« Messieurs les parlementaires,
Une nouvelle fois, une fois de trop, la juridiction administrative d’appel a été obligée de constater qu’un luxueux lotissement situé sur la commune de Bonifacio avait été construit sans permis de construire.
L’Etat, qui demande au Parlement de voter des Lois, ne se donne pas les moyens de les appliquer, et laisse, ici comme ailleurs, le soin aux associations de recourir aux tribunaux pour en obtenir l’application.
Nul en Corse ne se fait la moindre illusion sur les conséquences de ce jugement : outre les possibilités de recours devant la cour de cassation offertes au contrevenant en question, personne ici n’imagine que la loi pourrait être appliquée et les constructions illégales démolies, conséquence du principe constitutionnel selon lequel l’autorité judicaire est garante de la propriété privée.
Ce principe démontre toute sa portée en matière d’urbanisme, puisque la circonstance que la construction est illicite est indifférente : ni l’autorité administrative, ni la juridiction administrative n’ont le pouvoir d’ordonner la démolition d’une construction irrégulière, dès lors que cette dernière a été édifiée sur une propriété privée. Lorsque le juge civil et pénal ordonne, le cas échéant, la démolition de la construction litigieuse, elle n’est pratiquement jamais exécutée.
Nous ne croyons pas, contrairement semble-t-il à la majorité des élus de l’assemblée de Corse, qu’une nouvelle loi, ou un nouveau règlement puisse apporter une réponse satisfaisante à la question des nombreux abus que vivent nos compatriotes en matière d’urbanisme, pas plus qu’elle ne constituerait un frein à la spéculation foncière.
Nous pensons par contre que dans ce domaine, comme en matière de lutte contre le grand banditisme et les réseaux mafieux, c’est au portefeuille qu’il faut frapper, et frapper durement.
Dans le cas d’espèce, non seulement les propriétaires des logements construits sans permis sont dans l’illégalité, ce qui introduit une discrimination insupportable envers les citoyens respectueux des lois et règlements, mais ils peuvent en tirer d’importants revenus en les louant pendant la saison estivale.
La Loi permet aujourd’hui à l’Etat, même si elle ne va pas aussi loin que nous le souhaitons, de priver des revenus des biens mal acquis les membres de réseaux mafieux : nous ne voyons aucune raison pour qu’il n’en soit pas de même pour les propriétaires en situation illégale.
C’est pourquoi nous vous suggérons, messieurs les parlementaires, d’user de votre droit d’amendement pour permettre que les contrevenants puisent être mis en demeure de restituer tout ou partie des revenus qu’ils tirent des constructions illégales à la CTC afin d’abonder les fonds dont elle doit disposer pour lutter efficacement contre la spéculation foncière.
En vous assurant de notre profonde et respectueuse considération. »
Pour le Club La Gauche Autonomiste
Vincent Carlotti