La poule aux oeufs d’or est triste, son coq est devenu impuissant. Qu’apporte encore le tourisme à la Corse ? Toutes les enquêtes le montrent : le modèle de développement dans lequel l’île s’est enfoncée depuis des décennies n’est pas viable. Un infime pourcentage de la population insulaire profite de cette manne, pendant que le reste en pâtit. Alors, même si les pouvoirs publics semblent vouloir continuer tête baissée dans cette voie, voici 10 raisons d’en finir avec le tourisme.
1. Le tourisme ne rapporte plus rien !
Selon la toute récente enquête de l’INSEE en collaboration avec Le Monde 1 , la Corse est la « région » qui tire le moins de revenus de son activité touristique avec 2,5 milliards d’euros annuels. Moins que des régions comme le Centre ou la Bourgogne… Cela vaut-il le coup de subir tous les désagréments du tourisme pour d’aussi faibles retombées ?
2. La Corse est ultra-dépendante du tourisme
Toujours selon la même enquête, la Corse est la « région » la plus dépendante de l’activité touristique, avec 31% du PIB, juste devant PACA avec… 12%. On tombe à 7% pour la Guadeloupe, 9% pour la Martinique. Quel territoire au monde se permettrait d’être aussi dépendant d’un seul secteur ? Même dans des pays ultra-touristiques comme la République Dominicaine ou la Thaïlande, la part du tourisme ne dépasse pas les 10% du PIB.
3. Le tourisme n’est pas durable, il peut s’arrêter du jour au lendemain
75% des visiteurs sont Français, le reste du contingent touristique venant essentiellement d’Italie 2. Lorsqu’on connaît la situation économique actuelle dans ces pays, cela ne laisse rien présager de bon. Comment faire si la crise s’intensifie et que les Français préfèrent choisir des destinations aussi belles et moins chères que la Corse ? Ou qu’ils n’ont tout simplement plus les moyens de partir en vacances ? Que se passera-t-il si le Languedoc ou la Croatie deviennent les nouveaux « spots » à la mode pour les millions d’héliotropistes européens ? Le tourisme ne repose sur rien, et peut s’effondrer à tout moment.
4. Le tourisme ne produit rien : c’est du vent !
En se consacrant au tout-tourisme, la Corse a complètement délaissé ses activités de production. Le tourisme brasse du vent et même de l’argent, mais ne produit rien. Aujourd’hui, on ne fabrique plus rien sur l’île, même pas l’essentiel. Tout est importé. Ce n’était pas le cas, il y a encore quelques dizaines d’années. Ce constat est gravissime car, en cas de problème au niveau des transports, la population serait très rapidement en pénurie de biens vitaux. (Cf Grève SNCM.). Et encore une fois, en cas de crise économique, le pire est à craindre. Constat difficile, lorsqu’on sait que la Corse était un jardin à ciel ouvert il n’y a même pas 50 ans.
5. Le tourisme, c’est vivre 4 mois sur 12 !
Le tourisme en Corse n’est pas une activité saisonnière mais hyper-saisonnière. 93% des nuitées en hôtel sont réalisées entre avril et octobre, et les vols dans les aéroports en été sont multipliés par huit.3 Il est impensable qu’une économie ne tourne que 4 à 5 mois par an, et dorme le reste du temps. C’est un immense gâchis quand on connaît les potentialités de la Corse.
6. Le tourisme, c’est la culture de la médiocrité et la fuite des cerveaux
Quel avenir pour les jeunes diplômés corses ? Va-t-on demander à un ingénieur de faire la plonge en restauration ? Est-il normal que les Bac+5 se retrouvent obligés de déserter leur île pour trouver un travail à la hauteur de leur formation ? Sur les 10 métiers les plus demandés en Corse : 9 sont en lien avec le tourisme, et aucun ne demande de qualification spécifique 4. Bien évidemment, tous les salaires correspondants tournent autour du SMIC. Le tourisme éteint les cerveaux ou les fait fuir.
7. Le tourisme, c’est l’assurance d’une inégale répartition des richesses
La Corse est tout en haut du classement des régions concernant l’écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres5. Le taux de pauvreté est, quant à lui, le plus important de France avec 19,7%, loin devant la moyenne nationale qui est de 14% 6. Le tourisme ne fait pas vivre la Corse : il fait vivre quelques personnes fortunées, qui continuent d’investir et de s’enrichir, pendant que le reste survit.
8. Le tourisme, c’est la pollution, le dérangement, la surpopulation.
Trois millions de touristes en trois mois, sur un territoire habilité à en faire vivre 300.000. Embouteillages, insalubrité, surpopulation, pollution environnementale, visuelle et sonore… Le tourisme s’accompagne de très nombreux désagréments qui ont un impact néfaste sur la qualité de vie des habitants.
9. Si l’on arrête de voir le tourisme comme l’unique voie de développement, tout s’offre à nous
La Corse consacre 0,24% de son PIB à la recherche et au développement. Neuf fois moins que la France. Trois fois moins que la Sardaigne. L’agriculture représente 2,3% du PIB (3,5% en France) et diminue chaque année de 12,5%. Seuls 36% de la surface de l’île sont exploités pour l’agriculture contre 54% en France. 7 A cause du tourisme, la Corse est devenue une terre aride, improductive, tant sur le plan agricole qu’industriel ou intellectuel. Ce que des générations de Corses avaient mis en place s’effondre sous des hectares de maquis, alors que l’on s’entasse en bord de mer.
10. Parce qu’ailleurs, tout le monde en revient. Alors pourquoi persévérer ici ?
Aux Baléares, on s’est rendu compte (peut-être trop tard) de la catastrophe engendrée par le tout-tourisme saisonnier. Difficile de revenir sur un demi-siècle de béton, mais les politiques tentent de diversifier l’économie, de remettre sur pied des espaces verts et de détruire les constructions hideuses de bord de mer. Avant que l’on en arrive là, n’est-il pas l’heure de tout stopper ?
A tout cela, on peut rajouter l’augmentation des prix du foncier due à la spéculation, l’augmentation des prix des biens de consommation immédiate subie par les Corses, l’explosion du marché du travail au noir, des recettes « cachées » (locations privées non déclarées…), du banditisme lié au BTP et aux entreprises touristiques, de l’implantation de capitaux étrangers pas très clairs dans l’économie locale…
Afin de prévenir les potentielles réactions des professionnels du tourisme qui liront ces lignes : Bien évidemment, le propos de ce petit « top 10 » (que l’on pourrait facilement transformer en « top 20 ») n’est pas de demander l’arrêt pur et simple du tourisme en Corse. Il s’agit simplement de pointer du doigt les côtés néfastes du tourisme, que l’on nous présente comme la seule et unique voie de développement pour ce pays. Tous les économistes et analystes s’accordent à le dire9 : il faut diversifier l’économie de la Corse, sans quoi nous irons au devant de grandes déconvenues. Et lancer aux oubliettes le principe selon lequel « rien n’est possible ici »…
Les jeunes Corses méritent d’autres perspectives d’avenir que celle qui les condamne à servir des cafés trop chers à des touristes trop pingres. La terre Corse mérite mieux que d’être foulée par des millions de vacanciers qui ne font pas la différence entre Girolata et la Grande-Motte. Cette île, la plus riche en ressources de toute la Méditerranée, mérite mieux que cette interminable jachère. Il est temps de dire stop à cette prostitution platonique, stop au tout-tourisme.
(…) photos d’archives
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