Lors du procès qui s’est tenu le 12 février dernier, les militants de Ghjuventù Indipendentista ont eu le soutien du mouvement national, mais pas que, il y a eu le soutien du Conseil d’Administration de l’Università di Corsica. Un soutien qui dérange un Maître de conférence…
Voici sa position :
« Le conseil d’administration d’une université peut-il, sous prétexte de soutien à des étudiants pour des infractions présumées, sans aucun lien avec l’université elle-même, adopter des motions du type de celle adoptée le 11 février à l’université de Corse : « Le Conseil d’Administration de l’Università di Corsica Pasquale Paoli, réuni ce jour en séance plénière, tient à apporter son soutien aux jeunes militants syndicalistes appelés à comparaitre le mercredi 12 février au Palais de Justice de Bastia.
Il déplore l’outrance et l’irrationalité des procédures policières et judiciaires qui ont conduit ces jeunes dans l’enceinte d’un tribunal. Il s’étonne d’autant plus de cette stratégie qu’en des lieux différents, et avec des affrontements et des exactions d’une autre ampleur, les réponses apportées par la police et la justice n’ont pas eu la même visée punitive, loin s’en faut. Il tient également à mettre en relief les risques et dérives anti-démocratiques que recèle la pratique de prélèvement de l’ADN, qui constitue un des motifs principaux retenus contre les jeunes militants. Au delà des mots d’ordre du syndicat Ghjuventù Indipendentista, dont on ne peut que remarquer la forte congruence avec les orientations, unanimes pour certaines, quasi unanimes pour d’autres, qui sont désormais au coeur de l’engagement de l’Assemblée de Corse, le Conseil d’Administration de l’Università rappelle qu’elle apportera toujours son soutien aux jeunes dont l’éveil et la conscience politique convergent vers l’avènement d’une société démocratique, forte de son identité et pleinement tournée vers les enjeux d’avenir » ?
A notre humble avis, la réponse est clairement négative. Il suffit pour cela de lire l’article L. 712-1 du Code de l’éducation dont il résulte que le conseil d’administration a pour fonction d’assurer l’administration de l’université. Ainsi, par ses délibérations, le Conseil d’administration détermine la politique de l’établissement (pas la politique en général).
En l’occurrence, il :
vote le budget et approuve les comptes,
fixe la répartition des emplois,
approuve le contrat d’établissement,
autorise le Président à engager toute action en justice,
approuve les accords et conventions, les emprunts, les prises de participation, les créations de filiales et de fondations, l’acceptation de dons et legs et les acquisitions ou cessions immobilières,
adopte le règlement intérieur de l’université et les règles relatives aux examens,
approuve le rapport annuel d’activité.
Aucune disposition n’autorise donc l’adoption de motion du type de celle adoptée le 11 février.
Autant dire qu’en procédant ainsi, on utilise un conseil pour une fonction qu’il ne peut avoir, tout en envoyant le message suivant : les universitaires de Corte sont tous derrière les étudiants nationalistes et en adoptent les thèses, ce qui est bien évidemment inexacte.
Il est regrettable que cette habitude soit prise. Les précédents sont en effet nombreux. Ainsi, le 28 mai 2013, le conseil d’administration adopte-t-il la motion suivante : « relative à la co-officialité de la langue corse ;
« U cunsigliu d’amministrazione di l’Università di Corsica, cuncoltu in a so ghjunta urdinaria u marti 28 di maghju di u 2013, piglia in contu è ricunnosce u votu magiuritariu di l’Assemblea in favore à a cuuficalità, u vennari 17 di maghju di u 2013. Si ralegra tantu di u risultatu chè di u dibattitu dimucraticu chì l’hà pricidutu.
Da issi ultimi trenta anni, cù a rivindicazione linguistica, s’hè cercu di traduce in lu drittu una pulitica linguistica utule è nicissaria, certa, ma chì oghje ùn la li pò più fà à tene a lingua viva è sparta in la sucetà isulana. Oramai u votu successu chere un saltu qualitativu maiò ed una risposta franca è chjara da a parte di u Statu, particularamente à livellu di a custituzione, cumu ellu usa à falla di modu rigulare. Li tocca, hè a soia a rispunsabbilità, ad arradicà in la norma giuridica a dicisione di i raprisintanti pulitichi di a Corsica chì anu fattu valè cù a so ditarminazione una dumanda suciale è un bisognu di cambiamenti significativi.
L’Università di Corsica sprime a so brama à movesi à prò d’una dinamica d’innuvazione suciale è pulitica chì deve aiutà à scioglie, di modu appaciatu è sirenu, un cunflittu linguisticu è culturale ed apre cusì l’orizonti novi d’una cultura cumuna. »
« Le Conseil d’Administration de l’Université de Corse, réuni en séance plénière mardi 28 mai 2013, prend acte du vote majoritaire de l’Assemblée de Corse en faveur de la co-officialité, le vendredi 17 mai 2013. Il tient à saluer tout autant le résultat que le processus démocratique qui l’a précédé.
La revendication linguistique en Corse depuis 30 ans a cherché à traduire dans le droit une politique linguistique utile et nécessaire mais aujourd’hui notoirement insuffisante à généraliser et à pérenniser l’usage de la langue corse. Désormais le vote qui vient d’intervenir appelle un saut qualitatif et une réponse sans ambigüité de la part de l’Etat, en particulier sur le plan constitutionnel comme il lui arrive de le faire régulièrement. Il lui revient en toute responsabilité d’acter dans la norme juridique la décision des représentants politiques de la Corse qui ont traduit par leur détermination une demande sociale en désir de changements significatifs.
L’Université de Corse exprime son enthousiasme à participer à une dynamique d’innovation sociale et politique qui doit conduire de façon apaisée et sereine au règlement d’un conflit linguistique et culturel et ouvrir les perspectives d’une culture commune ».
A nouveau, on ne peut que constater que cela n’a aucun lien avec l’administration de l’université. »
Maître de conférences, Université de Corse (depuis 2006)
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Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]