhabituelle.
Ces grèves, à la SNCM, à La Poste, au Service d’Incendie et Secours de Corse-du-Sud, sont révélatrices de fortes inquiétudes. On a surtout retenu la gêne causé aux usagers, et les difficultés occasionnées aux petites entreprises. N’oublions pas, pour autant, que ces conflits sont les conséquences d’un repli systématique imposé à nos services publics. Avec des effets cumulés sur des emplois et des missions qui rappelons-le, bénéficient à l’ensemble de la population.
En revanche, la rentrée scolaire s’est effectuée dans d’assez bonnes conditions.
C’est bien la preuve qu’avec une augmentation des moyens, notamment des postes d’enseignants, on peut agir efficacement sur un contexte. Je tiens à saluer les efforts consentis par le ministère, le Rectorat et l’ensemble de la communauté éducative, qui ont enrayé de longues années de dégradation.
Enfin, sans revenir sur des assassinats ou tentatives d’homicides qui hélas, continuent d’affecter certaines régions, plusieurs faits nous alertent sur le climat d’intolérance qui subsiste dans une fraction de la société.
Le mitraillage de la gendarmerie de Pietrosella, le plasticage du Club Méditerranée de Cargèse, l’intimidation par banderole injurieuse de la journaliste Hélène ROMANI, ou encore la destruction de la stèle commémorant les évènements d’Aleria ! Autant d’actes inacceptables que je souhaite condamner fermement, car ils contribuent à alimenter un climat de violence larvée qu’aucun responsable, honnêtement, ne saurait laisser se banaliser.
Je poursuivrai avec les priorités de notre ordre du jour.
L’Assemblée de Corse est au centre du débat public régional et depuis le début de cette mandature, nous avons démontré une capacité collective à sortir de nos clivages habituels, pour avancer utilement sur des enjeux fondamentaux, tout en créant un climat d’apaisement.
Mes chers collègues, nos interlocuteurs au pouvoir central n’ont pas changé, hormis le ministre des transports, lors du remaniement gouvernemental ; la date des prochaines élections territoriales est connue. Sachons donner à notre démarche volontariste le maximum d’efficacité.
A cet égard, nous allons pouvoir adopter l’ensemble du PADDUC. Son troisième volet, le schéma d’aménagement du territoire –qui n’est pas le moins déterminant- vous sera exposé en détail demain lors d’une séance plénière des commissions.
Le projet piloté par Maria GUIDICELLI au nom du Conseil Exécutif arrive dans cet hémicycle après une large concertation. L’Assemblée de Corse aura un mois pour l’examiner, le cas échéant l’amender et je l’espère, l’approuver. Il est légitime que des points de vue différents puissent s’exprimer et même, se confronter. C’est le rôle de la démocratie. Cependant, l’honneur de cette institution serait de démontrer, après plus de trente ans de statut particulier, sa capacité à produire un tel document.
Nous aurons, également, à poursuivre le dialogue avec le gouvernement pour définir une réforme institutionnelle adaptée aux caractéristiques de notre île.
La délibération demandant la reconnaissance des spécificités de la Corse dans un nouvel article de la Constitution ne paraît pas rencontrer, pour le moment, d’opposition formelle.
En revanche, nos propositions de statuts pour la co-officialité de la langue et pour la propriété foncière se heurtent au niveau national à des réticences qu’il ne s’agit pas de sous-estimer. Cependant, le désaccord porte davantage sur les solutions que sur les constats. Aussi, tout en continuant à convaincre nos interlocuteurs nationaux du bien –fondé de nos attentes, il serait judicieux de les inciter également à concrétiser des mesures d’application rapide : j’en veux pour preuve les déclarations du Recteur BARRAT en faveur d’un bilinguisme général dans le système scolaire avec une formation appropriée pour les personnels enseignants.
Quant à la réforme de la carte administrative de la Corse, le comité stratégique va se réunir courant octobre pour adopter des axes d’orientations, qui seront soumis à délibération de l’Assemblée et des deux conseils départementaux le mois suivant.
Et vous aurez observé que la participation notable au référendum qui s’est tenu en Ecosse montre l’intérêt des citoyens à pouvoir s’exprimer sur des réformes institutionnelles d’importance.
Enfin, il nous appartiendra d’accentuer les réponses aux urgences de la crise.
Les réformes institutionnelles visent à améliorer l’efficacité des administrations régionales, et l’adaptation de leurs politiques aux réalités insulaires. Cependant, la crise intensifie les déséquilibres économiques et sociaux auxquels est confrontée une part croissante de la population, et cette situation appelle, à mon avis, un effort supplémentaire des pouvoirs publics. Comme signe de ce malaise socio-économique, je mentionnerai deux informations récentes : la poursuite de la hausse du chômage en août alors qu’il baisse au niveau national ; le montant considérable des cotisations des entreprises impayées auprès des organismes sociaux.
Dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle, dans le domaine du logement et notamment du logement social, dans le domaine de l’éducation et de la lutte contre l’échec scolaire, l’Etat pourrait, sans grever le budget de la Nation, et avant même une réforme de la Constitution, nous aider à intensifier nos actions.
J’ai rencontré, à sa demande, le ministre de l’Intérieur à qui j’ai rappelé les positions de l’Assemblée et livré mes analyses. Sans doute serait-il utile qu’il revienne en Corse accompagné des ministres de l’Education et du Logement, de façon à ce qu’ils prennent la mesure des urgences, notamment sur les questions de la langue et du foncier.
Les contraintes budgétaires, que je n’entends pas nier, sont parfois instrumentalisées pour remettre en cause les services publics, bien que ceux-ci soient considérés comme un atout pour la France, et donc aussi pour la Corse.
Plutôt que de cautionner ce type de réformes, sachons promouvoir, au moyen du PADDUC, de la réforme du statut particulier et d’un effort supplémentaire en faveur des secteurs d’avenir, une dynamique attentive aux plus vulnérables, et qui donne confiance aux jeunes générations. Je tiens à citer en exemple sur les vignerons de la Conca d’Oru, qui ont obtenu le classement de cette région au début du mois d’août.
Je trouve aussi – et sans aucune démagogie- des motifs d’espoir dans l’avenir lorsque je vois et j’écoute notre jeunesse, que ce soit au cours de nos échanges dans le cadre de la commission violences ou lors de l’ « Assemblée des enfants », dont la deuxième édition s’est tenue ici même le 16 septembre.
Je conclurai en rendant un hommage appuyé à deux anciens élus de notre institution : Jean-Charles COLONNA et Jean-Claude GUAZZELLI.
Ancien maire et Conseiller général de Corte, le Dr COLONNA a siégé, de 1982 à 2004, sur les bancs de l’Assemblée de Corse dont il fut Vice-Président, notamment en charge du logement, de la culture et du sport. Président de groupe et Président de la Commission de la culture, de l’éducation, de la formation et de l’audiovisuel, il aura marqué la vie de cette institution.
Il laisse le souvenir d’un humaniste, sincère et désintéressé, un homme de paix et de dialogue. Prenant en charge la politique culturelle à une époque où les rapports entre artistes, musiciens, chanteurs et institutions étaient devenus parfois tendus et même hostiles, il fut de ceux qui surent décrisper les situations et instaurer la confiance. Homme de culture, ayant œuvré efficacement pour la valorisation du patrimoine de sa cité, il joua un rôle très important dans la création du Musée de la Corse et le développement du Fonds régional d’art contemporain.
Je veux dire ici à son épouse, à son frère Dominique, à sa famille, toute notre sympathie.
Jean-Claude GUAZZELLI a quant à lui occupé de hautes responsabilités au Conseil Exécutif avant de venir siéger à l’Assemblée. En charge des questions économiques et du budget, il a présidé l’ADEC de 1998 à 2004 et assuré l’intérim du Président BAGGIONI pendant quelques mois.
Dans une période de réforme du statut particulier et de refonte du statut fiscal, il nous aura apporté sa compétence financière, sa compréhension des besoins des entreprises insulaires et un esprit d’innovation aiguisé. A l’Exécutif comme à l’Assemblée, il a toujours privilégié la rigueur technique aux considérations politiciennes : malgré nos divergences d’analyse, j’ai personnellement toujours apprécié ses qualités professionnelles et humaines.
En votre nom, je lui rends donc hommage et j’assure sa famille de toute notre sympathie.
Nos collègues Camille de ROCCA SERRA, Aline CASTELLANI et Jean-Marie POLI ont connu eux aussi un deuil douloureux : je souhaite leur renouveler ici notre soutien chaleureux.
Enfin, j’accueille avec satisfaction Diane BEDU-PASQUALAGGI, qui retrouve nos bancs après une longe immobilisation, et saura notamment faire entendre de nouveau la voix des associations de solidarité.
Mes chers collègues, avant d’engager l’ordre du jour, je tiens à exprimer le sentiment d’indignation et d’horreur qui nous envahit devant l’assassinat barbare de Hervé Gourdel par un groupe terroriste, hier en Algérie. M’inclinant devant sa mémoire j’adresse, en votre nom, un message de soutien et de sympathie à sa famille et à ses proches, durement touchés par un crime qui endeuille le Pays.
Je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence.
Je vous remercie. »
Dominique Bucchini