Un accord officieux et implicite entre l’Etat, la majorité territoriale et un repreneur après redressement judiciaire pour apurer les dettes structurelles de la compagnie dont notamment l’amende européenne de la SNCM, c’est ce qu’à dénoncé le STC lors d’une conférence de presse ce matin à Bastia. Voici le document dans son intégralité:
Depuis des décennies, la Corse souffre de ses transports maritimes !
Même si elle dispose d’un statut politique lui conférant le droit à l’organisation de sa desserte, par la rédaction du cahier des charges du Service Public de continuité territoriale, notre île, doit subir des choix stratégiques et industriels pensés par d’autres, et pour d’autres, que la Corse et les Corses.
Ainsi, la Corse a dû au fil du temps, s’adapter aux Compagnies maritimes, alors que la logique aurait voulu que la règle à appliquer en la matière, soit le contraire.
Ceci était vrai à l’époque de feue la SNCM Publique, lorsque l’Etat était le seul maître à bord, cela l’est tout autant aujourd’hui à l’heure où le privé (Véolia/Transdev) est majoritaire au sein du capital de la Compagnie.
Jamais au grand jamais, la Corse n’a été placée au cœur du dispositif de continuité territoriale, en termes de développement économique, industriel et social, même si celui-ci, ne trouvait de raison d’exister, que dans le fait que la Corse existe, et qu’elle crée ainsi la demande.
Au fil du temps, nous avons dû subir des choix étrangers à nos intérêts collectifs, qui pourtant, demeurent ceux d’usagers réels, de par notre nature d’insulaire.
L’histoire nous enseigne, que de par le fait accompli, l’Etat alors gestionnaire, nous a imposé le « gigantisme » d’une flotte démesurée, inappropriée, trop coûteuse, et très souvent pensée en dépit du bon sens, car totalement inadaptée à nos besoins.
Toujours par la même logique politique du fait accompli, les privés aujourd’hui réels patrons de la SNCM, après avoir mené une gestion chaotique, manœuvrent pour quitter le navire (SNCM) à moindre frais.
Ceux-ci auront eu pour seule volonté, de vampiriser la Compagnie dont ils se sont accaparés avec la bénédiction de l’Etat. Ils auront jusqu’au dernier jour, en vendant les actifs stratégiques (Siège social, actionnariat à la CMN, navires…) appauvri la structure jusqu’à son paroxysme. Aujourd’hui, la trésorerie de la SNCM est exsangue !
Pourtant, à grands coups d’annonces, les sauveurs de l’époque, proclamaient à qui voulait les entendre, qu’ils allaient activer un processus de relance de la SNCM. Celui-ci passait par le respect d’un certain nombre d’engagements, dont un, qui d’un point de vue structurel était fondamental, celui du renouvellement de la flotte. Or, jamais ils n’auront respecté quelque engagement que ce soit ! (Voir annexe n°1)
De fait, la Compagnie ne dispose plus aujourd’hui que d’une flotte vieillissante, qui sera sous peu obsolète (avec à ce jour, 2 navires sur 4 de plus de 20 ans), au regard des critères de la Délégation de Service Public et, de la rédaction de son cahier des charges.
Nous devons donc faire un constat, et dire objectivement que l’étatisation d’hier, et la privatisation d’aujourd’hui, ont échoué de manière lamentable et absolue !
Dès lors, et parce que le caractère vital des transports maritimes pour la Corse n’est plus à démontrer, ainsi qu’il ne peut être discutable pour quiconque, il nous faut appréhender ce problème avec courage et avec la ferme détermination de le régler une fois pour toute.
Aujourd’hui, de l’aveu même d’économistes réputés, les transports maritimes de la Corse sont un élément fondamental à nos échanges économiques avec l’extérieur.
Sans eux, toute politique d’exportation de notre production et à fortiori de son accroissement, ne sont qu’illusoires.
Il ne peut donc y avoir pour la Corse, de redressement économique sans des transports fiables, sûrs, de qualité, et adaptés à ses besoins.
Il est grand temps à présent de créer une alternative à un système qui a généré l’échec, pour maîtriser réellement nos transports extérieurs.
Cela passe par l’avènement d’une Compagnie Maritime Publique Corse !
HISTORIQUE DE LA CONTINUITE TERRITORIALE ET DE LA SNCM
Le transport maritime d’une île à une autre, ou d’une île au Continent, a de tout temps, tenu une place prépondérante dans l’état de santé économique de celle-ci.
On peut dire, sans prendre de risques, que plus le transport est défaillant ou inadapté, plus l’économie connait des difficultés liées à l’étroitesse et à l’isolement du marché.
On peut affirmer que les transports extérieurs, constituent, pour toute île, un sujet de préoccupation essentiel.
Il est évident que les dessertes des îles, recouvrent des situations très variées.
Leur consistance et modalités en sont donc très différentes, mais quelques constantes apparaissent, dont la plus flagrante concerne le transport de biens où une remarque générale s’impose : Les îles sont, dans leur quasi-totalité, largement importatrices de biens de consommation, leurs balances commerciales étant en déséquilibre.
Ainsi, leurs dessertes apparaissent souvent comme un prolongement des dessertes terrestres
Fin des années 60, début des années 70, malgré la dynamique liée aux 30 glorieuses, la Corse ne décolle toujours pas d’un point de vue économique et social. Une des raisons essentielles à cela, tient au fait qu’à cette époque le Marché des transports maritimes – qui au sens économique du terme n’en était pas un – est laissé libre et non organisé par la puissance publique.
Ainsi, les armateurs privés sans aide publique ni contrainte, assurent avec difficultés et parfois laxisme, des rotations maritimes entre la Corse et le Continent Français.
Celles-ci n’ont lieu que lorsque les opérations commerciales leur permettent de dégager des marges de bénéfices, ou à défaut, d’être à l’équilibre. Autant dire que l’activité ne s’effectue que dans des périodes courtes et disparates, à des fréquences tout aussi faibles et inadaptées sur l’année.
Par conséquent, aucun lien régulier, aucune relation pérenne n’était établie à l’époque, entre l’île de Corse et la France.
La fragilité du cadre existant, ne permettait aucune perspective de développement économique et social digne de ce nom, de l’île.
Conscient que les dessertes devaient présenter un caractère de régularité et une fréquence convenable, le législateur crée en 1976 la SNCM pour mettre en œuvre une idée politique :
La continuité territoriale entre la Corse et le Continent.
LA SNCM, OU LA MATERIALISATION INDUSTRIELLE D’UNE DOMINATION POLITICO-ECONOMIQUE DE LA CORSE
Nous l’avons vu plus haut, la SNCM est née en 1976, sur les décombres de la « transat » (Société Générale Transatlantique) et des messageries maritimes.
La SNCM aurait dû être un instrument de réponse politique et économique aux problèmes de la Corse, tel que l’isolement lié à son insularité.
De plus, la Compagnie de par son activité commerciale et industrielle, aurait dû être également un acteur efficace du tissu économique, avec des retombées directes et indirectes liées à la desserte. Or, force est de constater qu’il n’en a rien été !
En effet, avec 80% de son chiffre d’affaires fait en Corse, et malgré une dotation financière dite de continuité territoriale versée par l’ile, de plus de 60 Millions d’euros annuel, la SNCM a toujours choisi délibérément d’embaucher prioritairement sur le Continent, (70% du personnel navigant) ainsi que de soutenir très fortement l’économie en région PACA.
Déjà, le 22 novembre 1999, de l’aveu même d’un rapport de la Commission du droit d’alerte du Comité d’Entreprise de la SNCM, on apprend que ce sont, « plus de 1000 fournisseurs et entreprises qui gravitent autour de la SNCM en région PACA » (au total, plus de 40 millions d’euros annuel).
On apprend également que : « les dépenses d’entretien de la flotte sont de 119 MF, les frais de ports appliqués s’élèvent à 50 MF, les combustibles à 54 MF, la taxe professionnelle à 10 MF » (soit plus de 35,57 Millions d’euros annuel).
Ces chiffres nous laissent rêveurs ! D’autant plus que l’on sait que la région PACA n’a jamais investi le moindre centime de franc, ou bien d’euro aujourd’hui, pour soutenir l’activité de la Compagnie.
En fin de compte, jamais la SNCM ne s’est donnée les moyens d’être ce pourquoi elle a vu le jour, à savoir, un instrument de la continuité territoriale, au service du développement économique et social de la Corse.
Pire que cela, la nature même de la Compagnie « Marseillaise », sa vision auto centrée et arque boutée sur elle-même, son fonctionnement où s’entremêlent, tous les corporatismes, la bureaucratie et la cogestion, font de cette Compagnie, un bloc singulièrement hermétique au monde extérieur qui l’entoure, et à toute évolution.
Pour conclure sur ce point, nous dirons que la SNCM est le stéréotype d’une entreprise de domination politico économique dont la Corse, les usagers et les salariés y travaillant, n’ont plus à subir les excès, les dérives et les dysfonctionnements !
L’heure du changement réel est arrivée …
CREATION D’UNE COMPAGNIE MARITIME PUBLIQUE CORSE, ALTERNATIVE A UN SYSTEME DEFAILLANT
Plus en amont, nous avons démontré qu’une multitude de mesures défavorables prises par les différentes Directions, dont le non-respect des engagements pris, sont la cause de la situation mortifère de la SNCM.
Le comportement de l’Etat, n’est lui non plus, exempt de tout reproche.
Après avoir « recapitalisé » avec des fonds publics, celle qui de par sa volonté, est devenue une Compagnie privée, l’Etat, n’a jamais pris la peine de vérifier, et à fortiori, de faire respecter les engagements pris par l’ensemble des parties prenantes de la privatisation. Autrement dit, l’Etat s’est totalement désengagé de son rôle d’arbitre, et de garant de l’intérêt public et collectif.
Il a, en accordant une confiance aveugle aux privés gestionnaires, contribué indéniablement à la situation catastrophique de la SNCM.
Pour preuve, enthousiastes, les Ministres Thierry Breton et Dominique Perben en charge du dossier, ont écrit lors de l’entrée au capital des nouveaux actionnaires, le mercredi 31 mai 2006 : « le nouvel actionnariat de la SNCM, porteur d’un projet industriel et social fort et respectueux de l’entreprise et de ses salariés, donne à l’entreprise les moyens nécessaires pour se redresser et reprendre son développement, et créer les conditions pour garantir dans la durée un service public renforcé et de qualité pour la desserte de la Corse » (voir annexe n°2)
Quels visionnaires !!!!
Démonstration est donc faite, qu’entre le lobby Marseillais des uns et le laxisme des autres, le salut de la Corse passe par une réelle maîtrise de ses transports.
Nous devons donc sans plus tarder, créer notre propre Compagnie Maritime Publique, et ce, parce que notre intérêt collectif nous l’ordonne.
Parce que l’opinion publique Corse écœurée et excédée par des conflits dont elle est la première victime, l’exige très majoritairement, l’hésitation n’a plus sa place dans ce dossier.
Nous devons avoir le courage politique nécessaire à l’avènement de notre Compagnie, parce que les transports de la Corse relèvent d’une dimension politique évidente.
Enfin, nous devons écrire une nouvelle page de nos transports, et de manière décomplexée, appréhender un nouveau champ des possibles.
Sans comparer sur le fond et la forme avec la desserte de la Corse, nous citons pour exemple, la Compagnie Transmanche Ferries. La société a été fondée à l’initiative du Président du Conseil Général de la Seine Maritime, le Sénateur Charles Revet, qui a refusé la disparition de la ligne Dieppe/ Newhaven, après que l’opérateur privé, liquidait son service en 1999. Transmanche ferries, avait pour mission de prendre toutes les mesures pour s’assurer que les liens commerciaux et touristiques entre les départements de Seine Maritime et Somme et le sud de l’Angleterre soient pérennes.
Pour atteindre cet objectif, de loin, la solution la plus souhaitable était l’action directe, car l’expérience a montré que l’intérêt financier d’une entreprise privée n’est pas nécessairement compatible avec les intérêts économiques et le développement d’une région.
ETAT DES LIEUX DE LA SNCM
Les raisons de l’antagonisme entre la SNCM d’une part, et la Corse d’autre part, sont explicitées plus avant.
Tenant compte de cela, il nous faut maintenant aborder et mesurer la situation structurelle réelle de la Compagnie, ainsi que son état de santé financière.
De ce point de vue, il n’est pas exagéré de dire que cette structure connait une situation périlleuse. Celle-ci est générée par plusieurs facteurs, dont un, qui incombe particulièrement aux actionnaires majoritaires, Véolia et Transdev.
En effet, ceux-ci ne veulent pas consentir à un effort particulier, émanant de leur propre trésorerie. Au demeurant, depuis la privatisation, la multinationale n’a jamais engagé la moindre ligne budgétaire issue de ses fonds propres, sans préciser par ailleurs, que ces aides financières n’étaient que des avances de trésorerie faites à la SNCM, avec pour obligation à celle-ci, de les rembourser !
Par conséquent, les volumes financiers engagés, ont à chaque fois, abondé d’autant la dette de la Compagnie.
Les sommes engagées pour la SNCM se déclinent comme suit :
– Deux tranches ont été avancées par Transdev, une de 73 millions d’euros, et l’autre de 30 millions d’euros, viennent se greffer à cela, 14 et 10 Millions d’euros de Véolia et de l’Etat. C’est donc 127 Millions d’euros qui sont dûs aux actionnaires
A cela, il faut y ajouter les condamnations de la Cour Européenne se traduisant par des amendes, d’un total de 440 millions d’euros. (Sans prévaloir du jugement en appel en date du 4/09/2014, qui pourrait réduire cette somme de moitié).
Pour information, au moment où nous rédigeons ce rapport, le résultat d’exploitation de 2013 s’établit négativement avec une perte de plus de 44 Millions d’euros : Il est à constater que seul le réseau de délégation de Service Public est à l’équilibre.
La SNCM ne peut donc pas envisager sur ses fonds propres de clarifier sa situation financière, et de faire face à cette dette colossale.
Ceci est d’autant plus vrai, que les grèves stériles de 2014, notamment celle du début de l’été, ont porté un coup fatal à l’image, donc, par rebond, à la trésorerie de la Compagnie, qui pour l’année 2014, s’annonce plus catastrophique que celle de 2013.
Le caractère périlleux décrit ci-dessus, devient insoluble, dès lors que l’on sait que les actifs stratégiques de la Compagnie, ont été dilapidés par les privés aux commandes, et ce, afin de répondre à leur propre besoin et logique prédatrice.
Ainsi, les actifs historiques dont disposait la SNCM, notamment dans le capital de la CMN, ont été cédés à cette dernière pour que « Sieur » Butler fasse une plus-value de plus de 60 Millions d’euros en 3 ans. Le siège social (bâtiment historique) du 61 Boulevard des dames, a été vendu pour 15 millions d’euros… soit 750 euros/m2, sous-estimation par rapport au prix du marché du bâti ! Le NGV Liamone a pris un jour la mer avec l’aval des Organisations Syndicales, CGT en tête, vers le Pacifique, sans que l’on sache réellement, où étaient passés les fonds liés à cette « escapade exotique ». La flotte de la SNCM comprend 7 navires à ce jour, alors qu’elle en possédait 10 lors de la privatisation.
En fin de compte, tout ce qui représentait une valeur foncière, navale, économique, financière, a été bradé aux plus offrants !
Cette dilapidation des actifs de la Compagnie constitue le fait aggravant, qui plombe la structure, et annihile sa capacité d’équilibre et d’autofinancement.
Ceci nous fait dire, que face à cette situation et compte tenu de l’appauvrissement volontairement provoqué de la SNCM, cette dernière connaît une agonie, qui l’a placée en son état actuel, en phase finale.
LA BI-REGIONALISATION, BALAYEE D’UN REVERS DE MANCHE PAR LES TENANTS DE L’IMMOBILISME
L’architecture commerciale et navale de la SNCM repose sur deux pôles, qui se déclinent comme suit :
D’une part, un pôle subventionné de Service Public, communément appelé service de continuité territoriale, il est chargé de la desserte de la Corse, d’autre part, un pôle « réseau libre » chargé de la desserte du Maghreb (Algérie-Tunisie).
Le STC marins, qui depuis la privatisation et en alternative à cette dernière, s’est voulu être force de propositions, en souhaitant que ces deux pôles deviennent support de deux entités indépendantes l’une de l’autre. Toutefois, celles-ci auraient été solidaires dans la stratégie commerciale et l’exploitation navale.
C’est donc par un partenariat conventionnel que le lien entre ces deux pôles aurait été défini. Il aurait permis le respect des intérêts de l’une et l’autre des parties.
Jamais cette idée, qui pourtant plaçait la puissance publique au cœur du dispositif, et qui évitait tout lien de subordination d’une région à l’autre, n’a reçu d’écho favorable ni des Organisations Syndicales, ni des politiques et institutionnels de la région PACA. Les uns comme les autres ont toujours, et ce de manière « troublante », pour ne pas dire trouble, préféré les privés.
Une des raisons à cela, s’explique par le fait que les premiers, englués dans l’hégémonie, voient dans le statu quo de l’unicité de la SNCM, une confortable fin en soi, leur garantissant d’être le pilier d’un dispositif, sur lequel repose la cogestion et le lobby Marseillais.
Les autres, tout autant calculateurs, se bornent à récolter les retombées économiques d’une activité, sans investir le moindre centime d’euro. Dès lors, « pourquoi changer les choses ? » Se disent-ils en spectateurs du premier rang.
L’idée de la Bi-régionalisation, a donc été rejetée pour les raisons évoquées ci-dessus, par d’autres que nous-mêmes qui étions animés d’une volonté de partage et de destin communs.
Aujourd’hui, le temps presse, et il nous faut construire une alternative crédible, celle dont la Corse et les Corses en tant qu’usagers réels ont besoin !
L’heure n’est plus à regarder en arrière ! Il nous faut impérativement maîtriser pleinement nos transports maritimes, et cela passe irrémédiablement par l’avènement d’une Compagnie Maritime Publique Corse. (suite)
QUEL CADRE JURIDIQUE, POUR LA COMPAGNIE MARITIME PUBLIQUE CORSE
L’Assemblée de Corse, pour répondre à une demande formulée par le groupe « Corsica libera », a instauré une Commission devant mesurer « la fiabilité et la faisabilité d’une Compagnie Régionale ».
Pour rejeter l’idée d’une maîtrise des transports maritimes de l’île, les militants du statu quo, issus de tous horizons politiques et syndicaux, ont de tout temps avancé des arguments peu crédibles et fallacieux.
Ainsi, à les croire, « la création d’une Compagnie Régionale relevait d’une aventure, voire d’une chimère, inaccessible de par un caractère juridique et financier trop contraignant »
Or, le travail de la Commission, a de ce point, été très clair, et a permis d’effacer toute ambiguïté sur le sujet. « Rien n’empêche une Collectivité, à fortiori représentante publique d’un territoire insulaire, frappé de par sa nature, d’un handicap permanent lié à sa géographie, d’organiser ses transports jusqu’à être propriétaire et gestionnaire du matériel naval ».
En d’autres termes, le concédant du marché, en l’espèce, la Collectivité Territoriale de Corse, peut également être le concessionnaire de celui-ci. Sous certaines conditions, il peut également s’attribuer en dehors de toutes contraintes des appels d’offre Européens, toute ou partie de la Desserte de Service Public Maritime.
Ainsi, les travaux de la Commission nous enseignent que d’un point de vue juridique, ce sont, d’ores et déjà trois possibilités qui s’offrent à la Collectivité Territoriale de Corse, pour structurer « sa » Compagnie maritime. Il s’agit de :
– La Société d’économie mixte d’investissement (SEM d’investissement)
– La Société d’économie mixte industrielle (SEM industrielle)
– La Société publique locale (SPL)
- SEM d’investissement
La SEM d’investissement, permettrait à la Corse, de par sa Collectivité Territoriale actionnaire majoritaire, d’être propriétaire des navires. Mais son rôle s’arrêterait là !
La gestion de la flotte, en termes de stratégie commerciale, d’emplois, d’investissements et de retombées économiques sur le territoire, serait concédée à un tiers, opérateur industriel, chargé de l’exploitation de notre flotte.
Ce schéma, où nos intérêts de Corses et d’usagers, seraient subordonnés à des intérêts de gestion privée, ne permettrait aucunement la maîtrise des transports de la Corse par la Corse. Ceci serait tout aussi vrai, même si l’opérateur industriel en charge de la gestion de notre flotte, était d’ores et déjà Co délégataire du Service Public de continuité territoriale (la CMN). D’un point de vue légal, la SEM d’investissement est soumise à la mise en concurrence par le biais d’appels d’offres Européens.
- La SEM industrielle
Une SEM industrielle, permettrait à la Corse, de par sa Collectivité territoriale actionnaire majoritaire, d’être propriétaire des navires. Elle gèrerait la flotte, la stratégie commerciale, les emplois, les investissements et retombées économiques sur le territoire.
Ce schéma, sur des bases volontaristes et raisonnables, permettrait d’inverser de manière indéniable, un processus qui a spolié la Corse des légitimes retombées économiques qu’elle était en droit d’attendre de l’activité de continuité territoriale. D’un point de vue légal, la SEM industrielle est soumise à la mise en concurrence par le biais d’appels d’offre Européens.
- Société Publique Locale (SPL)
Une Société Publique Locale, permettrait à la Corse, de par sa Collectivité Territoriale, d’être propriétaire des navires, et ce, à 100% (SPL = Capital public à 100%)
Comme la SEM industrielle, elle gèrerait la flotte, la stratégie commerciale, les emplois, les investissements et retombées économiques sur le territoire.
Là aussi, son implication dans l’économie insulaire, serait à l’instar d’Air Corsica, un élément prégnant du développement économique et social de notre île. D’un point de vue légal, la SPL, de par sa nature, et de par le fait que son activité se bornerait à un exercice économique de continuité territoriale entre la Corse et le Continent, ne serait pas soumise à concurrence et s’exempterait de la contrainte des appels d’offres Européens.
NOTRE PREFERENCE POUR LA SPL
Au regard des éléments évoqués précédemment, on observe que le cadre juridique de la structure à construire offre plus ou moins de garanties et de possibilités à la Corse, dans la mise en œuvre de sa politique des transports maritimes.
Pour résumer, nous constatons que : La SEM financière, fait passer la Corse du statut de propriétaire « virtuel et symbolique de la flotte », à celui de propriétaire réel. Pour autant, tous les attributs d’une maîtrise pleine et entière, restent dans des mains privées, étrangères à nos intérêts d’usagers. Enfin, ce mécanisme reste fragile, dans la mesure où, en aucun cas, il ne s’exempte de la concurrence Européenne.
La SEM industrielle renforce le statut de la Corse, puisqu’elle lui confère le titre de propriétaire, et concomitamment, celui de gestionnaire réel. De ce point de vue, l’ile augmente considérablement la maitrise de ses transports maritimes, avec toutefois, là aussi, une limite fixée par le risque de la mise en concurrence Européenne.
Enfin, la SPL a de par sa nature et son capital à 100% public, les dispositions essentielles à ce que la Corse soit incontestablement propriétaire et gestionnaire réels de la desserte maritime. Ceci est d’autant plus vrai, que dans le cadre du Service public, cette structure est exempte du risque lié à la mise en concurrence par les appels d’offre Européens.
C’est donc vers cette dernière que se porte naturellement notre choix, la SPL est la structure qui donnerait le plus de garanties et de sécurité, pour asseoir une desserte maritime pérenne de la Corse.
A contrario, la SEM financière, reste à nos yeux, une fausse solution à un vrai problème. Une articulation risquée et non appropriée qui ne peut générer qu’une maîtrise des transports tronquée, voire artificielle.
QUELLE FLOTTE POUR LA COMPAGNIE PUBLIQUE CORSE
Pour répondre à cette question, il nous faut identifier les besoins de la Corse en matière de délégation de service Public, et considérer que ce périmètre vital pour le développement économique et social de l’ile, constitue le point de départ sur lequel nous devons adosser la flotte.
Aujourd’hui, la Délégation de Service Public détermine un périmètre, où le service est exécuté par 7 navires de type cargos mixtes (3 CMN-4 SNCM).
La DSP doit donc être le terrain où nous devons enraciner notre entité. En ce sens, le Président de l’Exécutif de la Collectivité Territoriale de Corse, dans une lettre étant adressée à notre Syndicat, lors de l’occupation du Pascal Paoli, en décembre 2013, précise : « La CTC n’a d’autres buts que la pérennité du Service Public et le maintien du plus grand nombre d’emplois possibles… pour ce faire, nous estimons que la constitution d’un outil régional de Service Public de la Corse serait la meilleure solution, probablement sous cette forme, la Société d’Economie Mixte » (Voir annexe n°3)
La disparition de la SNCM va directement concerner le périmètre de la DSP, dans la mesure où cette Compagnie agit à hauteur de 4 /7 en termes de matériel naval et donc, de la capacité fret/ passagers.
C’est de fait sur cette partie que doivent se consentir les efforts, pour d’une part, « pérenniser le Service Public » et d’autre part « maintenir le plus grand nombre d’emplois ».
• Détail de la flotte actuelle de la SNCM déléguée à la DSP
Nom du Année de Longueur Vitesse Capacité Fret
Navire Mise en (mètres) (nœuds) passagers (mètres
Service linéaires)
Pascal 2003 176 23 622 2300
Paoli
Paglia 1994 165,80 19 542 1925
Orba
Monte 1991 145 19 508 1530
D’oro
Jean 1998 200 27 1500 2200
Nicoli
- Financement et renouvellement de la flotte
Le financement de la flotte a de tout temps été dressé, comme un obstacle insurmontable à l’avènement d’une Compagnie dite « régionale ».
Soit, cela relevait d’une idée reçue de certains observateurs méconnaissant le dossier, soit, beaucoup moins honorable, cela était sciemment orchestré pour discréditer par la désinformation, l’idée d’une Compagnie Maritime Publique Corse.
Bien sûr, il n’en est rien ! Car, de par le fait que la création de notre Compagnie Publique, avec la récupération du matériel naval ne se fera pas ex nihilo, la mise en service de la future flotte, ne sera donc jamais une aventure économique, aux objectifs surréalistes.
La Corse, a au sein de sa Collectivité Territoriale, et ce, à maintes reprises, exprimé le souhait de voir le matériel naval en charge du Service Public, être versé au titre de son patrimoine public, ce qui serait la moindre des choses, dans la mesure où l’Assemblée de Corse, au travers du financement de dotation de continuité territoriale, à financer les navires.
Cette juste revendication, trouve en la situation actuelle de la SNCM, une occasion historique de se réaliser.
En effet, si la SNCM périclite, nous sommes de ceux qui pensent que le matériel naval dédié à la DSP, doit revenir à la puissance publique, et ne pas être une fois de plus, bradé à des intérêts prédateurs privés.
Afin de l’empêcher, nous souhaitons que la CTC fasse valoir ses droits dans le cadre d’une éventuelle procédure collective, dans le but de récupérer les 4 navires mixtes affectés au Service Public de continuité territoriale.
Il est évident qu’une fois la flotte récupérée, il nous faudra envisager à moyen terme son renouvellement et sa modernisation.
Le renouvellement de la flotte se fera en fonction de la sortie en sifflet des unités navales, elle sera programmée dans le temps et planifiée dans sa forme, pour être effective au plus tard, sous dix ans. La CTC devra en accord avec la Compagnie, faire appel à ces outils de financement, à la banque publique d’investissement, ainsi qu’à la caisse des dépôts. On peut également envisager un appel à l’épargne populaire Corse, en réservant une entrée au capital de la Compagnie, pour un actionnariat quantifié, non institutionnel.
Ensemble, et en s’appuyant sur la garantie de l’attribution de la dotation de Service Public de continuité territoriale, il devra être élaboré des solutions de financement pour l’acquisition de nouvelles unités. Celles-ci, pour être conformes à nos besoins et à nos ambitions, devront être des « Ropax », autrement dit, des navires rouliers accueillant des passagers.
Pour exemple, leur capacité en fret, devra être équivalente à celle du Pascal Paoli, soit 2300 mètres linéaires.
Leurs capacités en passagers, et ce afin de rationaliser au mieux les coûts liés à l’exploitation, devront être augmentées significativement par rapport à l’existant, pour atteindre une capacité totale de 1500 passagers par unité navale.
Toujours à des fins de rationalisation des coûts, ces navires devront bénéficier des nouvelles technologies, moins gourmandes en combustible et par conséquent, générant moins d’impact, tant au niveau des finances de l’entreprise, que sur un plan environnemental.
Lors de la construction, nous devrons pratiquer une politique de « clonage » pour avoir des « sister-ships ». Chaque unité devra être, à quelques détails près, identique aux autres. Ainsi, nous pourrons obtenir des économies importantes lors de l’achat de la flotte à venir.
Dans le même esprit, une politique rigoureuse d’entretien du matériel naval, menée sur des éléments semblables ou quasi identiques, permettra son maintien en bon état, et par conséquent, ralentira le vieillissement de la flotte.
Un autre avantage d’une telle politique, concerne le stockage des pièces et des produits d’entretien, puisque cela facilitera la gestion et la manutention, et permettra des économies substantielles.
A court ou moyen terme, nous devrons chercher des partenariats avec les entreprises industrielles locales, notamment avec les CFC.
En effet, il serait pertinent de s’appuyer sur les infra structures des Chemins de Fer de la Corse, qui disposent à Casamozza, d’un atelier d’une grande superficie.
Dès lors, nous devrions envisager une utilisation contractuelle commune des lieux, garantissant pour chaque partie, un gain financier.
Les CFC, par la location des locaux et du matériel d’usinage, bénéficieraient d’une manne financière non négligeable, la Compagnie Maritime éviterait elle, des surcoûts liés à l’achat du foncier, à la construction de bâtiments, ainsi qu’à l’achat de matériel d’usinage.
De plus, de par une politique commune d’achat et de stockage de la matière première, de réparation, et de l’usinage des pièces, le site connaitrait une mise en valeur par une activité productive. Elle serait bénéfique aux deux entités publiques Corses.
Pour finir, Casamozza, deviendrait de fait, en plus d’une plateforme technique, un point de dispatching, d’où la Compagnie maritime ravitaillerait les différents navires, dans les différents ports de Corse. La Compagnie Maritime deviendrait également, non seulement partenaire des CFC dans une activité industrielle, mais aussi un support commercial fort en empruntant pour l’occasion, le service du train.
Ceci étant, d’un point de vue technique, ce partenariat s’inscrirait dans une logique de montée en puissance des ateliers de Casamozza, tant au niveau opérationnel qu’au niveau des moyens humains adaptés à l’activité des deux entités publiques
Cette démarche permettrait une synergie industrielle et commerciale, qui trouverait traduction dans la mise en place d’un pôle ingénierie.
Après une étude sur l’impact écologique et sur les nuisances visuelles, et si celle-ci donne son aval, la Corse pourrait se doter d’un bassin pour la mise en cale sèche des navires. Cet outil permettrait aux unités navales de faire les arrêts techniques sur place, et non plus en France, en Italie, ou en Tunisie.
- Une flotte composée de « Sister ships » multiplie les avantages.
Nous l’avons vu plus haut, dès la construction et jusqu’à l’entretien, le fait de disposer d’une flotte composée de navires identiques, rationalise les dépenses et fait chuter le cout d’exploitation.
En ce sens, un autre avantage indéniable, se situe dans l’exploitation commerciale des navires.
En effet, à périmètre constant (celui de la DSP), les effectifs sont déterminés à l’identique par navire. Ces derniers peuvent donc être transposés dans le même périmètre d’activités, sans que cela puisse bouleverser l’organisation de travail à bord ainsi que son efficacité.
Exemple : Un navire ayant un effectif constant pour desservir le port de Bastia, pourra, avec le même niveau de sécurité et les mêmes niveaux de prestations, être déployé sur le Port d’Ajaccio, sans altérer ou alourdir la qualité et le coût du Service Public.
Cette gestion du personnel embarqué, planifiée et simplifiée, permet un haut niveau qualitatif en termes de maîtrise du savoir-faire et du service rendu. De plus, cette méthodologie permet d’atteindre une maîtrise des processus de sécurité très élevée.
Ainsi, les usagers du Service Public, bénéficieront avec la nouvelle flotte et la nouvelle organisation à bord de la Compagnie Maritime Publique Corse, d’un niveau de service et d’une qualité jamais égalés à ce jour
ROLE IMMEDIAT ET PERSPECTIVES D’AVENIR POUR LA COMPAGNIE MARITIME PUBLIQUE CORSE
Nous l’avons vu au début de ce document : « le transport maritime d’une île à une autre, ou d’une île au continent, a de tous temps tenu une place prépondérante dans l’état de santé économique de celle-ci ».
Cette règle est une constante, et fait des transports, à fortiori maritimes, un élément essentiel au développement économique et social de notre territoire
Ces transports doivent selon nous, être abordés sous deux angles, celui de l’immédiateté, et celui de la perspective. C’est seulement sous cette condition, que nous pourrons construire avec perspicacité, des transports efficients, pour répondre à nos besoins identifiés d’aujourd’hui, ainsi qu’à ceux que nous aurons identifiés demain.
- L’immédiateté
Il nous faut dès à présent disposer d’un outil fiable, performant et permanent. La fiabilité et la permanence sont deux notions indispensables et indissociables à une définition juste de ce que doit être un réel Service Public.
Dès lors, comment ne pas s’interroger sur la nature même du dialogue social au sein des Compagnies en charge de celui-ci, et sur le nombre de ruptures que le service a pu subir du fait de conflits.
Ceci étant dit, avant de poursuivre, nous affirmons que la grève est par nature pour nous, un acte « extraordinaire ».
Les travailleurs doivent pouvoir user de ce qui est leur droit inaliénable – l’acte de grève – Toutefois, ils doivent pouvoir le faire sans pour autant en abuser, car abuser de celui-ci, dénature sa portée, et de fait, le rend contre-productif.
Certains, acteurs du monde économique et/ou politique, ont, profitant des grèves à répétition dans le maritime, et plus particulièrement au sein de la SNCM, œuvré à la mise en place d’un service minimum en cas de grève.
Pour notre section syndicale, directement concernée par le débat, le service minimum est une réponse inappropriée au problème du blocage de l’île.
La solution réside à nos yeux :
1) Dans l’avènement d’un réel dialogue social, multipolaire, où seraient associées en amont de toute crise, toutes les parties prenantes. (Syndicats, Directions, Collectivités concédantes, usagers)
2) Dans le cas où les négociations connaîtraient l’échec, nous préconisons la mise en place d’un « service social et solidaire ».
En ce sens, notre Organisation Syndicale, par l’intermédiaire d’un de ses représentants au Conseil Economique, Social, Culturel de la Corse, a déposé une motion et obtenu un vote favorable à une large majorité (Voir annexe n°4)
Ce « Service social et solidaire » a par la suite été présenté par le groupe « Corsica Libera » à la Collectivité Territoriale de Corse, et a, là aussi, obtenu une très large majorité de voix en sa faveur.
Ce n’est prendre aucun risque que de dire, que ce document d’une portée politique évidente, a été très largement validé par la Corse et ses représentants.
Depuis, ni les Organisations Syndicales (à l’exception du STC bien sûr), ni les Directions n’ont voulu mettre en place ce dispositif au sein de leurs Compagnies. Faisant de fait, la démonstration qu’une fois de plus, les choix de la Corse leur étaient étrangers, et les laissent indifférentes.
Démonstration était également faite, que seuls les liens – bien souvent Co gestionnaires- qu’ils entretenaient entre eux, devaient prévaloir sur tout, y compris sur nos intérêts d’usagers réels du Service Public.
Ainsi, il nous faut repenser les transports, non seulement en termes de modernisation structurelle et juridique, mais également les repenser en des termes de modernisation du dialogue social, générant un véritable changement de mentalité, et par conséquent, un progrès.
Les transports de demain doivent être imaginés et construits par la Corse, et pour répondre aux besoins de la Corse.
La mission première de la Compagnie Corse de Service Public, sera de répondre aux besoins du cahier des charges de continuité territoriale, mais aussi, d’être un acteur central du développement économique et social de la Corse, en s’appuyant sur sa propre activité.
- A court terme, la Compagnie Publique Maritime Corse support d’un Service Public dans l’arc de la Méditerranée occidentale.
Le conseil économique et Social Européen en date du 25 avril 2002, plaidait, de manière très claire, pour une nouvelle règlementation, en faveur des services publics insulaires :
Art. 5.1.6 : “Même lorsqu’elle les autorise, l‘UE n’accepte des régimes d’aide, que dans le cadre des échanges intranationaux. Or le problème d’accessibilité au marché unique, dépasse le cadre national pour de nombreuses îles, qui ont des frontières maritimes, avec plusieurs états, comme, en Méditerranée (exemple : Corse – Italie…)… la limite de telles aides aux échanges avec la seule métropole, parait, à cet égard, discriminatoire, et contraire au traité… la législation européenne, doit explicitement permettre d’appliquer les dispositions applicables en la matière, d’obligation de service public (OSP), et de contrats de service public, aux liaisons nationales, à toutes les liaisons intracommunautaires“.
Art. 5.1.8 : “Dans le cas des îles de Méditerranée, ces aides devaient pouvoir couvrir les échanges avec les états membres de l’ensemble de l’espace méditerranéen, leur montant étant toutefois plafonné aux surcoûts subis, sur les échanges avec la métropole“.
Ainsi, cette Institution a, il y a plus de dix maintenant, emboité le pas à bon nombre d’acteurs économiques, politiques, associatifs et syndicaux, pour revendiquer une évolution du cadre juridique concernant la mise en place d’un nouveau dispositif de continuité territoriale à l’échelle Européenne.
Constatons que de nos jours, de plus en plus de voix s’élèvent et se font entendre, pour réclamer la mise en place d’un Service Public entre la Corse et la Sardaigne, iles sœurs distantes seulement, de 13 kms l’une de l’autre.
En ce sens, ils rejoignent le STC marins, qui, depuis près d’une décennie, plaide pour la mise en place d’un Service Public dans l’arc de la Méditerranée occidentale.
La création d’une liaison pérenne entre la Corse et la Sardaigne, est dans le cadre cité ci-dessus, pour nous, une priorité, pour laquelle nous sommes intervenus politiquement à maintes reprises, notamment au Conseil d’Administration de l’Office Des Transports. (Voir Annexe n°5).
De toute évidence, et tenant compte de l’avis favorable d’une majorité d’élus régionaux, ainsi que ceux de la Collectivité autonome Sarde, cet objectif constitue à moyen terme, un objectif politique et économique majeur à atteindre.
Son avènement, sera déterminant pour nos relations et pour construire un développement économique respectif, tenant compte concomitamment de nos intérêts collectifs.
Dès lors, dans le périmètre de cette nouvelle dimension de transports maritimes, notre entité publique, aura un rôle majeur à jouer, pour asseoir dans le temps, une desserte de continuité territoriale adaptée à notre environnement immédiat, et de dimension Européenne.
C’est donc, conformément à cet objectif, que nous devons dans un deuxième temps, ouvrir la Corse vers l’ouest de la Méditerranée, autrement dit, à la Catalogne, via Barcelone.
Déjà en 2004, le STC marins rendait public un projet allant dans ce sens (voir annexe n°6).
Il est à noter que celui-ci, a été présenté aux autorités politiques, Catalanes de l’époque, qui n’avaient pas caché qu’elles étaient favorables à l’idée.
- Quel cadre juridique pour asseoir un Service Public Européen
De par le fait que la législation en la matière, est évolutive, un inventaire des règlements européens doit être effectué, afin de pouvoir nous appuyer sur tout dispositif juridique et économique, nous permettant d’atteindre nos objectifs initiaux.
Nous pensons, que pour vivre dignement sur notre terre et garantir ce droit aux générations futures, il nous faut redéfinir des droits sociaux et un modèle économique, qui n’oppose pas les besoins collectifs vitaux, à la préservation du patrimoine et des ressources.
La défense des Services Publics, doivent être abordés selon cette philosophie d’action, à l’échelle insulaire et européenne.
Nous devons nous opposer aux politiques de privatisation, et utiliser tout dispositif Européen existant dont, nous pourrions en tirer des avantages collectifs.
Ainsi, il nous faut pouvoir utiliser des dispositifs tels que les G.E.C.T.
Règlement (CE n°1082/2006 du Parlement Européen et du Conseil du 5 Juillet 2006).
Relatif à un Groupement Européen de Coopération Territoriale (G.E.C .T)
Article 3 :
Composition du G.E.C.T
- Le G.E.C.T est composé de membres, dans les limites de leurs compétences en vertu du droit national, appartenant à une ou à plusieurs des catégories suivantes :
a) Etats membres ;
b) Collectivités régionales
c) collectivités locales ;
d) Organismes de droit public au sens de l’article 1, paragraphe 9, deuxième alinéa, de la directive 2004/18/CE du Parlement Européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
Les associations composées d’organismes appartenant à une ou à plusieurs de ces catégories peuvent également être membres.
2. Les membres d’un G.E.C.T sont situés sur le Territoire d’au moins deux Etats membres.
Article 7 :
Missions
Paragraphe 2 :
Le G.E.C.T agit dans le cadre des missions qui lui sont confiées, qui se limitent à faciliter et à promouvoir la coopération territoriale afin de renforcer la cohésion économique et sociale, et qui, sont déterminées par ses membres, étant entendu qu’elles doivent toutes relever de la compétence de chacun d’entre eux, en vertu de son droit national
Ces deux articles cités ci-dessus, sont en conformité avec les attributs de la Corse en matière d’organisation de ses transports extérieurs, tels que définis par la dernière loi de décentralisation.
La Collectivité Territoriale de Corse, est donc éligible à la mise en place des GECTs.
De plus, la France est déjà partenaire d’un G.E.C.T, regroupant l’Espagne, l’Italie, et Chypre, celui-ci s’intitule :
G.E.C.T ArchiMed
ArchiMed, pour Archipel Méditerranéen est un Groupement Européen de Coopération Territoriale mis en place en 2009 entre différents partenaires Européens présents autour de la mer Méditerranée.
Il vise à promouvoir les intérêts de ses membres partenaires vis-à-vis de l’Union Européenne, à favoriser les échanges économiques, culturels et politiques, et à mettre en œuvre des programmes, des projets et des actions de coopération territoriale dans le but de développer ces Territoires Insulaires. Ce GECT s’intègre dans le cadre plus large du programme INTERREG européen Medocc inscrit dans le cadre de la politique régionale de l’Union Européenne.
Domaines d’activités :
Comme les autres GECT, la coopération est assurée concrètement sur le terrain par divers moyens et au travers de diverses activités :
– Développement rural (ces régions sont généralement au cœur des politiques de développement Européen)
– Pêche (la mer Méditerranée constitue un espace halieutique important pour ses riveraines)
– Transports (maritimes et aériens)
– Gestion durable des ressources naturelles
– Activités culturelles
– Migrations de population (notamment des travailleurs)
– Tourisme (première source de revenu pour les Baléares, la Sicile et la Sardaigne)
– Energie
– Recherche et innovation
Le dispositif Groupement Européen de Coopération Territoriale (G.E.C.T) a pour but de faciliter une coopération des collectivités, des établissements, au travers des frontières Européennes.
Pour nous, ces mesures politico juridiques doivent s’inscrire dans une logique d’intérêt collectif, de partage des richesses, ainsi que de compétences, prenant en compte des spécificités locales, la dimension sociale.
Elles devront aussi respecter le patrimoine culturel et environnemental des peuples et des régions impliqués. Ces points fondamentaux doivent permettre les échanges économiques entre les états et les régions, ou les régions entre elles, en évitant le lobby de grands groupes financiers et des multinationales.
Pour ce faire, nous devons mettre en place un réel Service Public à la disposition du peuple et des Usagers.
Avec un total de 308 milliards d’Euros mis à disposition par l’Europe et destinés à financer les actions, le G.E.C.T est une véritable arme juridique et financière dont le Peuple Corse doit s’emparer pour promouvoir différentes Politiques de Développement de Services Publics Interrégionaux.
En plus d’un G.E.C.T, la mise en place « d’autoroutes des mers », pourrait être un outil supplémentaire au service du développement économique et social de la Corse.
Ces « autoroutes », priorité du grenelle de l’environnement, ont pour objectif de développer des alternatives aux transports routiers de marchandises.
La France et l’Espagne ont décidé, en février 2009, d’apporter une contribution importante, de 15 millions d’euros, par Etat, et par projet, pour développer des « autoroutes des mers » entre les deux pays, sur la façade Atlantique.
Ainsi, furent lancées deux « autoroutes des mers » entre la France et l’Espagne, le 27 février 2009.
Il nous faut demander à ces deux Etats, de consentir au même effort en Méditerranée, et en partenariat avec l’Italie, de créer un pôle, afin de permettre une cohésion entre les différents états et régions de Méditerranée occidentale.
L’avantage de ce dispositif sera pour la Corse, de se situer au cœur d’un marché reliant la péninsule ibérique d’une part, à l’Italie d’autre part.
Nous pouvons donc affirmer que d’ores et déjà, il existe des instruments de développement économique et social, qui, s’ils étaient appliqués à notre île, lui permettraient de ne plus subir une politique des transports verticale, mais ouvriraient une transversalité et un maillage nouveau dans un espace géographique, jusqu’à ce jour inaccessible.
L’avantage de ces outils (GECT et autoroutes des mers) fait qu’ils sont cumulables entre eux-mêmes, mais aussi, avec tout autre dispositif européen, ayant pour but et pour nature, le développement des territoires régionaux.
Au-delà des dispositifs qui précèdent, l’Europe fixe un cadre légal général, qui, de manière globale, renforce la position des territoires insulaires, tout autant que l’on s’appuie sur l’esprit du texte, pour construire et revendiquer, tout nouveau dispositif.
Pour exemple, citons le traité de l’Union Européenne :
Art. 158 (ex art. 130 A) : “Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la communauté, celle-ci développe et poursuit son action, tendant au renforcement de la cohésion économique et sociale, en particulier, la communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions, et le retard des régions, ou îles les moins favorisées, et les zones rurales“.
Une précision s’impose par rapport à ce texte. Selon cette traduction, seules les iles défavorisées pourraient bénéficier des avantages ou mesures de corrections prévues.
Or, il apparait que la version Français est erronée :
Les versions Italiennes et Suédoises du traité, ne font aucune distinction entre les iles, selon leur caractère supposé favorisé. Elles font référence « aux régions moins favorisées » d’une part, et « aux iles » d’autre part, c’est à dire, à toutes les iles sans distinction.
Il nous faut donc, exiger de la part des autorités Françaises, une lecture moins exhaustive, car si tel n’était pas le cas, cela créerait une discrimination à l’endroit de notre territoire insulaire, en comparaison notamment de la Sardaigne, de la Sicile, l’ile d’Elbe …
Toutefois, et sans plus attendre, nous pouvons nous appuyer sur la déclaration annexe de l’acte final d’Amsterdam
Déclaration (n°30) relative aux régions insulaires : “La conférence reconnaît que les régions insulaires, souffrent de handicaps structurels, liés à leur insularité, dont la permanence nuit gravement à leur développement économique et social. Aussi, la conférence reconnait elle, que la législation communautaire doit tenir compte de ces handicaps, et que des mesures spécifiques doivent être prises, lorsque cela se justifie, en faveur de ces régions, afin de mieux les intégrer au marché intérieur, dans des conditions équitables“.
Enfin, les conclusions du conseil européen de Nice, confortent l’idée de la nécessité d’actions spécifiques à l’endroit des régions insulaires, ainsi on peut lire :
Régions insulaires : “Le conseil européen, sur la base de la déclaration n°30, annexée au traité d’Amsterdam, confirme la nécessité d’actions spécifiques, au bénéfice des régions insulaires, conformément à l’article 158 du TCE, en raison de leurs désavantages structurels, qui en ralentissent le développement économique et social, dans les limites des disponibilités budgétaires“.
Au-delà de ce cadre légal, il est à noter que le rapport parlementaire sur la desserte de la Corse, fruit de la mission conduite par Monsieur Charles Revet, Sénateur de la Seine Maritime, suggère de : « Lancer une étude globale pour définir les besoins à moyen et long terme, de la Corse en matière de desserte maritime pour les passagers et le fret, et portant notamment sur les conditions de desserte des ports départementaux, pour mieux adapter les moyens au volume du trafic, et sur les liaisons susceptibles d’être créées entre les régions et les iles de la Méditerranée pouvant favoriser l’intégration de la Corse dans son environnement régional »
NOTRE COMPAGNIE PUBLIQUE, SUPPORT NAVAL ET TECHNIQUE D’UN CABOTAGE COTIER
Nous l’avons vu, notre entité publique devra avoir pour mission d’apporter des réponses aux problèmes de transports maritimes de la Corse.
A court terme, en assurant la délégation de Service public de délégation de continuité territoriale, à moyen terme, en étant au cœur d’un dispositif de continuité territoriale Européenne, enfin, à long terme, soit à l’horizon de 20 ans, en organisant le cabotage côtier.
En effet, le projet d’aménagement et de développement durable de la Corse, prévoit et précise dans son schéma de mise en valeur de la mer, l’ambition de dynamiser l’économie littorale et maritime.
Ainsi, et constatons que la route du littoral de la côte occidentale de la Corse ne permet pas une fluidité nécessaire, le document propose un mode de transport « moderne et innovant », par la mise en place, de navettes maritimes pour un cabotage entre les ports.
Dans cette optique, et étant entendu que ce type de liaison aurait pour avantage, de désengorger le trafic routier, de minimiser l’impact sur l’environnement, de développer économiquement et socialement les territoires.
Voici un exemple d’exploitation :
Liaison Ajaccio/Porto*/Calvi * Port de Castagna
Ajaccio/ Porto : distance 38’ soit 2h
Porto/ Calvi : distance 28’ soit 1h30
Départ Ajaccio 7h30 – arrivée Porto 9h30
Départ Porto 10h30 – arrivée Calvi 12h
Départ Calvi 14h – arrivée Porto 15h30
Départ Porto 16h30 – arrivée Ajaccio 18h30
Remarques :
Pour desservir Porto, nous pensons qu’il faut réhabiliter et développer le Port de Castagna, autrefois utilisé pour l’exploitation de bois, charbon, pierres ou d’autres marchandises, telles que les agrumes…
Cela permettrait d’une part d’ancrer Porto dans le maillage du cabotage côtier, et d’autre part, d’encadrer la plaisance dans ce site remarquable en offrant des infrastructures modernes aux plaisanciers. (Voir annexe 7)
En ce qui concerne le matériel naval pour le cabotage, nous pensons que des navires fret/passagers d’une longueur de 50 mètres, avec un tirant d’eau maximum de 3 mètres, et une vitesse d’environ 25 nœuds, seraient les plus appropriés pour ce service.
*ce modèle est calculé sur une base de 20 nœuds
CONCLUSION
Nous l’avons vu tout au long de ce rapport, il existe une impérieuse nécessité pour la Corse d’organiser ses transports maritimes, ceci revêt un caractère essentiel, voire vital pour le devenir de notre île.
Cette organisation, ne peut se limiter à une seule rédaction du cahier des charges de continuité territoriale. Ce seul acte « administratif », est, en termes d’aménagement du territoire, de développement économique et social, d’ouverture de la Corse sur son environnement, au mieux de portée limitée, au pire, totalement inapproprié.
Il est évident, que si nous voulons que nos transports jouent un rôle dans le développement de notre île, notamment en étant support de notre politique commerciale (exportations), il nous faut, non seulement définir et rédiger nos besoins au sein d’un cahier des charges, mais il nous faut parallèlement à cela, disposer de l’outil industriel pour veiller à la traduction commerciale et économique de nos desiderata politiques en termes d’organisation du territoire. Non ! La maîtrise des transports par la Corse et pour la Corse, n’apparait plus aujourd’hui comme une chimère. Non ! Cette idée n’est plus présentée comme un dogme, support idéologique de quelques « extrémistes ». Cette idée est aujourd’hui, incontestablement partagée par une majorité de citoyens au sein de notre Peuple.
Depuis des années, les marins du STC, animés par l’intérêt collectif, n’ont eu de cesse que de chercher à convaincre, là où d’autres, par corporatisme et intérêt personnel, se sont acharnés à vouloir contraindre.
Ainsi ce document, à l’heure où des changements s’annoncent, se veut, au regard d’éléments factuels, incontestables, être un instrument support de réflexion.
Disons-le clairement, deux options s’offrent à la Corse d’aujourd’hui et de demain, soit celle-ci se borne à être assujettie à des intérêts extérieurs aux siens (privés, politiques, économiques…), et elle devra pour des décennies encore, s’agenouiller devant les « puissants ». Soit elle décide, sans arrogance ni mépris, de s’élever à la hauteur des enjeux, et de se grandir en répondant aux besoins qui sont les siens.
Bien sûr, notre Organisation Syndicale et nul n’en sera surpris, milite pour la deuxième option.
Celle-ci passe par l’avènement d’une Compagnie Maritime Publique Corse, outil réel du développement économique de l’île. Un instrument moderne reposant sur un axe stratégique, lui permettant de répondre immédiatement aux besoins de la continuité territoriale historique, mais aussi, d’être en capacité de répondre à moyen et à long terme aux besoins de la Corse, quant à son ouverture vers l’autre au travers d’un Service Public Européen, mais également, quant à la mise en place d’un cabotage côtier sur sa façade occidentale.
PER CUSTRUI I TRASPORTI DI A CORSICA …. ALTRIMENTI !!!!
STC MARINARI