Il faudra le recul du temps pour mesurer l’impact du référendum écossais. Pour l’Ecosse, rien ne sera jamais plus comme avant. Pour l’Europe, le débat est désormais grand ouvert sur l’élargissement interne, même si la victoire du non renvoie à plus tard les premiers travaux pratiques. Et pour les nations sans Etats d’Europe, une voie est ouverte, y compris pour la Corse.
L’Ecosse entre dans une nouvelle phase de ses relations avec Londres. Les partisans du oui espéraient l’engager dans la clarté de relations indépendantes et égales entre voisins que la géographie, l’économie et l’Histoire amènent naturellement à coopérer. Les vainqueurs du jour n’auront pour autant pas le choix : ils devront apporter plus de dévolution et plus d’autonomie au peuple écossais qui pourra toujours, il en a désormais acquis le droit imprescriptible devant la communauté internationale, engager un nouveau référendum si la situation n’évolue pas selon ses attentes. « L’Ecosse est en position de force » a commenté Alex Salmond après la publication des résultats.
La dévolution de nouvelles compétences de Londres à Edinburgh impliquera d’une façon ou d’une autre la relation à l’Europe. Est-ce encore Londres qui gérera seule la question énergétique au nom du Royaume Uni alors que 95% des ressources en gaz et en pétrole sont en Ecosse ? Idem pour la pêche, compétence essentielle des institutions européennes, quand l’Ecosse produit la plus grande partie de la pêche du Royaume Uni. Et sur de nombreuses autres questions, l’Ecosse aura une compétence pleine et entière. Comment gérer la relation entre les élus de ce territoire et Bruxelles, dans la mesure où Londres n’exercera plus aucune tutelle sur la politique écossaise dans ces domaines ?
A l’évidence, une place nouvelle devra être faite aux institutions écossaises dans la politique européenne, une place de nature tout à fait différente de celle de la région Poitou-Charente ! Une situation de même nature s’est déjà posée avec la Belgique pour laquelle plusieurs compétences, culture, agriculture par exemple, n’existent plus au niveau de l’Etat fédéral car elles ont été intégralement transférées aux régions flamande et wallonne. Ainsi, quand la Belgique a présidé l’Union Européenne, c’est un ministre de Flandre ou de Wallonie qui présidait les sommets européens sur l’agriculture. Ce qui amenait la France, toujours à la pointe des évolutions institutionnelles, à refuser de participer à ces sommets présidés par la Belgique car « le Président n’était pas un ministre d’Etat ». Pour l’Ecosse, il faudra aller plus loin, et admettre un représentant écossais en sus du représentant britannique. Chiche que la France ira bouder dans son coin ?
De toutes façons, il faudra doter l’Ecosse d’un « statut particulier » parmi les régions d’Europe. Le débat avait été abordé lors de la Convention qui avait planché sur la constitution européenne au début des années 2000, à travers la prise en compte des « régions constitutionnelles », celles qui, par leur autonomie, disposaient de compétences législatives et donc d’un pouvoir d’adaptation des directives européennes. La proposition est restée sans suite, et l’Ecosse vient de franchir un nouveau seuil, celui de « nation institutionnelle » même si elle n’est pas indépendante. Il faudra une réponse des autorités européennes à cette évolution de son statut, ce qui ouvrira la voie pour toutes les autres Nations sans Etat d’Europe.
Enfin va s’ouvrir désormais la séquence catalane. La Commission Européenne a semble-t-il compris que l’Europe s’enfoncera dans la crise si elle ne fait pas droit aux demandes démocratiques des peuples. Les déclarations de Karol de Gucht, commissaire européen, vont dans ce sens. Mais Madrid ne l’entend pas de cette oreille, contrairement à Londres qui avait admis le droit de décider du peuple écossais. Les déclarations de David Cameron se félicitant de « s’être comporté en démocrate » en acceptant le référendum écossais sont diffusées sur les réseaux sociaux par tous les militants catalans. Le gouvernement espagnol enrage. La Generalitat, à une très large majorité, a décidé de convoquer le référendum catalan pour le 09 novembre 2014. La tenue du référendum écossais, avec une participation de 85%, dans des conditions démocratiques unanimement saluées, renforce considérablement leur démarche. Madrid ne veut rien lâcher. Mais le pourra-t-il ?
La période que nous vivons est historique pour l’Alliance Libre Européenne. Les locomotives écossaise et catalane de notre parti politique européen tirent le train de toutes les nations sans Etats. La Corse est arrimée à ce mouvement général, et la délégation nombreuse et de haut niveau qui s’est rendue à Edinburgh a rencontré de larges échos médiatiques sur les médias français et européens. Rendez-vous est pris à Barcelone le 9 novembre prochain. Les déclarations indignes de François Hollande à l’encontre du peuple écossais renvoient à son attitude ici en Corse quand il s’obstine à refuser la co-officialité de la langue corse. Les peuples d’Europe sont en plein essor pour la reconnaissance de leurs droits. Le peuple corse y participe, et, en profitant de l’impact des processus engagés en Ecosse et en Catalogne, nous saurons, ici aussi, renverser les rapports de forces.