En annonçant le lancement d’un processus de désarmement et d’arrêt définitif de la « lutte armée », le FLNC change la donne politique corse. Une page de l’histoire de la Corse se tourne, une autre va s’écrire désormais.
Ce renoncement à la violence était inscrit dans une logique politique de plus en plus forte.
En Europe, trois conflits armés s’étaient solidarisés durant les années 70-80 en Irlande du Nord, au Pays Basque et en Corse. Leur évolution depuis 1998 et la résolution du conflit irlandais, puis en 2010 avec la décision unilatérale des basques d’ETA d’arrêter la violence, mettait l’organisation clandestine corse dans l’obligation, à plus ou moins long terme, de se déterminer à son tour.
En Corse, depuis de nombreuses années, l’intensité de l’action du FLNC avait beaucoup baissé, et dans ce contexte de détente, un dialogue a été possible tout au long de l’actuelle mandature de l’Assemblée de Corse conduite par Paul Giacobbi. Ce dialogue a amené une très large majorité d’élus à se rassembler, en opposition avec l’Etat français, pour obtenir des avancées institutionnelles significatives autour du triptyque reconnaissance constitutionnelle, co-officialité et statut de résident. Tous les échanges menés lors de ces débats sous-entendaient qu’à un moment ou un autre le FLNC prendrait une telle initiative. Un engagement tacite était sans doute là pour qu’elle intervienne au bout du processus de dialogue interne à la société corse, matérialisé par les votes de la majorité absolue de l’Assemblée, avant que ne s’engage une nouvelle campagne électorale. L’instant choisi par le FLNC est donc tout à fait logique.
Certes le « processus de démilitarisation » n’en est qu’à son commencement. Il peut être contesté de l’intérieur et connaître des débordements de groupes plus activistes. Et le théâtre de la violence corse occupe de nombreux autres acteurs avec des affrontements qui ont déjà, par le passé, aspiré l’organisation clandestine, à tel point que le communiqué du FLNC en évoque l’hypothèse. Le cheminement n’est donc pas clairement établi, mais l’objectif, lui, est clairement défini, et il est probable qu’il soit respecté à moyen terme. La Corse entre dans une nouvelle époque.
L’attitude de refus de dialogue du gouvernement n’est alors qu’une donnée secondaire et conjoncturelle. Certes, le « niet » de Bernard Cazeneuve représente une provocation manifeste. Mais le contre-pied que réalise l’annonce du FLNC est sans doute une réponse plus déstabilisante pour l’Etat qu’une reprise d’attentats dont il a appris à maîtriser l’impact médiatique, et dont il sait les effets dévastateurs sur le consensus interne à la majorité politique des « réformistes » en Corse. Or ce consensus est aujourd’hui son principal problème, et le plus important pour nous est que rien ne vienne le compromettre.
Car le véritable enjeu des futures échéances politiques, notamment les territoriales, ce sera « front républicain » contre « front progressiste », chacun devant asseoir sa légitimité démocratique au sein du peuple corse. Une majorité progressiste au sein de la future Assemblée de Corse est aujourd’hui tout à fait envisageable. Elle se ferait en trois temps, premier tour, deuxième tour puis troisième tour des élections, jusqu’à mettre en place un exécutif pluriel dont le leadership sera déterminé par les résultats électoraux. Cette majorité peut être portée par une véritable cohésion, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisqu’une bonne partie des forces qui ont soutenu Paul Giacobbi quand il a été élu président du Conseil Exécutif ont combattu ouvertement ses choix institutionnels.
Le PNC, Femu a Corsica et l’ensemble du mouvement nationaliste, dont la vocation évidente est de participer au front progressiste, doivent se préparer à cette perspective de prise du pouvoir institutionnel dans l’île, élément essentiel du futur rapport de forces avec l’Etat. Chacun devra jouer son rôle, et assumer les concurrences internes, tout en ménageant, à chaque instant, les chances de la convergence qui devra intervenir, tôt ou tard.
Le plus important, sur fond de difficultés grandissantes de la Collectivité Territoriale de Corse, sera d’apporter une véritable crédibilité pour sa gestion future. Car la question n’est plus « avons-nous besoin d’une autonomie? », mais de savoir si la Corse est en capacité de la gérer efficacement au profit du peuple corse.
Femu a Corsica a beaucoup à apporter dans ce challenge. A lui de s’organiser pour le faire.
François ALFONSI
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