L’impétuosité créative des populations en colère a toujours quelque chose d’imprévisible, comme ces manifestants de Portivechju qui, s’insurgeant contre ceux qui les agressaient à la lance à incendie depuis le pont du cargo mixte, ont réussi à couper les amarres du bateau de la SNCM à l’aide de quelques pneus enflammés. L’Etat en avait fait l’expérience amère il y a bientôt quarante ans à Aleria. Aujourd’hui, à nouveau, la situation peut déraper !
Les ingrédients sont quelque part les mêmes. L’attente de la population est très forte et l’Etat y répond brutalement par la négative. Il y a quarante ans, un certain Libert Bou avait cherché l’ouverture institutionnelle, puis avait eu cette formule restée célèbre, en forme de rupture du dialogue : « même si 200.000 Corses choisissent l’autonomie, la Corse ne pourra jamais le devenir ! »
La même fin de non-recevoir vient d’être énoncée par Bernard Cazeneuve, face à la majorité absolue de l’Assemblée de Corse : les évolutions demandées, l’Etat se refuse même à les discuter car elles mettent en cause ses « fondamentaux » les plus jacobins.
Sur ce, comme il y a quarante ans, se greffe un mouvement social qui monte en puissance, fondé sur le traitement discriminatoire appliqué à la Corse. On se souvient à l’époque de cette « SAFER » que l’Etat refusait à la Corse, et qui fut créée quelques semaines seulement après les « événements » d’Aleria. Aujourd’hui c’est la crise de la SNCM et ses rebondissements erratiques qui échauffent les esprits car ce conflit conduit tout droit à la ruine de la Corse sans que cela n’émeuve quiconque parmi les autorités parisiennes. Pour preuve les déclarations de Manuel Valls, premier ministre, ou de Frédéric Cuvelier, Ministre des transports, durant ce week-end, à propos du conflit : ils n’ont pas eu un mot pour la situation en Corse, au début d’une saison touristique que la grève, et le blocus du port de Marseille, toléré par l’Etat, sacrifient sans hésiter.
Le Préfet l’explique à la presse : ils ont des scrupules face aux risques pour l’ordre public s’ils débloquaient par la force le port de Marseille où est retenu le Kallisté de la CMN, privant la Corse d’un service minimum. Mais, dans le même temps, les mêmes autorités de l’Etat n’ont aucun scrupule à tabasser quarante chefs d’entreprises corses en Préfecture pour qu’ils évacuent les lieux plus prestement. Les voir sur internet, hommes et femmes, à soixante ans passés, insultés, traînés au sol, le visage ensanglanté, nous a tous révulsés. Mais la réaction aux événements est presque plus éloquente que les événements eux-mêmes : le plus simple aurait été de présenter des excuses, le Préfet s’est contenté de « déplorer ». Bref, il joue sur les mots…
Pendant ce temps la situation se dégrade chaque jour davantage. On apprend ainsi que les touristes privés de bateaux sont refoulés sans dédommagement et que ceux qui traversent quand même la Méditerranée grâce à la Corsica Ferries, de l’ordre de un sur dix, le font à leurs frais, en payant une seconde fois leur passage, sans compter les contretemps et les surcoûts. A part ça le Préfet assure que « tout est fait pour que la Corse pâtisse le moins possible du conflit ». C’hè da ride !!!
Bref, en ce début d’été 2014, c’est le naufrage de l’Etat en Corse qui accompagne le naufrage annoncé de la SNCM. Tous les atermoiements, les annonces électorales faites aux marseillais, les faux semblants ministériels ont pour résultat l’enlisement du conflit et un modus vivendi très continental qui consiste à penser que si la Corse est seule à faire les frais du blocage syndical, c’est moindre mal pour les intérêts marseillais et gouvernementaux !
Et il faudrait que les Corses acceptent sans broncher ce cynisme dont ils sont seuls à pâtir ! Les socio-professionnels le refusent, tous les Corses sont avec eux. Aussi le temps est compté pour l’Etat s’il veut éviter un mouvement contestataire général. Mais, pour cela il faudrait qu’il renonce spectaculairement à la politique de la porte fermée et de la matraque brandie, ce qu’il n’a visiblement pas l’intention de faire. A tel point que Marylise Lebranchu a décidé in extremis d’annuler une réunion avec les élus de la Corse, bien persuadée que, sur les bases de Bernard Cazeneuve, il n’était vraiment pas nécessaire qu’elle fasse le déplacement sur l’île.
La politique du gouvernement conduit à une nouvelle impasse pour l’Etat français en Corse. L’Histoire est un perpétuel recommencement.
(…)
CorsicaInfurmazione.org by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]