Corse, Ghjurnate Internaziunale 2011 – Intervention de François Sargentini lors du meeting

Corsica Libera remercie les organisations internationales présentes. La solidarité et la fraternité qui nous réunissent depuis trente années sont la preuve éclatante de la volonté de nos peuples niés à recouvrer l’ensemble de leurs droits. C’est la preuve que nous sommes déterminés à construire, en commun, un monde nouveau totalement en rupture avec le système politique économique et financier qui ruine, aujourd’hui, la planète. Cette année encore la présence de nombreuses délégations démontre leur écoute et leur soutien à la lutte du peuple corse. Nous les assurons de toute notre sympathie car leurs espérances sont aussi les nôtres.

Cette année e Ghjurnate di Corti sont marquées du sceau du deuil et de la tristesse. Il y a peu, notre militant et ami, Filippu Paoli a été assassiné, un assassinat qui s’inscrit dans la situation délétère que vit la Corse. Malgré la douleur, comme le voulait Filippu, nous allons garder à l’esprit que seule la défense des intérêts de notre peuple doit nous guider.

Filippu portait cette idée généreuse d’une Corse qui lutte et qui espère aujourd’hui pour demain, celle qu’il rêvait pour ses enfants, pour nos enfants, débarrassée des formes de soumission et de dépendance, libérée de ce système claniste aux ordres de l’Etat français qui nous prive depuis plus de deux siècles de notre liberté en tant que peuple, de notre droit au développement économique et social, qui réduit toujours un peu plus le rayonnement de notre langue et de notre culture .

C’est la Corse de Filippu qui est en chacun d’entre nous, et l’on peut tuer un militant, mais cette idée généreuse, celle d’une Corse libre, ils ne la détruiront jamais et les morts, tous les morts qui sont l’histoire de notre nation sont les gardiens de cette Corse qui combat pour l’émancipation nationale et sociale. Ce combat personne ne pourra nous en faire dévier. Nous honorerons la mémoire de Filippu comme celles de tous ceux disparus pour que vive la Corse.

Ni l’assassinat, ni la répression policière et judiciaire n’auront raison de cette détermination populaire qui porte en elle le devenir de notre peuple.

Nous saluons aussi tous les prisonniers politiques qui sont exilés et éparpillés dans différentes prisons du territoire français. Ils sont les témoins de la justesse de notre cause et leur enfermement quotidien nous rappelle la dureté du combat entrepris par le camp patriotique, nous les saluons parce que eux aussi malgré l’éloignement, continuent à porter la lutte qui rendra sa dignité à notre pays. Ils payent au prix fort ces idées qui dérangent : elles dérangent une classe politique en Corse trop souvent complice de l’Etat français, elles dérangent quand ils revendiquent avec nous leur rapprochement, ce qui aurait du être la moindre des choses pour un pays comme la France qui nous parle toujours d’état de droit. Quelques rapprochements ont vus le jour, ils sont le fruit de la mobilisation dans les prisons et dans la rue. A tous ceux qui subissent, par l’emprisonnement, le pire des châtiments imposé par l’Etat français, qu’ils sachent que notre soutien ne leur fera jamais défaut et que toute solution politique devra, sans que cela soit un préalable à toutes discussions, comprendre in fine une clause qui règle la question des patriotes emprisonnés et celle de la répression.

Ce premier constat permet clairement de comprendre la réalité de la situation : les corses veulent plus de pouvoir de décision et veulent entreprendre eux même la construction de leur pays !

Le gouvernement français réfute comme à l’accoutumée ces aspirations majoritaires de changement dès lors que ces aspirations portent sur l’obtention d’une plus grande souveraineté. Ils nous parlent toujours de leur constitution mais ils doivent comprendre une bonne fois pour toutes que la Corse ne se laissera jamais intégrer à l’ensemble normalisé français et le récent schéma de réforme intercommunale, que les préfectures tentent d’imposer discrètement, ne changera rien. Tout ce charcutage et ce découpage administratif de pensée hexagonale et départementale seront combattus. De plus il se fait au mépris même de la collectivité territoriale, pourtant saisie d’un débat sur l’évolution institutionnelle et qui paradoxalement en est totalement écartée.

La Corse n’est pas un département français. La Corse est un territoire naturellement délimité qui porte l’histoire d’une communauté, d’une patrie et d’une Nation. Et nous, nous en sommes les héritiers. Pour rappeler et affirmer ce que nous sommes. Cio che no simu.

Nous pensons que le moment est venu d’aller vers des horizons nouveaux, d’établir un nouveau pouvoir plus responsable et plus capable. Ainsi nos propositions, élaborées autour du concept de citoyenneté, s’inscrivent dans cette approche. Elles permettent de resituer la communauté corse comme acteur principal sur sa terre. Elles permettent à cette même communauté de bâtir son propre destin institutionnel, de choisir librement son cadre, son avenir au regard des évolutions régionales et mondiales, au moment où la globalisation des échanges économiques et financiers porte en germe un risque d’uniformisation systémique qui met à mal les identités et les peuples.

Notre concept de citoyenneté est porteur de reconnaissance, d’ouverture et de dignité. Il assure aux femmes et aux hommes qui vivent sur cette terre les mêmes droits sans exclusion aucune. C’est un facteur incontournable dans toute démocratie digne de ce nom et c’est un facteur universel qui s’inspire du droit international des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Il y a peu, à Siscu, une consultation des habitants a démontré que le concept de citoyenneté était grandement partagé. Cette consultation en appelle d’autres et l’organisation de ce vote montre la voie à suivre : il prouve la vitalité démocratique de la construction nationale, il prouve que les femmes et les hommes de ce pays peuvent déterminer quand ils le décident leur avenir et qu’ils ne sont plus obligés de subir des règles établies ailleurs.

Nous rappelons notre droit inaliénable à l’indépendance, hier gagnée puis perdue par les armes et dans le sang. La conquête de notre pays par la France n’a jamais été synonyme de liberté : un des premier décret des troupes d’occupation ordonnait la fermeture di l’Università di Corti, c’est vous dire si leurs intentions envers les corses étaient bien arrêtées ! Et aujourd’hui tant que nous subirons cette exclusion d’ordre coloniale, cette exclusion qui divise les femmes et les hommes pour mieux les détourner de leurs valeurs premières, de leur culture, de leur langue, nous refuserons de baisser les bras !

Nous affirmons aussi qu’il ne peut y avoir d’émancipation nationale sans émancipation sociale. Car en Corse comme ailleurs on a besoin de justice et d’un partage équitable des biens et des richesses produites. Au moment où l’une des phases de la domination française et de l’économie mondialisée est l’accaparement quasi généralisé de la Corse au profit de sociétés privées, sociétés uniquement guidées par le souci d’une rentabilité financière immédiate, nous réaffirmons pour notre part la notion de bien et d’espace publics, et de développement économique maitrisé et durable. Car il n’est pas question de voir privatisés des pans entiers de notre terre, des secteurs économiques essentiels comme la distribution de l’eau, les transports, la production énergétique, ou le traitement des déchets. Même l’éducation et la formation sont menacées. Il n’est pas question pour nous de laisser s’installer cette financiarisation à outrance qui participe à la perte de nos repères pour des logiques affairistes et meurtrières qui font le deuil et le malheur de nos familles et tout ceci pour l’unique profit de ceux dont le seul but est de combattre tout sentiment de construction nationale.

C’est pour cela aussi que nous avons fait de la question sociale un point fondamental de notre projet, que nous sommes aux côtés du personnel et des syndicalistes de la Santé lorsqu’ils occupent leurs locaux ou qu’ils descendent dans la rue pour une meilleure organisation des soins, que nous sommes aux côtés des cheminots lorsqu’ils font la grève de la faim pour revendiquer un outil de transport public, aux côtés des associations de défense de l’environnement contre les boulimiques et urbanistiques PLU qui assoient la colonisation de peuplement, aux côtés des militants qui sont traduits devant la justice française pour leur opposition à la spéculation immobilière comme à Calvi, et c’est pour cela aussi que nous sommes aux côtés des agriculteurs qui revendiquent la maitrise foncière. Et la liste est – hélas – loin d’être exhaustive…

Nous sommes à la croisée des chemins. La collectivité territoriale s’empare – enfin – des débats portant sur la maitrise du foncier, du statut de résident, de la citoyenneté, de l’évolution institutionnelle et sur la langue et la culture. Mais pour le moment ce ne sont que des débats qui demain peuvent se terminer au fond d’un bureau administratif français… Souvenons-nous de la notion de peuple corse votée trois fois par l’assemblée régionale et par l’assemblée nationale française mais souvenons nous aussi de ces espoirs suscités et ensuite broyés par les chiens de garde de la constitution française… !

Pour autant un espoir subsiste, à condition que le mouvement national soit cohérent, qu’il prenne toutes ses responsabilités et qu’enfin après tant d’années de lutte, de sacrifices, il propose sa vision stratégique pour la prise du pouvoir. Si nous ne répondons pas aux demandes exprimées par les corses, nous risquons de rester un simple mouvement de contestation qui sera occasionnellement la force d’appoint et le jouet de ce système archaïque qui pour continuer à s’assurer le pouvoir reprendra nos idées, a minima bien sûr.

Corsica Libera fera tout pour construire une nouvelle Corse : nous ferons tout pour construire l’alternative à ce système incapable d’inscrire notre pays dans la modernité et le progrès, incapable d’imaginer un futur pour notre peuple, incapable pour la grande majorité des femmes et des hommes, qui le soutiennent, de concevoir un développement économique et durable. Aujourd’hui notre responsabilités est immense, elle est historique parce que pour la première fois nous pouvons changer le court des choses et au delà de nos différences, qui sont avant tout un signe de respiration démocratique et de richesse, nous qui prétendons partager les mêmes espoirs. Il est plus que temps de donner aux corses ce qu’ils attendent depuis longtemps : un projet et la mise en application de ce dernier.

Maintenant, nous pouvons dépasser le stade de la simple contestation du système français. La représentativité du mouvement national est de facto une force pour gérer ce pays. C’est maintenant que nous devons présenter aux candidats de l’election présidentielle française une solution et construire pour l’échéance territoriale de 2014 notre projet pour enfin arriver au pouvoir. Nous devons être l’élément moteur de la Corse nouvelle en proposant à l’ensemble des forces politiques, syndicales et associatives, notre vision de la Corse de demain ; une Corse ambitieuse débarrassée de ses archaïsmes et qui entend jouer pleinement son rôle dans son espace naturel, la méditerranée. En quelques mots, tout le monde doit savoir que nous avons en commun un projet pour la nation, c’est à dire une stratégie globale pour régler la question nationale corse.

Et si le mouvement national est maintenant la force incontournable, toute solution au conflit devra se matérialiser avec le concours de toutes les parties concernées, la Corse bien évidemment mais aussi l’Etat français qui depuis Ponte Novu porte la responsabilité de l’administration de notre territoire, afin que nous puissions avoir de nouveaux rapports et établir ainsi définitivement une solution politique.

Corsica Libera rappelle ses propositions :

* Instauration d’un pouvoir législatif pour l’Assemblée de Corse,

* Officialisation de la langue corse,

* Instauration d’une citoyenneté corse fondée sur 10 années de résidence permanente. La citoyenneté donnera des droits civiques ainsi que droit de vote. Elle permettra l’accès à la terre et l’emploi.

* Mise en place d’un plan de développement économique et social équilibré qui aura pour objectif de développer l’ensemble du territoire national.

* Statut fiscal dérogatoire et maintien de l’exonération des droits de succession pour les immeubles situés en Corse, et extension de l’exonération à la transmission des fonds artisanaux et commerciaux.

* Maîtrise du foncier avec des mesures anti spéculation, en définissant l’occupation de notre territoire : les zones à protéger, les zones de développement économique, les terres à vocation agricole et les espaces remarquables.

* Libération des patriotes emprisonnés.

En formulant ces propositions, nous ne sommes guidés que par le souci de l’intérêt collectif: la justice sociale, la répartition des richesses, le développement durable et identitaire. La résolution de la question nationale corse repose sur la mise en route d’un processus politique qui garantit au Peuple Corse ses Droits Nationaux. Le Peuple Corse ne serait être considéré comme une communauté en compétition avec d’autres communautés sur sa terre. Il est le Peuple de ce pays et doit être reconnu comme tel pour pouvoir enfin accomplir son destin, au même titre que tous les autres peuples de la planète. Il s’agit là d’un droit internationalement reconnu. Les Corses n’ont pas vocation à être une sous population mise sous tutelle permanente. Ils savent depuis longtemps ce que sont les droits humains : ils ont quand même écrit une des premières constitutions démocratiques !

De plus, notre peuple saura être généreux et saura donner une place à ceux qui voudront partager son destin, comme il a toujours fait. Ce sont les concepts que nous entendons valider avec toutes celles et ceux qui définitivement veulent sortir la Corse de l’ornière, de la tutelle coloniale, de la gangrène affairiste pour bâtir une nation libre et fière, à égalité dans le concert des communautés, des peuples et des nations qui font cette mosaïque de l’humanité.

Nul ne pourra altérer notre combat. Nous sommes debout pour rappeler ce fondement de notre lutte : Issa terra hè a nostra è nessunu ùn ci pò pratende ! Ni la prison, ni le meurtre ne nous arrêterons dans notre choix pour la liberté !!! Nous sommes et serons toujours debout, pronti a marchjà sin’à a vittoria ! Pensate à ciò che no eramu in lu 1981 quandu avemu intrapresu di fà e prime ghjurnate di a lotta di liberazione, mai un cridianu à un avvene per noi eppuru a vulintà è a determinazione hanu fattu a so opera. Oghje u populu corsu hè più sicuru è s’ellu ùn hè ancu salvu tuttu ognunu sà chi centinaie di patriotti sò pronti a ingaggiasi per lascià à e prussime generazione di chi stantà u so pane nant’a so terra ! E pudemu dì senza sbagliacci chi e grane suminate da Pasquale Paoli, in lu 1755, nimu l’ha pussute stirpà !

L’avvene hè nostru !!! Iè, l’avvene ùn pò esse che nostru perchè pensemu à a corsica di dumane è quest’ hè cio chi ha fattu a nostra forza di resistenza è ùn l’hannu mai da smattà.

Evviva a Lotta di Liberazione Naziunale !!!
Evviva u populu corsu !!!

 

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