(CorseMatin) Le préfet de Corse Christophe Mirmand confirme les propos du ministre de l’Intérieur et lève toute ambiguïté. Il explique les raisons pour lesquelles la coofficialité et le statut de résident sont illégaux
Vous avez adressé un courrier ardu mais précis à Paul Giacobbi. Est-ce une manière de signifier que le préfet de Corse reprend la main ?
Ma démarche n’est pas singulière, même si elle prend, peut-être, un relief particulier dans l’île. Cette lettre est une manière d’expliquer la position du ministre de l’Intérieur. Suite à la visite en Corse de Bernard Cazeneuve et à son discours, il y avait une nécessité d’explication, de pédagogie vis-à-vis notamment d’un certain nombre de réactions qui se sont exprimées.
Mon premier souci est d’appeler à la sérénité et de préciser que le gouvernement n’est nullement sur une position de fermeture, de blocage, encore moins d’un rapport de force entre la Corse et Paris.
Le gouvernement est donc toujours attaché à poursuivre le dialogue ?
Tout à fait. La position du gouvernement est différente de ce que certains avaient pu entrevoir, mais le ministre de l’Intérieur est attaché à la poursuite d’un dialogue qui a été construit avec les élus de la Corse et qui se poursuivra le 4 juillet prochain avec la ministre de la Décentralisation. Ce dialogue s’inscrit dans un débat que l’on peut relier à l’évolution des collectivités territoriales.
Vous pensez que les déclarations du ministre de l’Intérieur ont été mal interprétées ?
Il y a eu des propos extrêmement durs, certains étaient même menaçants. Mon souhait est d’appeler à la raison. En Corse, Bernard Cazeneuve a rappelé le droit sur la coofficialité, le statut de résident et l’arrêté Miot. Le droit c’est aussi le sens de la lettre que j’ai adressée à Paul Giacobbi.
Ce courrier fait le point sur les fortes contraintes juridiques. Certes, l’État est prêt à discuter d’une évolution institutionnelle, certes les souhaits des élus d’être en avance par rapport à la loi de décentralisation étaient légitimes, mais ces demandes ne peuvent pas s’affranchir d’un certain nombre de limites juridiques qu’il importe de rappeler.
On ne peut pas envisager de fonder sur des bases spéculatives une évolution institutionnelle qui a terme se heurte à un mur.
Que pensez-vous des rudes propos du président de l’exécutif, prononcés à l’issue de la visite ministérielle ?
Lorsque des propos excessifs sont prononcés, il faut revenir à l’essentiel. L’essentiel, c’est le fond, c’est le droit.
La critique des élus s’est portée sur la contestation juridique qui fondait la position du ministre. Vos explications sont plus convaincantes ?
J’ai transmis tous les éléments d’analyse juridiques, techniques sur lesquels cette position a été fondée. L’argumentaire n’est pas basé sur l’opportunité, mais sur la technique. J’explique qu’on ne peut pas bâtir sur du sable une position qui ne pourra pas arriver à son terme.
Je dis que cette « illusion » ne peut pas résumer l’échange entre les élus et l’État, je donne des pistes de réflexion.
Les craintes ne sont pas récentes. Pourquoi avoir laissé l’assemblée de Corse aller droit dans le mur ?
Il n’y a pas eu d’occasion d’expliquer de façon aussi détaillée les raisons pour lesquelles il apparaissait difficile d’aller plus loin dans l’analyse.
Il y a eu moins de deux mois entre le moment où la délibération sur le statut de résident a été prise et le souci du gouvernement de donner des explications, l’éclairage juridique. On ne peut pas critiquer l’État d’avoir une attitude dilatoire, ni d’avoir essayé de maintenir l’ambiguïté.
L’analyse juridique a été réalisée au niveau national, conduite avec l’expertise du secrétaire général aux affaires européennes, validée par le secrétariat général du gouvernement. J’ai pensé qu’il était important de donner cette analyse à Paul Giacobbi.
Quel est l’enjeu de ce courrier ?
Il ne s’agit pas de principe politique, mais de droit national faisant référence au bloc de constitutionnalité et au droit européen. Notre appartenance à l’Union européenne depuis le traité de Rome, comme pays fondateur, implique des limites dans les souplesses.
Contrairement à ce qu’affirment Paul Giacobbi et les nationalistes, vous confirmez que le droit européen n’acceptera pas le statut de résident ?
Les assouplissements de l’Union européenne ne peuvent pas répondre au cas particulier de la Corse. L’île n’est pas dans la situation des Îles Aland, du Tyrol, de Malte ou de la Bulgarie. Ce sont des situations particulières qui ne peuvent pas être transposées parce qu’elles sont provisoires.
Elles sont le résultat de conditions mises en place au moment du traité d’adhésion. La Corse n’est pas dans cette situation. On ne peut pas imaginer invoquer des situations transitoires pour mettre en place ce statut dérogatoire qui serait tellement dérogatoire que les libertés fondamentales, liberté d’établissement, liberté de circulation ne seraient plus respectées.
Vous considérez que le statut de résident est une réponse inadaptée, mais le problème demeure ?
Il y a des problèmes en Corse sur l’utilisation du foncier, du logement, la maîtrise du modèle de développement, mais tous ces enjeux ne peuvent pas trouver de solutions dans le cadre du statut de résident.
Cette disposition est contraire à la Constitution, au droit européen et ne serait pas opérante. Pour le gouvernement, cette voie est une impasse.
Vous faites allusion aux risques de contournement ?
On peut s’opposer à une personne physique, mais comment empêcher qu’une société civile immobilière, une personne morale, puisse être gênée d’acheter un terrain…
La mention de la Corse dans la Constitution à l’article 72-5 ne permettrait donc pas de mettre en place le statut de résident ?
Ce sera aux juges constitutionnels de le dire, mais je n’imagine pas une remise en cause du principe d’égalité entre citoyens qui fait partie des principes fondamentaux de la République et résulte de l’article 2 de la Déclaration de 1789.
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CorsicaInfurmazione.org by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
[…] Retrouvé l’intégralité de cette interview dans Corse-Matin du 24 juin
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