A une large majorité – 29 contre 18 – l’Assemblée de Corse a adopté le principe d’une proposition tendant à limiter l’acquisition de propriété foncière en Corse aux personnes qui y ont leur principale résidence depuis cinq ans.
Cette proposition est transmise à la commission compétente de l’Assemblée de Corse laquelle est chargée d’élaborer un projet de texte qui sera soumis au gouvernement dans le cadre des discussions en cours relatives au statut de la Corse.
Les résidences secondaires représentent aujourd’hui plus de 35% du parc immobilier de la Corse et sont, en réalité, prédominantes dès lors que l’on se rapproche du littoral. Ce phénomène qui va en s’amplifiant crée un problème social redoutable puisqu’il est de plus en plus difficile à un résident de la Corse de se loger dans certaines zones compte tenu de la spéculation immobilière tandis que ces résidences secondaires, bien souvent louées à des tiers pendant la saison, représentent une véritable économie parallèle qui constitue une concurrence déloyale dommageable pour l’activité touristique.
Ce phénomène n’est évidemment pas propre à la Corse et touche bien des régions touristiques.
Il est particulièrement accentué chez nous parce que pendant longtemps les pouvoirs publics, à commencer par la région elle-même, ont tout misé non pas sur le tourisme, celui des professionnels du secteur, mais sur le concept fumeux et dangereux « d’économie résidentielle » qui consiste à penser qu’il faut construire des résidences secondaires en masse et faire vivre notre économie sur trois piliers : la plus-value foncière issue de la vente des terrains, les bénéfices tirés de la construction des résidences et, par la suite, les retombées de la présence en masse des résidents secondaires ou de leurs locataires clandestins et estivaux.
Outre que l’idée d’une économie de rentes et de cueillette ne peut amener durablement la prospérité sans connaître de crise majeure à l’instar de toutes les zones touristiques hypertrophiées dans lesquelles l’immobilier résidentiel tient une place excessive, une telle évolution est de nature à ruiner une société, par l’inégalité entre les bénéficiaires aléatoires de la rente et les autres ainsi que par les convoitises criminelles que font naître toute spéculation effrénée tandis qu’à la fin la population résidente qui se trouve de moins en moins propriétaire chez elle et qui a le plus grand mal à s’y loger va nécessairement s’opposer à l’emprise de ceux qui s’enrichissent sur sa terre sans même se donner la peine de s’y installer tout en laissant quelques miettes de leur festin aux indigènes.
Chacun s’accorde sur le constat. Il m’est remonté beaucoup de réactions de tous les coins de France me confirmant que les mêmes causes ayant les mêmes effets, nos propositions étaient comprises à la base par tous ceux qui connaissant le même type de situation et souffrent des mêmes frustrations. Cependant, la polémique s’est instaurée sur le plan des principes juridiques.
J’ai rappelé à ce propos que le critère par lequel on donnerait au résident principal des droits et des avantages que l’on refuse au résident secondaire, n’est en rien discriminatoire et se trouve très largement utilisé dans le droit français pour des domaines aussi importants que la fiscalité ou les droits civiques.
Le critère de résidence ne repose que sur une constatation matérielle et exclut bien évidemment toute discrimination fondée sur la race, l’origine ou la religion. A aucun moment il ne s’agit de favoriser « les Corses » par rapport à ceux qui ne le seraient pas mais d’admettre que celui qui réside à titre principal ou qui aurait dans notre île le centre principal de ses intérêts moraux ou matériels, selon une formule bien établie dans notre droit, dispose de droits différents et supérieurs.
Dans le domaine fiscal, une résidence principale est moins lourdement imposée qu’une résidence secondaire, en matière électorale, un résident secondaire doit avoir acquis cinq années de contribution pour être inscrit sur la liste électorale alors qu’il suffit simplement six mois de résidence principale pour celui qui s’y est installé.
Cependant, on m’oppose que le droit de propriété est sacré et qu’il serait interdit par la Constitution, voire les Droits de l’Homme, d’y porter atteinte en quoi que ce soit et quelle qu’en soit la raison. Une telle affirmation ne peut résulter que de l’ignorance ou de la mauvaise foi. En France, un propriétaire peut être exproprié, se voir imposer le passage de lignes électriques ou de canalisations, se voir privé de tous droits à construire, ou opposé une préemption lors de la cession de son terrain, sans même que l’administration publique ait besoin d’enchérir et toutes ces atteintes au droit de propriété sont admises par la loi sous réserve qu’elles soient justifiées par l’intérêt public.
Est-ce que permettre au résident permanent d’un territoire donné de pouvoir se loger à un prix raisonnable ou lutter contre la spéculation immobilière effrénée ou la volonté publique de développer une activité touristique saine au détriment de commerces clandestins et non-professionnels ne constituent pas des intérêts publics suffisants pour justifier une mesure qui permettrait à la Corse de se développer économiquement et socialement avec le concours de tous ceux qui y résident ou qui voudraient s’y installer, quelle que soit leur origine, leur race ou leur religion ?
Je note avec satisfaction que la vague d’indignation qui avait été soulevée par mes déclarations de l’été dernier sur ce sujet a été beaucoup plus modeste cette fois-ci, sans doute parce qu’il est beaucoup plus difficile de stigmatiser la majorité d’ailleurs plurielle d’une assemblée régionale qu’un homme politique pris individuellement.
Il est aussi possible que la direction de la communication du groupe Veolia ait eu cette fois-ci d’autres instructions ou, tout simplement, autre chose à faire.
En tout état de cause, il est surtout important de travailler à cette question sur le plan technique et juridique, d’en débattre démocratiquement, en particulier au Parlement, de s’éclairer à la lumière des exemples européens ou étrangers qui ne manquent pas, notamment dans des régions et des pays très soucieux de l’Etat de droit et de l’égalité entre les citoyens.
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Revue de Presse et suite de l’article :
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