Depuis plusieurs semaines, l’opinion est informée du climat de tension régnant au sein du Syndicat des Travailleurs Corses. Au-delà du débat contradictoire autour d’orientations divergentes s’instaurant entre deux listes qui s’opposent pour la direction du Syndicat et découlant d’un fonctionnement démocratique interne propre à tout syndicat ou organisation quelconque, chacune des deux parties avance ses arguments plus ou moins pertinents et crédibles selon les sympathies ressenties vis-à-vis de l’une ou l’autre des deux listes. Certaines diatribes ou attaques plus ou moins virulentes ne doivent pas cependant faire oublier ou occulter la question fondamentale que chacun doit avoir à l’esprit « Quid de l’avenir du STC ? ». A partir de ce questionnement, chaque responsable et chaque militant, comprenant l’importance que revêt ce congrès, se doit d’agir en conséquence et faire en sorte que le fossé qui pourrait se creuser entre les uns et les autres ne puisse pas mettre en danger l’existence de cet outil indispensable pour la défense des droits des travailleurs corses dans l’île.
Ce syndicat a été construit non sans turbulences et non sans oppositions et obstacles. Depuis sa création le 1er mai 1984, nombre de ses congrès ont été plus que houleux, mais chaque fois le syndicat et ses militants ont su réagir et surmonter les nombreuses crises qui ont précédé puis suivi ces confrontations.
Et celui qui s’annonce ces 26 et 27 avril à Ajaccio, sauf à aller vers une scission que personne au sein des listes en présence ne souhaite et ne veut même pas envisager, et quels que soient les clivages et les débats, ne pourra jamais dépasser le climat de tension souvent extrême connu lors de précédents congrès que le STC a tenu depuis sa création. Le syndicat a dû au fil des années non seulement surmonter les crises internes mais encore lutter pour imposer sa représentativité au sein des administrations ou des entreprises, les pouvoirs publics et l’Etat s’opposant par tous les moyens légaux ou répressifs à cette reconnaissance de représentativité, et cela avec l’aval plus ou moins officiel des autres syndicats « dits français » qui n’ont jamais apprécié l’intrusion du STC sur le terrain social et syndical corse.
En 2004, malgré tous ces blocages et obstacles mis sur sa route, le STC devenait le 1er syndicat représentatif dans l’île et depuis il n’a cessé sa progression. Cette reconnaissance du monde salarié était la juste rançon de son travail et de son investissement sur le terrain social dans la défense des droits des travailleurs corses de l’île…
C’est en ayant à l’esprit cette histoire du syndicat que toutes celles et ceux qui aujourd’hui s’apprêtent à débattre de son avenir doivent comprendre que leur responsabilité est que tout continue sereinement et que le vote démocratique et libre de chacun des délégués doit permettre au syndicat de sortir encore plus fort et plus uni de ce Congrès.
Ceux qui spéculent sur son affaiblissement ou même une hypothétique scission doivent être démentis par un comportement militant et responsable de chacun. Le STC se doit de continuer sa marche en avant et chacun, quelles que soient ses critiques ou convictions partisanes doit s’en convaincre et agir en conséquence pour son renforcement et son développement.
La Corse s’engageant de plus en plus vers une société à deux vitesses où au-delà de quelques nantis s’enrichissant de plus en plus, les travailleurs-salariés ou non seront de plus en plus pauvres… et le plus grand désastre pour le monde du travail et la défense des salariés serait de ne pas réussir à surmonter la situation de tension et de crise que connait aujourd’hui, une fois de plus le STC..
Quelques rappels aux militants et adhérents :
En 2008, je racontais l’histoire de ce syndicat, rappelant les multiples crises qu’il allait réussir à surmonter pour s’imposer 20 ans après sa création comme le 1er syndicat de l’île.
Le Syndicat des Travailleurs Corses, STC, DCL éditions, ouvrage paru en mars 2008, 330 p, 22 euros (plus 7 euros de frais d’envoi -12 euros pour l’étranger). La création et le développement du Syndicat corse, devenu le 1er de l’île.
Présentation de l’ouvrage
Dans les années 1970, alors que se développe un mouvement de contestation dans l’île et que le problème corse occupe la une de l’actualité, les salariés corses décident de lutter quotidiennement pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Regroupés au départ dans des syndicats dits traditionnels, ils s’inscrivent dans des schémas de lutte et de réflexion découlant des analyses et des actions de mobilisation impulsées à l’échelon national français. Avec la montée en puissance de la contestation en Corse, suite au développement notamment de la lutte armée clandestine, des adhérents corses de ces syndicats traditionnels impulsent la prise en compte par ceux-ci de revendications spécifiques. Ils tentent de les mobiliser autour des thèmes des conditions de travail et d’emplois propres à la Corse, en tirant leurs analyses et leurs prises de position d’une approche spécifique de la situation économique et sociale, la Corse n’étant pas pour eux l’île de France ou la Lozère.
C’est ainsi que ces pionniers, entraînant à leur suite de nombreux militants autonomistes puis nationalistes, investissent dans un premier temps les syndicats dits traditionnels, surtout la CFDT. Ces militants vont faire évoluer les structures régionales de ces formations syndicales, et les amener à prendre alors des positions beaucoup plus « politiques », tenant compte de l’élargissement des idées autonomistes puis nationalistes au sein des différentes couches sociales de la société corse, particulièrement parmi les franges les plus jeunes.
Au début des années 80, cette stratégie de « l’entrisme » va cependant connaître ses limites et le mouvement nationaliste en pleine ascension va en tirer les enseignements. A l’initiative du FLNC, Front de Libération Nationale de la Corse, est alors élaborée la stratégie des contre-pouvoirs politiques, économiques, sociaux, culturels, associatifs et syndicaux. C’est la fin de la politique de « l’entrisme » syndical prôné et encouragé jusqu’alors, et la mise en chantier de la création d’une structure syndicale spécifique de défense des salariés corses.
Le 1er mai 1984, est officialisé le STC, « Sindicatu di i Travagliadori Corsi », prenant la suite des premiers « Associi Naziunalisti » crées durant les mois précédents et coordonnés au sein de la « Cuncolta di l’Associii Naziunalisti » (CAN).
Au fil des années et des luttes sociales, le nouveau syndicat va confirmer une progression constante dans tous les secteurs d’activité de la société corse.
Arrivé en tête aux élections prud’homales en décembre 2002, il devient officiellement le premier syndicat de Corse, confirmant sa place prépondérante dans le paysage social de l’île.
C’est toute l’histoire de ce syndicat, « spécifique et identitaire », depuis sa création, son développement et sa consécration aujourd’hui que l’auteur a choisi de traiter ici.
Table des matières
Introduction…………………………………………………………………….6
1ére partie : Du syndicalisme en général….………………………………9
Chap 1 : L’histoire du syndicalisme……………………………….10
A) En Europe……………………………………………………………….10
B) En France………………………………………………………………..11
a) Des origines au Front Populaire.
b) L’après-guerre (1945-1980)
Chap 2 : L’évolution des enjeux………………………………….22
A) De l’internationalisme……………………………………………………22
a) Des origines à aujourd’hui
b) La construction européenne
B) La crise du syndicalisme…………………………………………………25
a) Le tournant des années 1980
b) Le syndicalisme dans la tourment
Chap 3 : Le mouvement social en Corse……………..p31
A) Jusqu’aux années 1970…………………….………………………….31
a) Des origines au Front Populaire
b) L’après-guerre (1945-1970)
B) La période contemporaine………………………………………….…33
a) Les années 70
b) Le poids de la Revendication nationaliste
2ème partie : De la création au développement ……………36
Chap 1 : La naissance du STC………………………………………37
A) La Corse dans son contexte historique et politique…………………..37
a) Rappels historiques
b) La revendication contemporaine
B) Des « associi » au STC………………………………………………….41
a) A « Cuncolta di l’associi naziunalisti », CAN
b) Officialisation du STC
Chap 2 : L’implantation du syndicat ………………………………45
A) Les premières batailles…………………………………………………..45
a) Croissance et structuration
b) Le conflit de la SMC
B) Les obstacles……………………………………………………………..49
a) Une audience grandissante
b) La répression
Chap 3 : Le renforcement du syndicat………………………………53
A) Les élections prud’homales………………………………………….….53
a) Intensification des mobilisations
b) Le succès des Prud’homales
B) La lutte pour la représentativité………………………………………..56
a) Un combat permanent
b) Les premiers clivages
3ème partie : Des confrontations à la stabilisation ………………64
Chap 1 : Les grandes épreuves…………………………………………..65
A) Le conflit social de 89……………………………………………………..65
a) Une crise sans précédent
b) Le poids du « politique »
L’éclatement du mouvement nationaliste…………………………….………80
a) Le temps des déchirures
b) Entre turbulences et instabilité
Chap 2 : De l’originalité à l’indépendance syndicale…………………..89
A) L’indépendance syndicale…………………………………………..….….89
a) Le conflit de 1995
b) Entre désarroi et impuissance
B) Une traversée du désert…………………………………………….………95
a) D’autres catégories sociales occupent le terrain
b) Les « foudres » de Bonnet
Chap 3 : L’affirmation…………………………………………………..106
A) Un contexte politique et social débridé………………………………….106
a) Un climat social qui se dégrade
b) Le social « grand oublié » du processus de Matignon
B) Les syndicats s’imposent dans les discussions…………119
a) L’ostracisme des syndicats traditionnels
b) Premier syndicat de Corse
Conclusion
Une présence active dans tous les secteurs de la vie économique et sociale ont fait en vingt ans du STC un élément incontournable du paysage syndical insulaire1. Le syndicat aura également acquis entre temps une audience au niveau européen, à l’occasion de la prise spectaculaire du navire « Pasquale-Paoli » en novembre 20052, mais aussi grâce au développement de relations internationales et aux contacts privilégiés qu’il a noués avec les syndicalistes du pays Basque ou des DOM-TOM3.
Malgré d’importantes divergences, notamment sur la question des lois de décentralisation et du Référendum sur les institutions de l’île, proposée par le gouvernement Raffarin et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy en 2003, un rapprochement va s’opérer progressivement avec les syndicats traditionnels. Il se concrétisera par la participation à une unité d’action, se traduisant par de grandes mobilisations qui seront portées par des intersyndicales, notamment durant l’année 2006 à l’occasion du conflit pour la défense des retraites, et le refus du Contrat Premier Emploi, (CPE) et Contrat Nouvel Emploi, (CNE)4.
Au-delà des évolutions internationales (chute du mur de Berlin, construction européenne mondialisation de l’économie… ) au-delà des déceptions engendrées par la gestion peu sociale de la gauche (quant elle a été au pouvoir), les dérives des syndicats traditionnels vers une « institutionnalisation et une fonctionnarisation », entraînant la perte d’un contact permanent avec la réalité du terrain social et les problèmes des salariés, expliquent en partie leur désaffection et la perte de leur influence. A l’échelle de la Corse, le STC est lui aussi guetté par ces écueils. Son avenir dépendra de sa capacité à éviter précisément les travers des syndicats traditionnels.
Il doit pouvoir allier « syndicalisme de services » (soutien aux retraités, assistance juridique et fiscale, aides aux logements, aux loisirs, à la formation… comme les syndicats italiens ) « syndicalisme de négociation » (mais aujourd’hui celui-ci est de plus en plus difficile au vu de l’évolution des technologies qui incite les entreprises à des dégraissages et à des baisses d’effectifs avec des aménagements-réductions du temps de travail) sans laisser de côté le « syndicalisme de mobilisation » pour imposer une répartition du temps de travail qui permette de lutter contre le chômage et l’exclusion sociale, tout en insistant sur les salaires et le pouvoir d’achat.
Il doit pouvoir alterner l’action directe de régulation des rapports sociaux autour du conflit et de la négociation, et l’action indirecte de représentation par laquelle il doit jouer un rôle de « fonctionnaire du social » en s’affirmant comme une institution incontournable. Son avenir se joue dans l’équilibre et la complémentarité qu’il saura trouver entre ses deux voies, sous peine de tomber dans les travers qui ont affaibli le syndicalisme traditionnel français.
Au-delà, il lui faut également veiller à préserver son autonomie, à l’égard des mouvements politiques corses, sans toutefois se couper de la revendication nationaliste dans sa globalité, hors de laquelle il serait condamné à une normalisation qui lui serait à terme fatale, même s’il continuait à faire preuve d’une plus grande combativité que ses pairs. Il doit aussi veiller, eu égard aux relations sociales générées par la réalité insulaire, et aux graves difficultés économiques que connaît l’île, à ne pas se laisser phagocyter par le discours populiste et paternaliste du patronat insulaire. Il lui appartient aujourd’hui, au vu du nombre croissant des militants et des adhésions venant d’horizons très divers, de ne pas se laisser entraîner vers une « dépolitisation » progressive qui le déconnecterait de sa vocation fondamentale de syndicat spécifiquement corse. Il se doit donc de veiller à ce que la « souveraineté » des diverses sections, ou des secteurs, soit comprise dans le cadre d’une vision d’ensemble de la stratégie et de la philosophie du syndicat, et non pas d’une vision carriériste ou partisane pouvant conduire à soutenir consciemment ou non des choix politiques, sociaux ou administratifs en contradiction avec sa ligne. Son principal challenge consiste en fait, face à l’afflux massif qui est venu grossir ses rangs, à ne pas perdre sa « substantifique moelle » ou son âme, et à canaliser sa nouvelle dynamique pour ne pas être, en fin de compte, victime de son succès1.
Adresses de commande :
– Poggioli Pierre (Fiara éditions) Ricineta Carbuccia 20133.
Par mail : Accolta@aol.com (chèques libellés à l’ordre de Poggioli Pierre)
– DCL éditions, Ajaccio, route du Vazziu-20000
Voir aussi supra article Fiara éditions, ouvrages disponibles